jeudi 22 décembre 2022

Le design italien. Claire Grebille.

Parmi les objets du quotidien, la conférencière devant les amis du musée de Grenoble
 
présente la « Cafetière Bialetti » (1933) qui a associé art et artisanat ou comme le proclame la devise du MAD (Musée des Arts Décoratifs), a mis « le beau dans l’utile ». 
Le mouvement futuriste avait réveillé le pays des arts quelque peu assoupi au XIX° siècle. https://blog-de-guy.blogspot.com/2014/10/le-futurisme.html 
L’un de ces artistes, Fortunato Depero met une idée en « Bouteille de Campari » :  
la ligne rejoint la couleur.
Les affiches ludiques intègrent alors la sémantique. 
Sa « Marionette dei balli plastici » (1918) doit au Bauhaus où les architectes dansaient parfois. 
Gio Ponti
a été mis à l’honneur au Musée des Arts Décoratifs en 2018.
Créateur de « Domus » revue phare du monde de l'architecture et du design,
il a conçu « La tour Pirelli à Milan », (1956-60) alors la plus haute d’Europe,
aussi bien que les chaises « Superleggera » qui économisent les matériaux.
En 1944, « La Vespa »  conçue par des ingénieurs aéronautiques de la société Piaggio permet à ceux qui veulent faire « bella figura » de ne pas être éclaboussés.
« Poveri ma belli » Dino Risi
La rouge « Valentine » de chez Olivetti, machine à écrire pop et portative, 
a été conçue par Ettore Sottsass.
A Murano, il créée des vases totémiques et sa
« bibliothèque Carlton »  est devenue une pièce emblématique du groupe du design radical « Memphis ».
Avec son jouet
« Zizi », Munari a remporté le premier « Compasso d'Oro » récompense pour designers en 1954.
Ses « livres illisibles » ont inspiré l’album
sans texte «  La pomme et le papillon » 
d’ Enzo et Iela Mari qui laisse toute sa place au jeune lecteur.
La bibliothèque « Sangirolamo »
des frères Castiglioni confronte l’austérité angulaire 
et la flexibilité des pieds
alors que le l
ampadaire « Arco », dialogue avec « l’arte povera » : 
la légèreté en inox nait à partir d’une base en marbre solide.
la lampe de table « Snoopy », dont la truffe joue les interrupteurs, est drôle.
Dans un milieu essentiellement masculin
Gae (Gaetana) prononcer « Guy » Aulenti  a gagné sa notoriété avec l’iconique lampe « Pipistrello » (chauve-souris) et l’aménagement de la gare d’Orsay en musée dans les années 80.
Devenue un « mythe du design vintage »,
« La chaise tubulaire »
modulable 
de Joe Colombo permet un rangement facile
comme sa
« Chaise Universale ».
Son
« Container personnel » en tant qu’unité d’habitation a été compris comme un concept malin, mais n’a pas séduit les foules, même si un bar est prévu dans la garde-robe où il y a aussi place pour un tourne-disque et quelques livres.
« La mama »
 en polyuréthane de Gaetano Pesce offre ses accueillantes rondeurs
et
le « Serpentone » de Cini Boeri peut évoluer.
Alessandro Mendini
revient sur le temps passé avec « Proust », forcément.
Afin de boucler la boucle entre deux espresso et vérifier que le renouvellement n’est pas exigeant seulement dans les formes, la conclusion vient avec « La Pulcina » :

« Pulcina interrompt automatiquement et au bon moment la remontée du café, éliminant la phase dite « strombolienne » de l'extraction, cause de l'arrière-goût amer et brûlé du café. Même le bec verseur, inspiré du bec des poussins, a été spécialement conçu pour couper parfaitement la goutte lors du versement. » 
Pour Alessi.

mercredi 21 décembre 2022

Les parapluies d'Aurillac # 3

Nous nous présentons un peu avant l’heure à la maison Piganiol, manufacture de parapluies fondée en 1884.
La visite débute à 15h, confiée à un jeune guide.
Il fait preuve de beaucoup de gentillesse et de patience devant une touriste récalcitrante à l’obligation de mettre un masque, peu amène, qui finit par le porter mais ostentatoirement en dessous du nez. Il  a pourtant bien expliqué les raisons propres à une petite entreprise où l’absence d’un employé suffit à compliquer gravement le travail des autres.
Bref, l’exposé peut enfin commencer.
Un petit musée composé de vieux outils et d’affiches permet d’aborder l’histoire traditionnelle des parapluies.
Déjà connu à l’antiquité, cet objet aujourd’hui banal, marque une distinction en Chine ; en effet les riches ne peuvent passer sous le même ciel que les manants, alors  plus qu’une protection contre la pluie, il est symbole d’importance.
Si Aurillac est devenue la capitale française du parapluie au cours des années, elle le doit aux matériaux utiles à sa fabrication, ici facilement disponibles ; elle regorge de bois, elle troque  les toiles avec l’Espagne car elle se situe sur le chemin de Compostelle, et elle se fournit en cuivre acheté avec l’or trouvé dans la Jordanne. L’activité se développe, les ateliers du Cantal connaissent un bel essor jusqu’à l’arrivée sur le marché des produits chinois.

