jeudi 20 octobre 2022

John William Waterhouse. Gilbert Croué.

Le conférencier présente devant les amis du musée « le dernier préraphaélite» 
sous le tableau représentant des « Anémones »
où la belle femme rappelle Vénus au milieu d’un manteau de fleurs 
dans « Le printemps » de Botticelli.
« Sainte Cécile »
revient elle aussi aux sources de la Renaissance qui magnifia la beauté des êtres et de la nature.
John William Waterhouse né en 1849 à Rome où la colonie anglaise était importante se fera appeler Nino (Giovanni) jusqu’à sa mort en 1917. De retour à Londres, son père peintre le formera, avant qu’il ne soit reçu à la Royal Academy of Arts comme sculpteur. Il reviendra souvent en Italie, familier de ses arts et de sa littérature.
« Disparu mais pas oublié » de facture classique évoque le deuil antique et ses drames personnels :
il a perdu ses frères et sa mère.
« Le sommeil et son demi-frère la mort »
Hypnos et Thanatos.
Lawrence Alma-Tadema l’a influencé.
Pour « 
La fête de la vendange », la maison patricienne dans son décor de Pompéi, 
alors très à la mode, porte inscrit sur le sol le nom du propriétaire.
Gérôme
l’a enchanté: « Phryné devant l'aréopage » sera graciée.
Nino affirme son goût pour le néo antique : son tableau « Diogène » est lumineux.
Le philosophe répondit « Ote toi de mon soleil » à Alexandre Le Grand 
qui lui proposait « Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai ».
Orante sublimée dans son cercueil de verdure « Ophélie » de Millais 
déçue par Hamlet s’unit à l’eau.
Celles de Waterhouse aux regards perdus sont au bord du drame.
Il traduit avec minutie la pureté de la jeune fille, en héritier de la confrérie des préraphaélites aux « floraisons lumineuses ». Dans la puissante Angleterre de l’époque victorienne, leur peinture élégante et poétique veut lutter contre le manque d’idéal de l’ère industrielle, l’enlaidissement des campagnes sillonnées par le train,en valorisant des mythes et  la nature, création de Dieu.
Dans l' « Annonciation » de Dante Gabriel Rossetti
la vierge trop effarouchée choqua les spectateurs.
Par contre
« La Lumière du monde », Jésus frappant aux portes  
par William Holman Hunt repris en gravure, connut un grand succès.
Avec « La dame d’Escalot » Waterhouse s’est approprié une légende arthurienne. 
Recluse dans sa tour ne pouvant admirer la nature que par l’intermédiaire d’un miroir, elle est condamnée à dériver depuis qu’elle s’est précipitée à sa fenêtre lorsqu’elle a vu Lancelot.
Les femmes sont fatales : sous les pieds de « Circée tendant la coupe à Ulysse » 
un de ses compagnons a été transformé en pourceau après avoir bu la potion magique.
Le philtre d'amour que partagent « Tristan et Iseut » les conduira au malheur.
Tout aussi maléfique, « La belle dame sans merci » dans sa robe violette, 
couleur favorite du peintre, entoure de ses cheveux, un chevalier errant.
Inspirée aussi par un poème «  Lady Clare » symbolise l’amour compromis par le devoir.
Quelques études de femmes ont été épargnées des flammes allumées 
par son épouse après sa mort.
« Les danaïdes »
, les cinquante filles du roi Danaos ont tué leurs cinquante époux promis, elles sont condamnées à remplir un tonneau percé, à perpétuité.
« Borée »
, vent du Nord à l’origine du mot bourrasque enleva Orithye.
Il est plus discret que dans la version de Rubens.
« Miranda »
assiste à la tempête shakespearienne déchainée par Prospéro contre son frère. Nous sommes en 1916 au moment où une autre guerre fratricide va coûter la vie à 760 000 anglais.
Réfugiés dans un jardin pour vivre d’amour, de musique et de poésie, le confinement est idyllique dans son dernier tableau, d’un « académisme enchanteur », « Le Décaméron » (1917): 
« Ici commence le livre appelé Décaméron, dans lequel sont rassemblées cent nouvelles racontées en dix jours, par sept femmes et trois jouvençaux ». Boccace

mercredi 19 octobre 2022

L’île d’Olonne.

