Dans ce premier roman dans la maison d’édition du « Nouveau
roman », l’écrivain majeur pose son écriture au-delà de l’oralité pour
rendre avec minutie l’intensité des voix intérieures de six personnages.
L’auteur ne cherche pas à rendre pittoresques les
protagonistes mais leurs mots psalmodiés nous touchent.
Il n’y a pas plus juste pour définir ces 120 pages que le
mot « incommunicabilité » fort usité à une époque et semble-t-il
tombé en désuétude, en ce siècle où pourtant les solitudes se murent.
Jean et Marthe sont dévastés par le suicide de Marc le fils
incompris parti à Paris.
Son oncle et sa tante doivent aussi faire face à la perte de
leur gendre dans un accident et à l’incompréhension de leur fille.
Pour relever la finesse des uns et des autres qui se résout
parfois dans le silence et les non-dits, je recopie quelques lignes forcément
fragmentaires dans des monologues ardents au rythme à couper le souffle.
« Leur seul
enfant, c’était leur seul enfant et chacun à sa manière avait le sien, avait son enfant à lui, sa vision de lui, les mots de
Luc que chacun d’eux n’entendaient pas pareils, comme si ce n’étaient pas les
mêmes, comme si de tomber dans l’oreille de Marthe ou de Jean ça les
transformait, les mots de Luc, en un langage que seule l’oreille qui les
recevait pouvait entendre. »
Ce milieu modeste est le nôtre, comme la mort est le sujet
de toute littérature et la conclusion de notre destinée.
« Les lendemains,
jamais que des aujourd'hui à répétitions. Et ils le faisaient bien rire ceux
qui s'enflammaient encore pour ces lendemains où il faudrait que ça chante et
que ça saute… »