mercredi 12 octobre 2022

Les Sables d’Olonne # 2

Nous reprenons le chemin des découvertes sous un soleil estival ; 
du coup, mon parapluie mon  pull et mon blouson emportés par précaution m’encombrent inutilement.
Nous nous orientons vers le bac (passeur A) qui  traverse le bras de mer entre les sables  d’Olonne et  la Chaume.
Nous payons à bord  2.20 € par personne pour le court  trajet en compagnie d’autres touristes, autochtones et cyclistes.
Puis une fois débarqués, nous flânons jusqu’au phare à tête rouge.
Nous avançons jusqu’au bout du ponton, 
parmi les flaques et les bites d’amarrage roussies par la rouille, travaillées par les vagues submersives.
Côté Sables d’O., un autre phare, vert,  moins enfoncé dans l’océan penche tout autant que la tour de Pise.
Un chemin bombé à travers des rochers et des conduites recouvertes de ciment, nous ramène vers le prieuré Saint Nicolas de style roman, désaffecté, désacralisé mais restauré. Reconverti en salle de concerts et d’expositions actuellement closes pour la saison,  il n’est pas ouvert à la visite.
La Chaume, quartier de marins-pêcheurs, s’organise en un dédale de petites rues.
Les maisons basses et soignées où les tags sont absents témoignent de la présence d'une population plutôt modeste.
Comme herbes folles au pied des murs, s’invitent de graciles roses trémières, à l’image des îles océaniques. 
La tranquillité plane dans ces rues résidentielles loin des voitures et des commerces, nous sommes seuls.
Après avoir repris le bac, nous poursuivons parmi les bars et restaurants, abrités et bien placés pour profiter de l’ambiance maritime.
Nous repiquons vers la rue du palais, et entre le MASC et le musée du Blockhaus Hôpital, nous optons pour le Blockhaus.
En introduction, cet intéressant musée  diffuse un petit film d’un quart d’heure, un peu redondant avec les nombreuses affiches exposées, mais bienvenu pour remettre en tête les faits historiques.
Puis nous pénétrons dans le blockhaus appartenant au mur de l'Atlantique, autrefois dissimulé sous une villa. Comme dans les bunkers souterrains de la ligne Maginot, tout est ingénieusement pensé pour optimiser un espace restreint : ventilation, chauffage, groupes électrogènes remplissent de petites pièces fermées par de lourdes portes blindées.
Nous accédons à une vingtaine de salles répondant à un plan géométrique, organisées en enfilade de trois en profondeur  et de 6 en largeur. Un périscope  et des antennes en parapluie maintenaient un lien avec l’extérieur, pour voir et entendre sous les 3 mètres de béton armé.
Nous traversons les blocs opératoires, passons dans  les cellules de repos des infirmiers et des médecins  rendus réels  par la présence  de mannequins en situation  et de matériel médical d’époque.
De vieilles  vitrines contiennent encore  des outils chirurgicaux, des pansements, des médicaments. Tout était prêt pour l’accueil des blessés allemands. Lorsqu’ ils débarquaient, un infirmier constatait leur état et les orientait en fonction de leur pathologie grâce à un système de couleurs. Enfin, des WC étroits garantissaient un minimum d’hygiène pour un lieu aussi clos.
Des objets appartenant à la vie quotidienne sous l’occupation replacent encore un peu plus  les visiteurs dans l’époque, comme les affiches proposées au départ.
Il n’est plus temps de s’engouffrer dans le MASC ( art contemporain) voisin. De toutes les façons, sortis d’un monde souterrain aveugle, nous aspirons plutôt  à profiter de la lumière vespérale. Nous récupérons la voiture  et prenons la promenade JF Kennedy.
Elle longe les plages de sable équipées de parkings payants, devient boulevard du Maréchal Delattre de Tassigny avant d’atteindre le puits d’enfer.
Cette curiosité géologique se présente comme une longue faille étroite entre deux rochers battus par la mer se terminant par une petite grotte rongée par l’eau.
Nous la surplombons, des restes de la marée stagnent  encore dans les pierres trouées que nous foulons alors que les vagues propulsées viennent se casser avec fracas en gerbes mousseuses sous nos pieds.
« Un fait divers des années 40 raconte que l’on a trouvé dans cette faille une malle sanglante contenant le corps d’un homme assassiné par son employée de maison ». 
Nous nous mettons en quête d’un restaurant en dehors des Sables d’O.
En effet, ce soir les Sablais fêtent les marins du Vendée Globe : récompenses parades et feux d’artifice ont été programmés attirant une foule de passionnés et de fêtards. Nos tentatives à Olonne sur mer échouent, entre fausses adresses du GPS et fermetures sans explication.
Nous finissons dans une zone industrielle pimpante, à l’étage du restaurant Angoni. Il s’intègre dans un complexe commercial regroupant un Leclerc, des boutiques de grandes enseignes, un escape game… organisé autour d’une petite cour avec jets d’eau telle celle du village des marques à Villefontaine. Au menu : spritz, raie et petits légumes, ou rizotto aux asperges et desserts. Il fait encore jour lors de notre retour au airB&B, et suffisamment tôt pour voir le match de foot Danemark/France à la télé.

