parfois avec un brin
d’appréhension quand on n’est pas sûr de la bonne dose de renouvellement.
Eh bien ce soir, pas l’ombre d’un doute, nous sommes en
territoire familier et sous le charme dès les premières minutes, quand se
retire le tissu qui recouvrait le cercle magique, comme une eau douce serait
absorbée par le sol. C’est de là que vont surgir et disparaître les acrobates,
les clowns, des cordes, brouette et échelle, un éléphant. Maintenant que les
animaux deviennent indésirables sur la piste, le pachyderme gonflable a des
légèretés sublimes.
La troupe a le chic pour jouer de l’exigüité des lieux en
des transitions originales, jouant avec les images fortes d’un trou au dessus des
bas fonds jusqu’au faite du chapiteau où se laisse deviner que la trapéziste
aurait pu aller encore plus haut. Il y a bien plus, à s’émouvoir, à penser, qu’en
bien des représentations théâtrales aux références flatteuses.
Ce type de spectacle en insistant sur la lenteur met en
évidence que nous ne sommes pas épargnés par les frénésies des écrans : au
fait quel serait le contraire de spectacle vivant, de musique vivante ?
Les deux musiciens sollicités aussi comme porteurs, nous entrainent avec leurs
clochettes et leurs violons et une belle chanson italienne. Trottola c’est la
toupie.
Tant d’énergie et d’inventivité déployées pour que sonne
enfin une belle cloche tiennent le public enthousiaste en haleine. Tant de
beauté, de poésie pour un son, font revenir des émotions primaires, et
convoquent pour moi, l’Angelus de Millet pour sa ferveur archaïque.
Des silhouettes de clowns étaient gravées sur les flancs de
la « Campana ». Ces clowns ont fait tellement rire un simple d’esprit
parmi les spectateurs qu’on s’est dit que cette soirée était décidément une
bonne soirée. Alors que le mot « simple » convient aux plantes
et leur assure une certaine distinction, je ne sais plus s’il est correct de le
dire pour un homme pour lequel aujourd’hui pullulent les qualificatifs, en tous
cas j’ai ri également : « Voilà voilà voilà ». Il y a tant
d’importants qui abusent de cette expression machinale qu’un clown en extrayant
tout le ridicule, nous a amené à
l’essentiel avec ici une accolade, là une balourdise, une pirouette, jouant de sa force pour propulser sa moitié
vers les étoiles. Le beau barbu fait bien son travail, avec un violon dans ses
grosses papattes et lorsqu’il houspille la foule
pour ne l’avoir pas empêché de
malmener sa partenaire, touche à l’absurde et va à l’essentiel de notre
condition.
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