Après Hals et Rembrandt, Serge Legat clôturait le cycle des
conférences concernant « l’âge d’or » Hollandais par Jan (Johannes) Vermeer avec en introduction, le tableau de la « Jeune femme jouant de la guitare ».
Le regard de la
musicienne ne rencontre pas celui du spectateur, elle se retourne et laisse la
place à toutes les interprétations. Souvent on retrouvera caraco jaune et
fausse fourrure sur les épaules d’autres jeunes femmes, sujets de la plupart des
portraits du maître de Delft. Le tableau échappe à la moralisation comme dans la
plupart de ses toiles souvent reprises où il a usé de repentirs et fait
disparaitre bien des détails significatifs qui pourraient expliciter les sujets.
L’émotion de ceux
qui ont croisé son œuvre n’est pas proportionnelle au nombre de ses tableaux, seulement
une trentaine. En 1675, il meurt à 43
ans, laissant 12 enfants à sa femme Catherina, au bout d’une vie dont on sait
peu de choses.
Ainsi retrouver ses
maîtres, les archives ayant été dispersées au moment de l’invasion des
français, relève de l’interprétation. Fabritius, celui du trompe l’œil « le chardonneret », l’aurait influencé et
réciproquement, ainsi que Pieter de Hooch et ses perspectives
lumineuses. Il aurait eu connaissance de l’école d’Utrecht aux connotations
caravagesques par sa belle mère par
ailleurs déterminante dans sa conversion au catholicisme.
Le tableau religieux où Marthe
s’active et Marie écoute la bonne parole « Le christ chez Marthe et Marie » est
monumental, comme la scène mythologique
« Diane et ses nymphes » est
puissante, dans la manière de ses débuts qui gagnera plus tard en finesse et en
légèreté.
Puis viennent les
scènes de genre : «L’entremetteuse »
est explicite, si le musicien fait le lien avec le spectateur un magnifique
tapis oriental occupant une grande partie de l’espace rend les personnages
inaccessibles.
Est ce « La leçon de musique » ou un
duo qui s’apprête ? Le dallage sombre et veiné donne une perspective
forte. Un petit trou dans la manche gauche de la jeune femme se situe à
l’emplacement des lignes de fuites où des fils se rejoignaient. Le décor
domestique se retrouve dans d’autres tableaux dans lesquels la musique signifie l’harmonie
amoureuse. Il est plus convenable de jouer du virginal, que de se pencher sur
un luth, sans même oser une quelconque figure québéquoise qui rimerait en « lute ».
Dans le miroir se devine un piétement de chevalet. Le peintre s’avance mais ne
se montre pas, il n’a pas réalisé semble-t-il d’autoportrait.
Dans « La
lettre d’amour », la servante goguenarde, ne s’occupe guère de son
ouvrage, elle apporte sans doute de bonnes nouvelles : la mer est calme sur le
tableau en arrière plan. Par contre aucun indice pour « La liseuse à la fenêtre », Cupidon a disparu derrière
un rideau alors qu’il brandissait une carte portant le 1 de l’amour unique pour
une « Jeune femme debout au
virginal ».
" La liseuse en bleu " sans doute enceinte, tient la lettre de ses deux mains, elle est solide devant la carte de La Frise d’un hollandais fier de l’être ; la sobriété ajoutant à la sérénité, à la force de la scène. Si le thème de la lettre apportée devant la fenêtre pour être lue ou écrite a souvent été traité, quelques femmes ont un verre à la main, une est poussée à boire dans « Le soldat et la jeune femme souriante ». «La jeune fille endormie » attend-elle un amant, ou a-t-elle trop bu ?
" La liseuse en bleu " sans doute enceinte, tient la lettre de ses deux mains, elle est solide devant la carte de La Frise d’un hollandais fier de l’être ; la sobriété ajoutant à la sérénité, à la force de la scène. Si le thème de la lettre apportée devant la fenêtre pour être lue ou écrite a souvent été traité, quelques femmes ont un verre à la main, une est poussée à boire dans « Le soldat et la jeune femme souriante ». «La jeune fille endormie » attend-elle un amant, ou a-t-elle trop bu ?
Elles peuvent se
laisser séduire par des valeurs terrestres, quand l’une pèse des pierres
précieuses à « La balance »
devant la représentation du jugement
dernier, ou lorsqu’une autre admire un « Collier
de perles ».
« L’astronome »
et « Le géographe », sont
les rares hommes représentés, chacun
avec son globe, alors qu’un autre globe de verre suspendu à un cordon bleu
reflète la pièce magnifiquement dans une « Allégorie de la foi » déjà surchargée. L’esprit humain est bien
petit pour comprendre la grandeur de Dieu.
Je ne suis pas d’accord avec le conférencier lorsqu’il se
plaint de l’utilisation de « La
laitière » par la publicité, car la culture pour moi c’est
justement reconnaître. Un enfant qui croise la lumière de cette icône mise à sa
disposition, en dehors des lieux réservés, peut être amené plus tard à aller
plus loin sur les chemins de la sensibilité artistique. La servante a un rôle
central parmi une ponctuation de points lumineux où s’allient une fois de plus
le bleu et le jaune. Une caméra obscura a été utilisée à plusieurs reprises.
« La
dentelière » au carreau appuyé
sur la bible exerce une activité digne ainsi que la pratiquait Marie, Renoir y
voyait le plus beau tableau du monde.
« La jeune femme
à la perle » était « la Joconde du Nord » pour Malraux et Paul
Valéry aimait tant la « substance tendre et précieuse » de son
visage.
En extérieur «
La ruelle » intime et sereine et « La vue de Delft » jouent un
peu avec la vérité.
Proust dans la recherche du temps perdu fait mourir Bergotte devant le fameux « petit pan de mur jaune » :
« Enfin il fut devant le Ver Meer, qu’il se rappelait plus éclatant, plus
différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique,
il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable
était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses
étourdissements augmentaient; il attachait son regard, comme un enfant à un
papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. « C’est
ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il
aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même
précieuse, comme ce petit pan de mur jaune. » Cependant la gravité de ses
étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui
apparaissait, chargeant l’un des plateaux, sa propre vie, tandis que l’autre
contenait le petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu’il avait
imprudemment donné la première pour le second. »
Le peintre du silence qui s’est approché si bien de
ses personnages, a nourri ses suivants comme Van Gogh, et il est classé par
Dali comme le premier d’entre eux, se réservant lui la septième place juste
devant Picasso. Des livres et des films se multiplient encore aujourd’hui à partir de ses mystères féconds où le
charnel ne supplante pas le spirituel, et le réel n’étouffe pas l’illusion.
Il y a un très beau livre de Daniel Arasse sur Vermeer : "L'ambition de Vermeer". C'est un livre très difficile, mais qui en vaut la peine pour approcher le mystère Vermeer, et avoir une idée de ce que représentait l'art pour lui...
RépondreSupprimerUn peintre hors norme...