mardi 11 octobre 2022

Piscine Molitor. Cailleaux/ Bourhis.

En 1959, Boris Vian se remémore sa vie dans cette piscine parisienne branchée, longtemps fermée pour vétusté et rouverte à présent pour quelques privilégiés.
La vie brève mais trépidante de l’ingénieur, poète, musicien, critique, traducteur … d’une des personnalités marquantes de la littérature française, ne peut tenir en 70 pages.
« Cette histoire est totalement vraie, puisque je l’ai imaginée de bout en bout. »
 Les flashbacks brefs, les crayonnés rythmés
décrivent une solitude mais n’abordent pas en profondeur les mystères du génial créateur.
Ses parents, ses femmes, ses enfants, Sartre et Saint Germain des Prés sont forcément vus de loin. 
« Le cœur de Boris Vian a fini par lâcher, quelques minutes après le début de la projection du film tiré de son livre « j’irai cracher sur vos tombes». Le jour de son enterrement, au cimetière de ville d’Avray, les pompes funèbres étaient en grève. Ses amis ont du mettre eux mêmes le cercueil en terre. »

lundi 10 octobre 2022

Un beau matin. Mia Hansen-Løve.

Le père prof de philo est atteint de dégénérescence, sa fille traductrice entreprend une nouvelle relation amoureuse. Nous sommes à Paris, c’est un film français.
Pascal Grégory nous renseigne sur le temps qui a passé, Léa Seydoux a de belles formes, mais «  The Father » sur le thème souvent traité du grand âge en territoire vieillissant est plus profond 
Les dilemmes entre régulière et maîtresse, le lit ou une visite au musée, trouvent parfois le ton juste mais ne révolutionnent pas le genre pas plus qu’un précédent oubliable de l’ancienne compagne d’Olivier Assayas qui met beaucoup de sa vie sur écran.

dimanche 9 octobre 2022

Dark was the night. Emmanuel Meirieu.

