Les montagnes kirghizes seraient surpeuplées
si tout le monde pouvait résoudre la crise d’adolescence de son garçon comme la
mère-courage dans ce récit puissant, violent, émouvant.
Samuel, risque de tourner mal, alors sa mère Sibylle sacrifie tout pour le sauver du
silence, de la haine. Il faudra du temps pour que vienne le temps de la
réconciliation et que tous deux se réparent.
« Samuel était
resté éperdu de honte et mortifié. Sa mère se faisait des illusions si elle
pensait qu’elle pourrait changer quelque chose en lui, de lui, si elle croyait
qu’il lui suffirait de prendre quelques semaines de grand air, accompagné de
chevaux et de montagnes, de silence et de lacs, pour que soudain tout dans sa vie
se déplie et devienne simple et clair, pacifié, lumineux, pour qu’il cesse
enfin de se sentir écrasé à l’intérieur de lui-même, comme si on allait arrêter
un jour d’appuyer sur son cœur, sur son âme, sur sa vie, comme si l’étau
pouvait un jour se desserrer. »
La densité de cette production irait vers la métaphore, le
conte, si l’écriture n’était pas aussi incarnée.Les premières lignes tiendront leur promesse :
« La veille,
Samuel et Sibylle se sont endormis avec les images des chevaux disparaissant
sous les ombelles sauvages et dans les masses de fleurs d’alpage ; les
parois des glaciers, des montagnes, les nuages cotonneux, la fatigue dans tout
le corps et la nuit sous les étoiles, sur le sommet d’une colline formant un
replat idéal pour les deux tentes. Et puis au réveil, lorsque Sibylle sort de
sa tente, une poignée d’hommes se tient debout et la regarde. Il lui faut trois
secondes pour les compter, ils sont huit, et une seconde de plus pour constater
que les deux chevaux sont encore à quelques mètres, là où on les avait laissés
hier soir. Samuel se lève à son tour, il ne comprend pas tout de suite. Il
regarde sa mère et, à l’agressivité qu’il reconnaît dans la voix des Kirghizes
quand ils se mettent à parler, à questionner en russe, et surtout parce qu’à sa
façon de répondre il voit que sa mère a peur, il se dit que la journée commence
mal. »
Au bout de 235 pages nerveuses, nous avons chevauché dans
des paysages magnifiques, étreints par l’angoisse que le lauréat présumé chaque
année du Goncourt sait décidément bien amener.
Ce sentiment est délicieux car excité par un style toujours
aussi séduisant et efficace sur une trame qui nous tient en haleine tout du
long, alors que la peur est au cœur des problèmes à résoudre pour des
personnalités durement campées mais passionnantes..
Ça a l'air passionnant, Guy. Merci pour la critique qui fait tant envie.
RépondreSupprimerbonjour Monsieur Chassigneux. Merci pour votre blog très riche. Je suis une de vos anciennes élèves (1985 et 1986). Je me rappelle parfaitement de vous et vous remercie infiniment car je ne n'ai jamais retrouvé autant de bienveillance et d'ouverture d'esprit que pendant ces deux années. Audrey G
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