L’atelier Piganiol, petite entreprise familiale,  se développe dès 1884 sous la direction de patrons  qui nous sont présentés chronologiquement avec leurs noms et leurs liens de parentés.
Ils ont su traverser les difficultés et affronter  la concurrence.
Je suis émue de découvrir sur une affiche un nom très proche de celui de mes ancêtres maternels ainsi que le nom de leur village d’origine, Arnac, qu’ils quittèrent pour aller vendre des parapluies  à Bayonne en 1867…
Notre guide aborde ensuite les différentes phases de fabrication ; nous assistons à la coupe des toiles en triangles, leur assemblage à la machine utilisant des biais pour assurer l’étanchéité, la pose des aiguillettes en métal pour recevoir les baleines qui ne sont bien sûr plus des fanons.
Pour les parapluies en bois, la structure plus sophistiquée mais aussi plus solide fait appel à des joncs importés d’Indonésie. C’est le cas pour les parapluies de berger, magnifiques, mais terriblement lourds.
Tout en préservant son travail traditionnel et artisanal, la maison Piganiol s’adapte à la modernité et aux progrès techniques en créant ses propres toiles : elle emploie deux stylistes qui conçoivent dessins et motifs, imprimés par ordinateurs sur de grands rouleaux de papier puis transférés grâce à une autre machine sur du polyester venu d’Italie.
Le public peut admirer les produits finis à la boutique, et constater que les prix élevés affichés correspondent à un travail de qualité,  garant de la célébrité de cette maison  (de 90€ le pliant à 175€ ).
Lorsque nous poussons la porte de sortie, nous découvrons un ciel bien ennuagé, mais nous n’avons pas besoin de recourir à un parapluie pour nous engager dans la visite d’Aurillac.

mardi 20 décembre 2022

Amère Russie. Aurélien Ducoudray, Anlor

Les horreurs d’aujourd’hui en Ukraine se comprennent encore mieux avec ce rappel de la guerre en Tchétchénie au milieu des années 90. Mais à quoi bon ?
Une mère-courage part avec son petit chien à la recherche de son fils prisonnier.
Le dénuement le plus absolu, l’absurdité la plus totale, l’hiver, la mort,  des hommes, des femmes, des enfants : 
« A la fin, l'ogre, il les mange pas ses filles, hein ?
 - Nooon... L'une d'elles se réveille, et il se rend compte qu'il allait faire une grosse bêtise... 
- Tu vois, j'te l'avais dit ! Les ogres, ça peut pas manger ses propres enfants ! 
- Les ogres, non… »
Les dessins expressifs ne se contentent pas de baigner dans la noirceur d’un récit guère édifiant. 
« - Pourquoi vous m’avez empêchée de parler aux soldats russes, j’aurais pu leur expliquer ! Je suis Russe quand même !
 - Mais on est tous Russes, la vieille ! J’ai une grand-mère russe, et Volodia a sûrement des cousins russes, on est tous frères ! Même Poutine, je suis sûre qu’il a un cousin tchétchène ! » 
Une citation d’Anna Politkovskaia, journaliste assassinée en 2006 précède cinquante pages efficaces : 
« Et ne venez pas dire plus tard que vous n’étiez pas au courant. » 
Un cahier à propos des « Amazones », femmes combattantes, complète utilement cet album, premier d’une série intitulée «  Les amazones de Bassaiev ».

lundi 19 décembre 2022

Le parfum vert. Nicolas Pariser.

Film dit « cartoonesque » quand ceux qui abusent de l’expression en sont restés au temps des BD simplistes sensées être rigolotes.
Cette morne parodie de policier ne se prend pas au sérieux, et se regarde distraitement, comme quand on passe devant une télé que personne ne regarde et qu'on  devine d'emblée qu’il s’agit d’un Agatha Christie  de plus sur FR 3.
Dans cette construction paresseuse pour acteurs, Vincent Lacoste n’est pas à son mieux et Sandrine Kiberlain tourne à vide avec son entrain distancié. Les bavardages politiques font du remplissage dans cette comédie sans âge, sans enjeu, sans intérêt.
Pourtant le réalisateur a pu être intéressant 
comme Vincent Lacoste quand il est avec Riad Sattouf 
et bien sûr la Kiberlain en actrice ou en réalisatrice

dimanche 18 décembre 2022

Via Injabulo.

