vendredi 17 novembre 2023

Nous sommes tous…

« Nous sommes tous des juifs allemands » chantions nous joyeusement en mémé 68 pour répondre à Le Pen Jean Marie et à Georges Marchais qui pensaient ainsi discréditer l’anarchiste allemand Daniel Cohn Bendit.
A Grenoble, en novembre 2023, nous étions à la manifestation pour dire aux juifs qu’ils ne sont pas seuls face à l’antisémitisme.
Je me suis décidé à répondre à l’appel des présidents de nos assemblées démocratiques après avoir lu qu’un témoin de la Shoah était sous protection policière quand il intervenait dans des lycées en Allemagne. La formule banale : «  on n’a rien appris » se vérifiait une fois de plus.
Je doute pourtant que la portée de la mobilisation, plus massive que je l’envisageais, aille au-delà de la semaine, même si ces centaines de milliers de personnes silencieuses venaient en appui des plantons devant les synagogues.
La moyenne d’âge des marcheurs du dimanche devant le monument des déportés n’incitait pas à l’optimisme. Nous les enfants de l’après guerre, nous étions submergés d’informations sur les camps, la sidération était passée, mais les mots se sont banalisés. « Génocide », terme ultime, a été mis à toutes les sauces, l’étoile du drapeau israélien absente des dignes rassemblements du 12 novembre avait trop souvent été dessinée, sur bien des poitrines illégitimes telles celles des anti-vax.
A l’heure des réseaux « Terre plate », il suffit que l’information passe par l’école pour qu’elle soit remise en cause. Au royaume de la légèreté inappropriée voisinant avec des hystérisations sans second degré, l’histoire ne peut être seulement l’affaire des vivants ; les survivants des camps se font rares et un voyage à Auschwitz n’est pas obligatoire pour avoir une idée de l’holocauste. Si l’Allemagne se débarrasse en ce moment d’une culpabilité qui a pesé pendant des décennies, des professeurs d’éducation civique bien de chez nous risquent d’échapper à la gravité en ne retenant pas que le nombre d’actes antisémites a explosé sous notre nez.
Il s’agit évidemment de dissocier la situation française de celle du Moyen-Orient : tous les américains ne ressemblent pas à Trump et tous les juifs ne sont pas Netanyahou.
L’ancien sénateur Mélenchon a gagné la partie quand des médias mettent en avant sa non-participation plutôt que le large appel à marcher contre l’antisémitisme. Pourvu qu’on cause de lui. Les Insoumis étaient moins regardants sur l’identité des participants quand ils faisaient copains-copains avec les gilets jaunes du RN. Autour des ronds points s’étaient accentués bien des traits d’une société clivée où les extrêmes s'aiment : démagogie, non respect des règles démocratiques, confusion des valeurs, blocage des décisions… Rivarol, journal de droite depuis 1792, négationniste et antisémite à n’en plus pouvoir, vient de couvrir d’éloges le chef éructant des Insoumis. Le monde de la culture s’estime à gauche mais les comportements violents, intolérants, manipulateurs,  le soupçon permanent, le mépris, marques de fabrique de l’extrême droite ont envahi la société.
Et les contre-feux ne peuvent venir de chroniqueurs boute-feux de France Inter se proclamant « islamo gauchistes » pour rendre cette posture dérisoire et mieux en accentuer les outrances. Des bouffe-curés poursuivent des fantômes en se montrant acerbes contre ceux qui portent soutane mais sont branchés en admettant avec déférence l’abaya. Devant tous ces voiles, j’en ai des vapeurs.
Ceux qui reprochent aux politiques d’avoir appelé à cette initiative citoyenne pour « diviser » le pays vont mécontenter le prophète de la « bordélisation », en inversant les responsabilités.
A une toute autre échelle et si loin de nous, dans l’enchainement des causes et des effets, il faut remonter à la nuit des temps lorsque les juifs étaient appelés palestiniens. Abel et Caïn. Les extrêmes là bas aussi se sont nourris, ils ne veulent pas de résolution au conflit, l’extrême droite israélienne a souhaité un ennemi détestable, le Hamas semant la terreur et convoquant l’horreur sur son territoire martyrisé.  
« … Il n'est pas davantage acceptable que des violences soient perpétrées sur des personnes à raison de leur pratique religieuse, de leur orientation sexuelle ou de leur couleur de peau. Toutes ces formes de violence notamment conjugales, de discrimination, de racisme, d'antisémitisme seront combattues avec la dernière énergie. » Jean Castex 2020.

1 commentaire:

  1. J'aime bien le dessin. Il exprime assez bien mes sentiments en ce moment autour de la question de "l'expression". Et puis... je note la dernière phrase "toutes ces formes de violence... seront combattues avec la dernière énergie". Si on veut que le monde change, est-ce le combat, la meilleure manière d'y parvenir ? Mais... que faire avec la violence en nous qui demande... à s'exprimer ? Que faire ?

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