D’après le roman à succès de l’américaine Tracy Chevalier, autour d’un tableau
de Vermeer, le britannique Peter Webber
en fait lui aussi toute une histoire.Devant les amis du musée de Grenoble, dans la série
« les peintres au cinéma », le conférencier a apporté des
compléments qui ont donné du relief à une production de 2003 quelque peu
académique.
Le livre et le film ont fixé le titre du tableau qui s’intitulait
parfois : « La jeune fille au turban ».La fiction a pu se déployer car Vermeer dont le nom lui même
est incertain a eu une existence mystérieuse. De 1632 à sa mort en 1675, il n’a
pas quitté sa ville de Delft.
https://blog-de-guy.blogspot.com/2014/12/vermeer-s-legat.htmlLe film pictural où chaque plan est un tableau sait dire la
matérialité des pigments et aussi la réalité des conditions marchandes. Il ne
s’agit pas d’un biopic, mais de la genèse d’une œuvre. Le peintre passe au
second plan derrière son modèle,
la servante Griet, interprétée par Scarlett
Johansson, très ressemblante avec l’originale qui dans la réalité serait plutôt une fille de
Vermeer.Le père de onze enfants dont sept filles devait vendre ses
tableaux surtout qu’il n’était pas du genre expéditif : 34 tableaux de lui
ont été identifiés. Le percepteur Van
Ruijven son commanditaire appartient à la bourgeoisie hollandaise. En Italie ce sont les seigneurs politiques et religieux qui financent leurs
artistes.L’arrivée de la domestique issue d’un milieu protestant
dans une famille catholique suscite la jalousie de l’épouse et l’inquiétude de
la belle mère. Une idylle nait avec un jeune homme de sa condition, alors qu’elle est affrontée à
l’animalité du mécène et à l’engouement de l’artiste.Le maître s’est épris de son modèle, sensible elle aussi à
l’importance de la lumière, quand elle mesure bien la conséquence du nettoyage
d’une vitre. Chaque geste compte dans une reconstitution précise d’une maison de cette époque et de la ville, seul plan de synthèse numérique, couteux. Le
dévoilement de la chevelure était (déjà) un enjeu de pudeur et de tradition.
Cette lumière serait-elle plus vraie que cette histoire
inventée ?Depuis Barry Lyndon de Stanley Kubrick, les
candélabres, les torches éclairent les scènes d’un XVII° siècle où l’on vivait
dans le noir. Mais les peintres depuis Le Caravage savent que le noir donne de
l’éclat à la clarté. Dans ce « tronie » (portrait de caractère) aux
lèvres humides après une mise en scène précise, ce regard fascinant par-dessus
l’épaule reste mystérieux et ouvre les imaginations. Johannes dit Jan lui a offert deux bijoux de sa légitime et
lui a percé l’oreille, un peu de sang a
coulé qui peut être interprété comme une défloration symbolique suivie d’une
plus charnelle tout de suite après avec le garçon boucher.