Pour la première de la saison à la MC2, nous sommes invités à entrer dans l’album en couleurs présenté par Emmanuel Meirieu dont les spectacles précédents nous avaient bouleversés.
Inspiré par des faits réels, un puissant récit pose des questions essentielles sur notre condition humaine quand sont évoquées des distances incroyables et des années incalculables.
Le décor magnifiquement éclairé représente une décharge où un homme recherche la tombe de Blind Willie Johnson mort misérablement après que l’hôpital ait refusé de le soigner car il était noir. Et pourtant sur le disque embarqué sur la sonde spatiale Voyager en 1977, parmi les salutations en 55 langues et des photographies représentant notre planète, une des chansons du bluesman « Dark was the Night, Cold Was the Ground » (Sombre était la nuit, froide était la terre) synthétise notre humanité à côté de Bach et Mozart.
A côté d'un infatigable chercheur des traces du passé, l’enfant ayant prêté sa voix pour saluer les extra-terrestres susceptibles de lire ce disque, arrivé à la fin de sa vie, veille sur ses abeilles.
Les images envoyées dans l’espace intersidéral par les terriens peuvent paraître bien naïves et la tentative de décrire notre humanité en un disque semble vaine, bien que l’idée soit stimulante.
Que restera-t-il de nos cendres depuis notre grain de poussière, la terre?
La déploration face à des sépultures anonymes, négligées, se révèle dérisoire quand s’en creusent de nouvelles sous nos yeux. 
Si tant de messages humanistes délivrés par des conteurs à la belle voix font chaud au cœur, ils peuvent perdre de leur force par leur accumulation, similaires aux omniprésentes recommandations pour préserver la planète.
 

samedi 8 octobre 2022

Mo. Marie Hélène Lafon.

Lorsque j’ai lu la critique de Colombe Schneck évoquant Flaubert à propos de l'écrivaine d'Aurillac, je trouvais la comparaison un peu gonflée, et puis en me relisant, j’ai vu que j’avais fait pareil. 
Dans ces 144 pages, M. H. Lafon bouscule la ponctuation, bannit toute fioriture et nous trouble pour mieux retrouver son univers nu.
Peu importe le cadre - cette fois un centre commercial - nous sommes invités au cœur de la solitude, avec un homme de 33 ans dont la pauvre existence est décrite en quatorze stations commencée par une puissante et tendre scène d’ablution.
Mo pour Mohamed, prénom que portait déjà un frère mort, vit chez sa mère, et sa sensibilité contredit une douce indifférence au monde. 
Un certain malaise peut nous étreindre, signe de l’efficacité de l’auteure, tant le mystère de ce pauvre type reste entier même après le cri final, glaçant. 
A travers la description d’un morne quotidien, Mo enfermé sur lui-même tout en se montrant accessible à ce qui nous échappe le plus souvent, nous est proche. A chaque mot s’attache son contraire, ainsi la banalité va avec l’originalité, comme l’étrangeté avec la platitude, la douceur et la violence.  
Une fois encore avec une de mes romancières préférées je me retrouve en difficulté pour extraire des morceaux de ses tableaux épurés, tant je ne saurai choisir entre chair et minéral, pour dire l’amour et la haine, l’indifférence et le dépassement, les contradictions : la littérature, la vie.

vendredi 7 octobre 2022

L’école et l’écriture obligatoire. Anne Marie Chartier.

