« Nous sommes tous des juifs allemands » chantions
nous joyeusement en mémé 68 pour répondre à Le Pen Jean Marie et à Georges
Marchais qui pensaient ainsi discréditer l’anarchiste allemand Daniel Cohn
Bendit.
A Grenoble, en novembre 2023, nous étions à la manifestation
pour dire aux juifs qu’ils ne sont pas seuls face à l’antisémitisme.
Je me suis décidé à répondre à l’appel des présidents de nos
assemblées démocratiques après avoir lu qu’un témoin de la Shoah était sous
protection policière quand il intervenait dans des lycées en Allemagne. La
formule banale : « on n’a rien appris » se vérifiait une fois
de plus.
Je doute pourtant que la portée de la mobilisation, plus
massive que je l’envisageais, aille au-delà de la semaine, même si ces
centaines de milliers de personnes silencieuses venaient en appui des plantons
devant les synagogues.
La moyenne d’âge des marcheurs du dimanche devant le
monument des déportés n’incitait pas à l’optimisme. Nous les enfants de l’après
guerre, nous étions submergés d’informations sur les camps, la sidération était
passée, mais les mots se sont banalisés. « Génocide », terme ultime,
a été mis à toutes les sauces, l’étoile du drapeau israélien absente des dignes
rassemblements du 12 novembre avait trop souvent été dessinée, sur bien des
poitrines illégitimes telles celles des anti-vax.
A l’heure des réseaux « Terre plate », il suffit
que l’information passe par l’école pour qu’elle soit remise en cause. Au
royaume de la légèreté inappropriée voisinant avec des hystérisations
sans second degré, l’histoire ne peut être seulement l’affaire des vivants ;
les survivants des camps se font rares et un voyage à Auschwitz n’est pas
obligatoire pour avoir une idée de l’holocauste. Si l’Allemagne se débarrasse en ce moment d’une culpabilité
qui a pesé pendant des décennies, des professeurs d’éducation civique bien de
chez nous risquent d’échapper à la gravité en ne retenant pas que le nombre
d’actes antisémites a explosé sous notre nez.
Il s’agit évidemment de dissocier la situation française de
celle du Moyen-Orient : tous les américains ne ressemblent pas à
Trump et tous les juifs ne sont pas Netanyahou.
L’ancien sénateur Mélenchon a gagné la partie quand des
médias mettent en avant sa non-participation plutôt que le large appel à
marcher contre l’antisémitisme. Pourvu qu’on cause de lui. Les Insoumis étaient
moins regardants sur l’identité des participants quand ils faisaient copains-copains
avec les gilets jaunes du RN. Autour des ronds points s’étaient accentués bien
des traits d’une société clivée où les extrêmes s'aiment :
démagogie, non respect des règles démocratiques, confusion des valeurs, blocage
des décisions… Rivarol, journal de droite depuis 1792, négationniste et
antisémite à n’en plus pouvoir, vient de couvrir d’éloges le chef éructant des
Insoumis. Le monde de la culture s’estime à gauche mais les comportements
violents, intolérants, manipulateurs, le
soupçon permanent, le mépris, marques de fabrique de l’extrême droite ont
envahi la société.
Et les contre-feux ne peuvent venir de chroniqueurs
boute-feux de France Inter se proclamant « islamo gauchistes » pour
rendre cette posture dérisoire et mieux en accentuer les outrances. Des bouffe-curés poursuivent des fantômes en se montrant
acerbes contre ceux qui portent soutane mais sont branchés en admettant avec
déférence l’abaya. Devant tous ces voiles, j’en ai des vapeurs.
Ceux qui reprochent aux politiques d’avoir
appelé à cette initiative citoyenne pour « diviser » le pays vont
mécontenter le prophète de la « bordélisation », en inversant les
responsabilités.
A une toute autre échelle et si loin de nous, dans l’enchainement
des causes et des effets, il faut remonter à la nuit des temps lorsque les
juifs étaient appelés palestiniens. Abel et Caïn. Les
extrêmes là bas aussi se sont nourris, ils ne veulent pas de résolution au conflit, l’extrême
droite israélienne a souhaité un ennemi détestable, le Hamas semant la terreur
et convoquant l’horreur sur son territoire martyrisé.
« … Il n'est pas
davantage acceptable que des violences soient perpétrées sur des personnes à
raison de leur pratique religieuse, de leur orientation sexuelle ou de leur
couleur de peau. Toutes ces formes de violence notamment conjugales, de
discrimination, de racisme, d'antisémitisme seront combattues avec la dernière
énergie. » Jean Castex 2020.
J'aime bien le dessin. Il exprime assez bien mes sentiments en ce moment autour de la question de "l'expression". Et puis... je note la dernière phrase "toutes ces formes de violence... seront combattues avec la dernière énergie". Si on veut que le monde change, est-ce le combat, la meilleure manière d'y parvenir ? Mais... que faire avec la violence en nous qui demande... à s'exprimer ? Que faire ?
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