Nous nous réveillons in extrémis à 7h45 et partons pour
Royan. Le brouillard issu de brumes maritimes denses nous enveloppe, nous ne
regrettons pas nos vêtements chauds. Après avoir laissé la voiture face à l’église moderne en
béton qui domine la rade, il nous reste suffisamment de temps pour nous offrir
un petit déjeuner dans une boulangerie ouverte : tous les commerces ou
presque sont encore fermés aux alentours du port de plaisance.Nous récupérons nos billets au kiosque « la
sirène » à 9h 30 avant d’embarquer à 10h15 et démarrer à 10h30. Les
entrées maritimes persistent, toujours aussi compactes, et pendant les 45
minutes de traversée, nous perdons la
côte de vue. Lorsque que les moteurs ralentissent enfin, le capitaine nous informe sur les
conditions de débarquement, alors que nous flottons au milieu de nulle
part baignés dans une atmosphère
cotonneuse, sans apercevoir la moindre silhouette du phare de Cordouan : 3 contingents de quarante personnes
emprunteront l’un après l’autre le véhicule amphibie, le Jules Verne II que
nous avons tracté à l’arrière du bateau depuis Royan. Ainsi, il sera plus
facile de gérer le flux touristique dans cet espace limité surtout en marée
haute et les passagers bénéficieront au mieux de la visite proposée par les
gardiens. Tandis que nous attendons la 3ème fournée pour accoster,
la brume se décide à se retirer, en nous laissant découvrir le monument,
suivant l’ordre chronologique de sa construction ! Se devine d’abord le
socle, puis la première partie érigée sous Henri III, peu à peu la 2ème
partie datant de Henri IV émerge à son tour
puis tout le phare sort de sa chrysalide. C’est magique !Le Jules Verne II vient nous charger puis nous déposer au pied du phare, devant la poterne en bois à l’entrée de la tour.Nous sommes accueillis par Benoît, c’est l’un des deux
gardiens responsables de ce monument historique : dreadlocks, tatouages
maoris sur des jambes et un visage burinés par une vie au large, ce guide
pittoresque s’avère très intéressant, passionné par le lieu et la vie qu’il y
mène, il joue son rôle de pédagogue avec réussite.Il nous explique en premier comment sont classés les phares
existants : l’enfer, situé en pleine mer, le purgatoire, placé sur une
île, et le paradis relié au continent. Cordouan entre dans la catégorie paradis
de l’enfer. Ci dessus : le phare de la Jument situé à Ouessant.
Puis il relate l’histoire de l’édifice avec la construction commencée par Louis de Foix s’étendant sur une longue période de 25 ans ; les guerres de religion, les soucis financiers, les problèmes météorologiques, la peste à Bordeaux, tout cela ralentit les travaux mais le phare est achevé en 1611, et culmine à une hauteur de 37 m, il devient un symbole monarchique fort, Henri IV s’emploie à son embellissement et agrandissement.
Puis il relate l’histoire de l’édifice avec la construction commencée par Louis de Foix s’étendant sur une longue période de 25 ans ; les guerres de religion, les soucis financiers, les problèmes météorologiques, la peste à Bordeaux, tout cela ralentit les travaux mais le phare est achevé en 1611, et culmine à une hauteur de 37 m, il devient un symbole monarchique fort, Henri IV s’emploie à son embellissement et agrandissement.
Il en fait un phare de prestige destiné à impressionner les bateaux étrangers
et ainsi à prouver aux puissances maritimes environnantes la stabilité de son
royaume après les guerres de religions. Surélevé à 67,5 m au XVII° siècle, ce
qui correspond à sa hauteur actuelle, il
expérimente pour la première fois le prototype de lentille à
échelon. Inventé par Augustin Fresnel, cette lentille
révolutionnaire équipe toutes les côtes et les phares du monde encore
aujourd’hui. Benoît nous entraine au rez-de-chaussée, dans un vestibule
plus imposant que les deux petites
chambres latérales côté entrée,
tout en bois bien ciré occupées
autrefois par les gardiens. En face, un escalier à vis mène à l’appartement du Roi au 1er
étage. Malgré son nom, aucun roi n’y mis jamais les pieds, mais deux cheminées,
inhabituelles dans un phare, dénotent par leur présence d’un certain luxe.