La fidélité de la MC 2 envers cette compagnie venue d’Afrique du sud a prévalu sur la doctrine du circuit court en matière culturelle et c’est tant mieux. 
Nous retrouvons la troupe illustrant le titre où apparaît le mot « joie » avec une énergie communicative pour célébrer leur culture aux rythmes affolants et renouveler les approches.
Le chorégraphe Marco da Silva Ferreira a réglé la première partie qui brièvement m‘a fait craindre le pire quand une danseuse esquisse quelques gestes dans le silence. 
Ce procédé devenu tellement ordinaire s’aligne sur des idées pas si nouvelles d’ailleurs de littérature sans phrases ou de peinture sans couleur.
Mais la danse sans son laisse vite la place à une troupe harmonieuse où les pieds agiles vont souligner le tempo d'une musique  revenue. Nous apercevons dans ces mouvements frénétiques, des souvenirs de Johnny Clegg et des scansions de mineurs en bottes.
Le décollement du tapis de sol avant l’entracte n’apparaît pas comme une facilité de mise en scène mais comme une occasion de danser encore autour de perspectives nouvelles tout en offrant une image originale et féconde. 
Dans la deuxième partie voulue par Amala Dianor l’ambiance est celle d’une boite de nuit pour laquelle les danseurs, venus avec leur glacière, se sont sapés. Le collectif convainc les individus même si au moment où la fumée et une lumière bleue arrivent sur le plateau, j’ai perçu une légère baisse de tension bien compréhensible tant l’intensité ne peut s’exercer sans cesse avec tant de force.

samedi 17 décembre 2022

Dictionnaire amoureux de la Coupe du monde. Vincent Duluc.

Si mère Noëlle ne m’avait mis précocement ces 524 pages dans mes chaussures à crampons hors d'usage posées au dessous du sapin, je n’aurai pas eu l’occasion de réviser quelques beaux moments de ma vie, bornée par cette fête universelle revenant tous les quatre ans, depuis près d'un siècle.
Les piles de livres où figurent un ballon sont trop souvent indexées sur le succès quand même les indifférents savent ce qu’ils faisaient lors de la victoire en juillet 98, bien que la mémoire des amateurs de ce jeu puisse être peuplée de défaites magnifiques (Séville).
Cette collection est toujours délicieuse.
Le journaliste honnête et chaleureux écrit bien et ne livre pas des définitions sans âme.
Que loués soient les grands joueurs : Pelé, Platini, Cruyff,
et d’autres aussi : Nobby Stiles et Kostadinov Emil,
et rappelés quelques films  : « Les yeux dans les bleus », « Dans le secret des bleus »,
des sites prestigieux : Guadalajara et Maracana revu en « Maracanazo »,
sans oublier les mains des "manchots" celle  de Dieu et de Thierry Henri !
Quelques mots méritaient de devenir historiques : 
« Croyez-ça, l'équipe de France est championne du monde en battant le Brésil 3-0. Ah, c'est super ! Quel pied, oh putain! Je crois qu'après avoir vu ça, on peut mourir tranquille, enfin le plus tard possible ! »  Thierry Roland (finale de la Coupe du monde 1998).
Mais je ne savais pas qu’en Angleterre en 1966, alors que l’arbitre n‘avait pas encore sifflé la fin du match et que des adolescents envahissaient la pelouse, l’expression du commentateur de la BBC : « They think it’s all over » (ils pensent que c’est fini) était devenue « culte ».
D’autres formules : «  Muscle ton jeu Robert » de Jacquet à Pirès ou de beaux titres : « Inqualifiable » après la défaite contre la Bulgarie, « Dieu est mort » (Maradona), font partie de notre histoire, de nos connivences.
Bien des anecdotes sont savoureuses et d’autres terribles : lors de la coupe organisée par la France en 1938 alors que l’Allemagne a annexé l’Autriche, Sindelar « le Mozart du football » qui avait refusé de jouer dans l’équipe de l’Anschluss a peu après été retrouvé mort, asphyxié.
Le capitaine de l’équipe de France de la première Coupe du monde en 1930 à Montevideo a été fusillé en 44 : « Villaplane était un salaud »
Duluc n’hésite pas à parler de dopage, de trucages, de politique : comment Zitouni a rejoint l’équipe du FLN, ou  comment Streltsov au goulag pendant sept ans est revenu jouer au Torpédo. 
Le rédacteur de l’Equipe reste avec le regret d’une proximité avec Jacquet qui ne lui a pas pardonné ses critiques, celui-ci ouvre la liste alphabétique se terminant par Zoff Dino, à « Aimé J. » Platini a préfacé le dictionnaire.
Il faut relativiser : « C’est pas la Coupe du monde » mais quand même : 
« Dans une cour en béton, après avoir été choisi en dernier, on avait inscrit un but qui nous avait donné l’impression de bouleverser l’ordre du monde »
Les gravures du Larousse en sept volumes étaient fascinantes quand les images étaient rares, les dessins de ce livre ne sont pas à la hauteur des écrits :  Paul Pogba en arrive à ressembler à Ronaldo Christiano.

vendredi 16 décembre 2022

Belle vie.