Si avec ce blog, je suis toujours concerné quotidiennement  par l’écriture, je m’en suis voulu d’avoir acheté cet ouvrage sans doute acquis pour perpétuer l’illusion d’être encore pédagogiquement « dans le coup », alors que cette dernière expression trahit mon éloignement depuis dix sept ans des écrits écoliers.
Cependant dès l’entame de ces 332 pages, j’ai été passionné par le sujet et la façon de l’aborder, à rebours des ouvrages universitaires situés si souvent en surplomb. Les réflexions nuancées s’appuient sur des documents témoins des pratiques des élèves et des maîtres et mesurent la distance entre la théorie des circulaires ministérielles et les usages depuis les premières tablettes en cire jusqu’aux écrans dialoguant avec les tableaux blancs numériques.
J’ai vérifié qu’il s’agissait pour les premiers clercs de tenir des comptes et j’ai dégrossi ma vision d’une école qui ne commence pas avec Jules Ferry.
Un sujet d’un concours de 1826 embrasse l’histoire des idées : 
« En explicitant ce qu’est le vrai courage, le candidat traitera forcément de la morale de l’Antiquité (qui fait l’éloge du suicide), de la morale aristocratique (qui fait l’éloge du duel) de la morale chrétienne (qui condamne l’un et l’autre mais fait l’éloge du martyre) alors que la mort par les armes au service de son roi ou de sa patrie, est acceptée de tous… »  
Autre temps. 
«  Si on ne fait plus copier la morale laïque dans les cahiers c’est peut être qu’on perçoit mieux à quel point elle reste un chemin non tracé » 
La plume d’acier venant après la plume d’oie a permis l’apprentissage de masse même si « en 1967, seuls 24% des enfants ont effectué une scolarité sans redoubler. » 
Les techniques, les formes, jouent sur le fond avec l’apparition des classeurs signe de la secondarisation du primaire, de la même façon, les QCM ont formaté les exercices. 
«  avec l’arrivée des smartphones, c’est l’oral qui est devenu pérenne […] quand les nouveaux outils technologiques effacent la frontière entre oral et écrit, comment concevoir encore une entrée inaugurale en écriture ? » 
Le bon sens ne met pas en péril la profondeur des réflexions : 
«  Seul l’usage donne (ou non) son efficacité à l’outil, ce qu’oublient les croyances technolâtres vs technophobes. Il est donc impossible de dire que le numérique améliore ou détériore les apprentissages « en général » » 
L’écriture a partie liée à la lecture : 
«…  les églises ont promu la lecture pour fixer à la lettre les savoirs religieux, c’est le pouvoir d’état qui a régi l’écriture. »  
Ma perception d’une diminution de l’écrit à l’école n’a été ni contredite ni validée, pas plus que n’a été éclairée ma perplexité devant le peu d’appétence des enseignants eux-mêmes envers cette forme d’expression.
La clarté de la rédaction de ce travail éloigne toute nostalgie, prolongeant d’une manière apaisée les débats antérieurs replacés dans une histoire aux multiples déterminants : 
«  …écrire à la main ou à la machine, qu’on soit débutant ou expert, est toujours un travail.» 
Un travail !  

jeudi 6 octobre 2022

6 mois. Printemps été 2022.

Nous sommes cernés par les images, mais depuis les masques sur la bouche et le nez, nous sommes devenus plus attentifs aux regards et celui des photographes nous est encore plus précieux quand le papier les supporte.
 
Toujours aussi riche, le beau magazine ( 29 €) varie les sujets et prend le temps d’être complet. 
Le dossier à propos de la Turquie va voir du côté de l’imaginaire nostalgique de l’empire ottoman, où à travers des photos sur les plateaux de séries télévisées. La fiction peut éclairer la réalité alors que le caractère autoritaire du régime se manifeste avec évidence, en particulier envers le peuple kurde. 
L’œil tendre et rieur de Sabine Weiss nous repose.  
L’actualité à Kaboul et au Tigré est tragique et rude en Allemagne au moment des inondations ou à la frontière biélorusse avec les migrants. 
Même les jeux olympiques devant des tribunes vides à Tokyo ne peuvent nous distraire, de la même façon le Bataclan a perdu sa connotation festive, les tatouages des témoins inscrivent le drame sur les peaux. 
Si la mémoire de la guerre au Libéria se dissimule, le récit d’une photographe revenant dans la maison dévastée de sa jeunesse est poignant et la fatalité dans le destin de deux frères drogués aux E.U. est cruelle.  
Un tour chez les transhumanistes nous éclaire sur notre temps comme le reportage trafiqué consacré à la ville des « fake news » ouvre le débat sur la vérité des images.  
La trajectoire de Bill Gates est intéressante, le Brésil du XIX° siècle est saisi par un riche amateur au moment de ses métamorphoses,  les lumières de Lisbonne sont comme je les aime, bien cadrées, et l’album d’une grande belle famille à Buenos Aires, chaleureux, ils s’appellent Flores