En se rapprochant de l’île d’Olonne
nous apercevons puis suivons un panneau indiquant l’observatoire des oiseaux.
Un chemin de terre mène à un petit parking perdu au milieu de nulle part et ensuite,  un sentier piéton conduit à une cabane style mirador dominant le paysage.
Un magnifique panorama s’étend sur les plans d’eau séparés par une végétation de milieux humides, squattés par les oiseaux dans une nature préservée de la présence humaine : 
de nombreuses espèces cohabitent en harmonie apparente, hérons, barges et autres que nous ne savons nommer.
Au loin se dessine la silhouette estompée du village.
Une grande sérénité se dégage de ce décor intemporel. Pendant notre contemplation débarquent deux femmes en vélo équipées de matériel quasi professionnel d’observation.
Elles viennent fréquemment scruter les oiseaux qu’elles connaissent bien.
Ces passionnées du coin nous renseignent sur les différents volatiles présents, leurs habitudes, leurs noms, et mettent à notre disposition leurs puissantes jumelles.
Elles auraient pu nous parler des heures d’ornithologie, mais nous souhaitons visiter les marais salants qu’elles ne manquent pas de nous recommander. Nous atteignons vite l’île d’Olonne peu distante en voiture. Le village arbore un aspect propret et prospère jusqu’à l’église bénéficiant  d’une toilette de sa façade actuellement cachée derrière les échafaudages. 
Le dynamisme de la localité s’exprime aussi à travers un festival de la photo, visible tant dans le centre-ville que le long du chemin menant du parking aux marais.
En effet, des reproductions sur panneaux révèlent le talent de photographes professionnels.
Certains spécialisés dans la capture d’images d’animaux ont saisi des moments fugitifs  incroyables, d’une grande qualité de précision et définition;
d’autres proposent des clichés de paysages extraordinaires avec des pierres colorées par des sels et des métaux ou avec des brumes fantastiques particulièrement adaptées dans ces marais.
Les cabanes des sauniers s’aperçoivent au bout du chemin. 
Elles s’élèvent au milieu des aires ou œillets.
Sur place, des paludiers s’occupent pour l’instant  de la vente de leurs produits : sel de différentes sortes et salicornes, et fournissent des informations au public intéressé.
Ils nous  apprennent
- que des algues rouges protégent le sel du soleil
- que la pluie leur impose à chaque fois de vider les bassins d’une eau devenue saumâtre, qu’elle les contraint à reconstruire régulièrement  les petites digues.
Tout le matériel d’exploitation attend à portée de main, râteaux seaux brouettes …., 
prêts à l’emploi.
Si nous poursuivions le sentier des sauniers, piéton et cyclable, nous pourrions arriver à la plage de Sauveterre.
Mais il est temps de se rendre à la fête des 30 ans de notre nièce,  
alors nous rebroussons chemin.

mardi 18 octobre 2022

Retour à Killybegs. Pierre Alary.

La lutte des Irlandais contre les Anglais, d’après Sorj Chalandon avec la trahison comme thème central fait l‘objet d’une nouvelle bande dessinée.
Le rappel de ce conflit m’a paru lointain et je n’ai pas partagé le conflit personnel du traitre qui se confie à mots comptés, passant de la passion nationaliste à la solitude de l’incompris, secret.
J’ai appris que la violence présente sur ces terres pendant des décennies a amené les partisans de l’IRA à apprécier tout ce qui pouvait affaiblir l’ennemi british et donc se retrouver  à un moment du côté du III° Reich.
L’antagonisme religieux entre protestants et catholiques est aussi évoqué mais m’a semblé extérieur à une démarche intime douloureuse dont la profondeur reste mystérieuse.
Je n’ai pas vraiment compris la passion de la lutte pas plus que les motifs pour s’en éloigner malgré les traits acérés et les paroles fortes. 
La singularité de ces 160 pages tient peut être dans cette absence de jugement : ni héros, ni salaud. 
 « Maintenant que tout est découvert, ils vont parler à ma place. L’IRA, les Britanniques, ma famille, mes proches, des journalistes que je n’ai même jamais rencontrés. Certains oseront vous expliquer pourquoi et comment j’en suis venu à trahir. Des livres seront peut-être écrits sur moi, et j’enrage. N’écoutez rien de ce qu’ils prétendront. Ne vous fiez pas à mes ennemis, encore moins à mes amis. Détournez-vous de ceux qui diront m’avoir connu. Personne n’a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd’hui, c’est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu’après moi, j’espère le silence. »