« Ma vie n’a pas été riche mais elle a été belle »
.
Qui peut dire mieux que cette vieille paysanne ?
Cette phrase figure à côté de son portrait dans une exposition à l’ancien musée place Verdun de « photographies de l’intime » recouvertes parfois de trop de textes comme pour nous consoler d’être submergés d’éclats trop brefs derrière nos œillères numériques.
La force de cette phrase simple s’affirme dans le même mouvement avec ou sans « mais » quand la réussite n’était pas indexée sur l’argent. Ce bilan se conclut sur un beau mot que trop de bluettes avaient déprécié : « belle ».
Cette putain de beauté n’est même plus recherchée, quand elle n’est pas bannie dans les lieux où on allait la quérir jadis, dans les écoles des beaux arts et autres lieux d’exposition.
Des tas de gravats subventionnés dans les centres d’art contemporain s’emballent sous les mots, et n’attirent même plus l’indignation, tant ils sont déserts. Est-ce que depuis des tas de toiles blanches ou lacérées, il y aurait encore une pointe d’humour pour imaginer d’autres propositions genre « un couteau sans lame auquel il manque le manche » ?
Derrière un cartel vide, une œuvre sans titre d’un auteur anonyme attendrait qu’un rayon de soleil vienne éclairer quelque rare poussière, sans empreinte carbone, à visée inclusive, anticoloniale, végétarienne, et +.
Banksy, le fameux artiste, a apposé un de ses pochoirs sur les ruines de murs ukrainiens et quelques riverains - des médias ont dit « malfrats » - ont tenté de décoller l’œuvre rejouant ainsi la porte du Bataclan dérobée, voire une déchiqueteuse lors d’une mise aux enchères qui interrogeait sur la marchandisation de l'art.
C’était contre la guerre, c’était gentil, il aura mérité plein plein de like, quant à moi je préfère des dessins de presse moins inconvenants car non apposés sur des décombres.
Il y a des jours où les tons pastels de la poésie ne peuvent rien et virent au vomi, quand sous la torture des fachos russes tatouent des croix gammées dans le dos d’ukrainiens pour justifier leurs horreurs.
Il fait froid, les musées ferment en Hongrie et les douilles s’accumulent dans les coins.
Peut-on approuver le diagnostic d’une société dépressive et ne pas en porter les symptômes ? Le croulant évitera de nommer décadence l’accumulation de tant de signes assombrissant le paysage.
Les mouches du coach tournent autour d’individus qui ont perdu toute envie de s’en sortir par eux-mêmes. Mes semblables revendiquent leur autonomie et en appellent sans cesse à la collectivité. Leur individualisme s’excuse en vociférations de groupe mais crient de solitude.
Se posant en victimes, leur liberté est bien compromise par un assistanat qui ne sert pas que les plus modestes mais étaye aussi les considérables.
Cette altération du sens du collectif dans un ensemble où chacun devrait faire sa part va de pair avec le brouillage de notre rapport au réel. Le recours aux livres, aux romans, à la presse écrite, a pendant longtemps posé son bonhomme, aujourd’hui il baisse pavillon et son petit fils va vers d’autres distractions : les métavers (« version future d'Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés sont accessibles via interaction 3D ou 2D en visioconférence »).
A la sortie du collège, dans le bus, chacun suit son écran, et même le sexa au volant de sa voiture... et que fait le retraité septua à l’instant ? 
Le virtuel est passé devant et la réalité devient incroyable : papa cogne maman pour de vrai !
Les chiffres des violences conjugales sont effarants mais qui saurait mesurer les violences plus sourdes qui ont amené à multiplier le nombre des familles monoparentales ?
Les hommes sont évidemment les plus blâmables sur ce coup, encouragés par des jugements concernant la garde des enfants, le plus souvent en leur défaveur. La parole des femmes en cas de maltraitance est mieux prise en compte, pourrait-on ne pas considérer qu’il n’y a pas que des hommes irresponsables, en position du démissionnaire, parmi les parents fâchés?   
« On a dit que la beauté est une promesse de bonheur. 
Inversement la possibilité du plaisir peut être un commencement de beauté. » Marcel Proust.