L’une d’elles est fictive, son existence
s’explique par un souci de symétrie. L’autre est fonctionnelle, elle servit aux gardiens
successifs à se chauffer et à cuisiner. Le dallage en marbre noir et blanc du
sol aux dessins géométriques se marie parfaitement à la pierre claire des murs.Le 2ème étage
est entièrement réservé à la Chapelle Royale. Le plafond me rappelle le
Panthéon de Rome avec son oculus, ou encore ces coupoles à caisson de la
Renaissance italienne. Mais l’autel, les
vitraux de saint Michel entre autre, rendent ce lieu pareil à n’importe quel
autre édifice religieux de l’époque. De forme circulaire contrairement à
l’appartement du Roi, de forme carrée, la pièce baigne dans une lumière
tamisée. Le dessin du dallage en marbre
coloré noir gris et blanc respecte la géométrie de la chapelle en partant du
centre et se déployant vers
l’extérieur. Le guide attire notre
attention sur le buste de Louis de Foix qui mérite sa place en tant que mécène
important du phare, car il suppléa aux manques financiers du Roi. Cordouan est le seul phare à abriter une chapelle et un tel
luxe d’ornements. Encore consacrée
aujourd’hui, un prêtre y célébra le
mariage d’un marin employé par la compagnie « la sirène » assez
récemment. Puis nous continuons pour atteindre la salle des girondins
au 3ème étage. Elle sert de départ à un escalier plus sophistiqué,
« une voute rampante hélicoïdale » appuyé sur le pourtour des murs.
Nous voilà donc au 4ème étage, dans la salle du contrepoids et sa
machinerie, nous grimpons au 5ème dans la salle des lampes et au 6ème,
utilisée comme chambre de veille.En se penchant vers l’intérieur, nous apercevons le
rez-de-chaussée par l’oculus qui traverse tous les paliers. Ce puits, reproduit
à chaque étage, a permis de monter les matériaux et déverse la lumière.Enfin, nous sortons sur la coursive extérieure ou chemin de
ronde, au pied de la lanterne aux deux couleurs rouge et verte. De là nous
bénéficions d’une vue sur l’océan, des couleurs marines subtiles sous un ciel de plus en plus
ensoleillé ; et la marée qui se retire découvre le chemin constitué de
grosses dalles menant jusqu’à la poterne.Notre gardien passionné nous raccompagne jusqu’à la
couronne. Cet anneau en bas de la tour
comprend des espaces privatifs, 4
chambres, une cuisine des locaux techniques et un groupe électrogène. Si le
phare, monument classé, se visite à la bonne saison, il continue d’être
surveillé toute l’année par ses gardiens. Il doit subir des restaurations
fréquentes dues aux conditions climatiques. Lors des grains ou simplement du
mauvais temps, la pluie bat la façade ouest et rince les pierres calcaires mais
côté est le sel se dépose et l’érosion de la pierre apparait très nettement
sous forme de trous.Nous aurions bien trainaillé un peu plus à l’intérieur de
l’anneau mais le temps nous presse et l’heure de rendez-vous fixé par le
capitaine du bateau approche. Puisque la marée est basse nous empruntons la
chaussée dallée encore un peu immergée
délimitée par des piquets. Les pieds dans l’eau jusqu’aux chevilles nous pataugeons
au milieu des bancs de sable. L’un d’eux
est la survivance d’une île végétalisée,
érodée par la tempête et rabotée à une hauteur d’ 1,5 m. C’est agréable de
barboter dans l’eau tiède et le sable, à condition d’éviter les coquilles
coupantes des huitres à moitié enfoncées.Le véhicule amphibie nous récupère sur une émergence
sableuse ressemblant à une plage entourée d’eau et nous confie rapidement au
bateau prudent stationné un peu plus loin. Nous
sortons nos sandwichs pendant une traversée différente de celle de ce matin, sous le
soleil avec des teintes d’été et une vue plus dégagée sur la côte.