lundi 17 octobre 2022

Plan 75. Chie Hayakawa

Les faits divers les plus extraordinaires peuvent exprimer avec évidence des tendances sourdes des sociétés, exacerbant des traits immémoriaux comme ici au Japon où le vieillissement de la population est un problème aigu.
Emue par un massacre de 19 personnes dans un établissement pour personnes handicapées, la réalisatrice imagine une fiction très réaliste avec une loi qui encouragerait l’euthanasie ne figurant plus seulement en tant que droit mais - on vient de me le souffler - comme un devoir.
La condition des vieux contraints de travailler au-delà du temps réglementaire est décrite en évitant toute caricature. Nous suivons également la trajectoire d’un jeune travaillant à ce programme, d’une accompagnante et d’une employée immigrée, tous crédibles dans cette entreprise terrible. 
Je n’ai pas lu dans les critiques d’allusion au film bouleversant « La ballade de Nayarama » (1983) où un fils porte sa mère au sommet de la montagne après qu’elle eut réglé ses affaires.  Mais je n’ai cessé d’y penser comparant les récits à 40 ans de distance pour des modalités de fins de vie ayant quelques siècles d’écart : la rudesse est la même. 
La beauté de l’actrice amenée à choisir une issue fatale, les lumières de la photo magnifiant les gestes de la vie les plus anodins et le rythme lent permettent une réflexion face à la mort q échappant aux hystéries qui ne manqueront pas de se déchainer autour des réflexions engagées sur le sujet dans notre pays sage, pas tant que ça.  

dimanche 16 octobre 2022

Neighbours. Brigel Gjoka & Rauf « Rubberlegz »Yasit.

J
e suis le plus réservé du groupe d’amis retrouvés après cette heure de danse qui a bouleversé la plupart et ravi les autres.
J’ai attendu trop longtemps la musique dans le silence initial devenu habituel dans les spectacles chorégraphiques faits pour accorder en principe les gestes aux rythmes.
Sinon les contorsions ne sont que tortillements, les déhanchements de vaines agitations.
L’absence de repères musicaux me rend d’autant plus admiratif de leurs performances mnémotechniques dont résultent de beaux gestes fluides me paraissant parfois trop spasmodiques.  
J’ai bien lu qu’un des danseurs venait du hip hop et l’autre du folklore mais leur rencontre chaplinesque par moments a mis du temps à se mettre à dialoguer et le beau moment où ils dansent avec des étoffes rouges m’a semblé trop bref. 
Le musicien Ruşan Filiztek et son tanbûr, luth kurde, aux sonorités envoutantes intervient un peu tard à mon goût.
Les deux compères ont déjà joué dans les ballets de Forsythe.

samedi 15 octobre 2022

Ma forteresse. Antoine de Baecque.

