Le conférencier, historien des mentalités, devant les amis
du musée de Grenoble commence par citer
« Sade » :
« La cruauté
loin d’être un vice est le premier sentiment qu’imprime la nature »
Pour l’illustrer le surréaliste Clovis Trouille dont le mouvement
avait promu le Marquis était plutôt ludique alors qu’avant Nietzche, celui qui fut enfermé
pendant 30 ans avait proclamé la mort de Dieu. Après la révolution française
passée des Lumières à la Terreur, la croyance en l’homme « à l’image de Dieu »
ne s’impose plus. Delacroix qui avait perdu père, mère et frère
parlait « d’un fond noir à contenter » et « le soleil
noir » de Nerval,
s’ajoutait au « noyau infracassable de nuit » de Breton. Dans les écrits et la
peinture la violence donnée ou subie ne connaît plus de limites.
Sur le thème des plaisirs nés de la violence, je n’irai pas
puiser dans l’iconographie infinie de la souffrance rédemptrice du Christ, mais
plutôt du côté d’œuvres plus rares.
Romantique, J.H.Füssli : « Brünhilde se venge de
Gunther ».
Goya était inévitable: « Les désastres de la guerre »
s’inscrivant dans un florilège de la cruauté, sont repris 170 ans plus tard par
les frères Chapman.
Les têtes coupées n’ont pas manqué dans l’histoire de l’art,
mais « Salomé »
donnant un baiser à Jean Baptiste dont elle a réclamé la tête par Lévy-Dhumer
est scandaleuse.
La femme fatale inquiète : « Vampire » de Munch.
L’ambivalence est poussée chez Balthus où « La victime »
au corps abimé est fantasmée.
Dans des formes exacerbées du don de soi, « Sainte
Lucie » de Francesco del Cossa, offre
ses yeux, impavide, sublime au bout de la souffrance.
Les combattantes les plus héroïques peuvent être vulnérables,
mais l’ « Amazone blessée » de Franz Von Stuck est puissante.
« Sainte Agathe » avant de se faire arracher les
seins est la plus sereine de tout le groupe ainsi que Sebastiano del Piombo l’a représentée
et celle de Zurbaran
est également étonnante.
« Saint Sébastien soigné par Irène » par Trophime Bigot a été courageux.
Toute ressemblance avec un autre crucifié pour « Le
Grand martyr » de Lovis Corinth ne serait pas fortuite.
Le corps devient un matériau pour jeu de massacre : Hans Bellmer
ficelle sa femme « Unica Zürn ».
Niki de Saint Phalle représente son père
incestueux : « La Mort du
patriarche »
L’actioniste viennois, Hermann Nitsch, est sanglant
en abondance,
alors que Gina Pane se scarifie, mettant en scène
ses mutilations : c’est du « body art ».
La notion de résilience est apparue récemment et l’art a pu aider les thérapies.
Freud avait
opposé l’instinct de mort à l’instinct de vie tandis que
Leopold von Sacher-Masoch était décliné en nom commun.
Au cinéma dans
« L’empire des sens » la castration est le terme de l’orgasme ultime
et « Salò ou les 120 Journées de
Sodome » de Pasolini a paru insoutenable à beaucoup.
Jean Benoît dans sa performance de 1959
présentant « L’exécution du testament du marquis de Sade» revient sur
l’alliance du désir et de la mort, quand « la fascination du sadisme
révèle l’aigle noir du fascisme ».
« Que Sade n’ait
pas été personnellement un terroriste, que son œuvre ait une valeur humaine
profonde, n’empêcheront pas tous ceux qui ont donné une adhésion plus ou moins
grande aux thèses du marquis de devoir envisager, sans hypocrisie, la réalité
des camps d’extermination avec leurs horreurs non plus enfermées dans la tête
d’un homme, mais pratiquées par des milliers de fanatiques. Les charniers
complètent les philosophies, si désagréable que cela puisse être » Raymond Queneau.
David Olère, rescapé d’Auschwitz : « Nos
cheveux, nos dents et nos cendres »