La marche solitaire dans le Vercors de l’historien, commence  dans le Trièves, « cloître des montagnes » au pays de Giono. Après l’évocation habile de tant de lieux de résistance, le livre  se conclut à Sassenage au pont Charvet où Jean Prévost est tombé.
Sur une feuille plastifiée est écrit: 
« … Vous qui passez, ayez une pensée pour ces combattants de la liberté, et si vous le pouvez arrosez un peu les fleurs. » 
Ces 283 pages nourries de littérature et d’histoire adossées à une bibliographie importante sont vibrantes de souvenirs revivifiés, d’attentions aux autres et à la nature, qu’un humour à l’égard de lui-même rend légers.
Ce territoire est habité :  
«  Je me souviens du fils un peu coincé d’une famille catho que fréquentaient mes parents, qui avait lancé à son père, alors qu’on s’était arrêté là pour un casse-croûte : « père, est-ce bien convenable de pique-niquer sur une tombe ? »
Je ne saurai passer sereinement un séjour à Vassieux.
L’ancien journaliste de Libé parle intimement à l’ancien lecteur que je fus. 
« Plus j'avance dans ma vie, plus mes rêves se conjuguent au passé, peut-être pour me signifier que le passé est désormais mon vrai présent. L'évolution est profonde : tant de choses du présent ont si complètement cessé d'exister pour moi, et de m'intéresser, notamment les débats dits de société ou encore la plupart des recherches et des thèmes qui les mobilisent - le « postcolonial », I’« anthropocène», I'« histoire-monde », les « études de genre » - , et je tente d'échapper le plus possible aux intersections du jour, que je considère avec indifférence comme les réparations conformistes d'une grande plainte généralisée. »
 La présence du passé effleure chaque individu, mais les commémorations  que l’auteur appelle à multiplier concernent-elles intimement la jeunesse en particulier, et même notre société dans son ensemble, harcelée par l’immédiat médiatique ? 

vendredi 14 octobre 2022

Brouilles.

Une paire de contradictions de plus, ci-dessous décrites, ne va pas contribuer à me sortir de l’inventaire obsédant des paradoxes contemporains.  
- Première bizarrerie : l’urgence écologique n’a jamais été aussi évidente, les écologistes n’ont jamais été à ce point inaudibles.
Coquerel, le coquelet vient à peine de descendre du manège médiaclic que Bayou a gagné la queue du Mickey et Quatenens a perdu la main.
Nous jubilons quand les donneurs de leçons se doivent d’en subir, des leçons, bien qu’ils soient peu désireux d’aller à repentance, « en chemise, pieds nus et la corde au cou ».
Depuis le peignoir de DSK, la politique met les dessous, dessus.
Quand Sandrine Rousseau se fait siffler à la manifestation de soutien aux iraniennes qui n’en peuvent plus du voile, alors que la députée estime qu’il est fort seyant chez nous, je me gausse.
Pour chérir la diversité des opinions s’exprimant dans les journaux, je doute rarement de l’honnêteté des rédacteurs, même si quelques chartes signées récemment par des radios d’état scellent un certain conformisme bien pensant.
Des préconisations écologiques déversées à longueur de journée perdent de l'impact quand  les micros mis systématiquement sous le nez de la Savonarole transversale nous exaspèrent.
- Deuxième extravagance : la distance flagrante entre les mots et le réel saute aux yeux avec la remise en question du « travail » pendant que fleurissent les discours sur la valeur « travail ». 
Le phénomène post Covid des démissions révèle une maladie de la société où le mot investissement ne sait se compter qu’en €uros et non plus comme un engagement au service de tous. 
Celle qui sature les écrans affirmait la « valeur travail est clairement une valeur de droite » en réponse à Roussel qui disait :  
« la gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et des minima sociaux ».
J’ose brandir de mes ancêtres, une présence au « travail » 365/365. Cette notion triplement répétée ci-dessus fait mal au dos et nourrit les moulins à paroles. Le chômage figurait en tête des questionnaires à sondages, il a disparu, burnouté, plus un chiffre, rien ; ne compte plus que la température du chauffe-eau. 
Je suis de ce côté des mots qui ne brassent même plus un air traversé de missiles tout en continuant à me renseigner par des journaux. « Le Monde » dans sa version papier m’impressionne par la place accordée à la guerre en Ukraine, de quoi se sentir relativement bien à l’abri dans notre bunker occidental.
Je prends chez Raphaël Enthoven dans le dernier « Franc Tireur » la citation d’un ancien prix Nobel qui n’avait pas besoin de mettre à la fenêtre ses petites culottes contrairement à la dernière lauréate. 
« Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde » Camus.