jeudi 16 décembre 2021

Les Ambulants russes. Christian Loubet.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous a replongé dans la seconde moitié du XIX° siècle quand un groupe de peintres russes se constituait en réaction à l’Académie des beaux arts. Au moment où le marché de l’art se développait, un groupe de 14 étudiants avides de plein air créée une société coopérative, « l’artel des artistes » et organise des expositions itinérantes jusqu’en 1923. L’effervescence intellectuelle se révèle intense à l'instar d'un Tolstoï des campagnes et d'un Dostoïevski des villes ; l’activisme politique est vigoureux avec les narodniki, « ceux qui vont au peuple ».
Le servage a été aboli (partiellement) par Alexandre II, assassiné en 1881. Le témoignage social fort de ces peintres se passe de commentaires, avec« Les glaneuses, pauvres ramassant du charbon aux alentours d'une mine abandonnée » Nikolaï Kassatkine 
ou « Travaux de réparation sur une ligne de chemin de fer » de Savitsk.
Dans l’« Union mal assortie »,
Poukirev s’est représenté en témoin contrarié.
L’objectivité de Vladimir Makovski se montre également implacable dans « Asile de nuit ».
« Les chasseurs à la halte » de Perov sont truculents 
mais les paysans de la « Procession pascale » paraissent pitoyables et le pope pompette.
Emotions diverses au retour de l’exilé, « Ils n'attendaient pas » d’Elia Repine.
« Les bateliers de la Volga »
 dont il est aussi l’auteur sont devenus emblématiques.
« Les faucheurs »
de Grigori Miassoïedov constituent un  héros collectif
à comparer au «  Rappel des glaneuses »  de Jules Breton, également héritier de Courbet et ses femmes individualisées.
Les violentes péripéties de l’histoire acquièrent une grande densité psychologique. 
Repine: « Ivan et son fils », le terrible, l’a tué à coup de sceptre.
La représentation  légendaire de l’héroïne romantique dans sa cellule inondée est bouleversante.« La mort de la princesse Tarakanova ».
Dans « Le Matin de l'exécution des streltsy » réalisé par Vassili Ivanovitch Sourikov, fils de cosaque, souffle le vent sanguinaire de l’histoire : 1200 soldats insurgés furent exécutés à l’ombre des coupoles.
Repine
a commenté son propre tableau « Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie », pleine d’insultes : 
« Tout ce que Gogol a écrit sur eux est vrai ! Un sacré peuple ! Personne dans le monde entier n'a ressenti aussi profondément la liberté, l'égalité et la fraternité. La Zaporoguie est toujours restée libre, rien ne l'a soumise ! »
« Le christ et la pécheresse »
de Polenov habitent le Moyen-Orient, et actualisent la religion.
Apre est « La Cène » de Nicolaï Gay.
La souffrance épouvantable de « La crucifixion »
choqua à tel point le tsar Alexandre qu’il exigea que l'œuvre soit retirée dès sa première exposition.
« Le Chevalier à la croisée des chemins »
(Витязь на распутье) de Viktor Vasnetsov relève  du fantastique slave.
Dans l’ordre du portrait, Vassili Grigorievitch Perov a su exprimer la tristesse de « Dostoïevski ».
« Chagrin inconsolable »
 d’Ivan Kramskoïun, un des fondateurs du groupe, représente sa femme devant le cercueil de son fils.
« Un matin dans une forêt de pins »
  de Chichkine a inspiré de nombreuses reproductions.
Stepanov,« l’envol des grues », avait connu les impressionnistes français. Il se séparera du groupe des ambulants pour fonder la Société des artistes de Russie. Ces créateurs informés des courants modernistes, ont réalisé de nouvelles « icônes laïques ».
« La Jeune Fille aux pêches »
Valentin Serov, Ils ont contesté l’académisme avant d’alimenter l’art officiel et d’être discutés à leur tour par les Malevitch, Kandinsky, Chagall avant 1917. Ceux-ci souhaitaient un régime qui les a évincés pour un réalisme socialiste inspiré des ambulants. Parallèlement dans « le nouveau monde », le réalisme ira jusqu’à l’hyper réalisme voire aux nouvelles figurations.« La Princesse cygne » par Mikhaïl Vroubel.

mercredi 15 décembre 2021

Mulhouse # 2

Nous programmons pour aujourd’hui la visite du parc zoologique  à 30 minutes à pied du quai de l’Alma.
Nous traversons des quartiers très différents de ceux d’hier.
 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2021/12/mulhouse-1.html
Les rues montantes et les hauteurs ont la faveur de résidents plus aisés, comme le prouvent les propriétés du quartier Rebberg.
Le parc  zoologique et botanique se situe dans une zone moins urbanisée, entouré d’arbres et de verdure.
A l’entrée, le Pass sanitaire et une carte d’identité sont exigés avant le passage en caisse (10 € 50).
Nous nous dirigeons en priorité vers une buvette  pour consommer un café en guise de petit déjeuner, tranquillement à côté des chameaux.
Dès les premiers pas, nous décidons de laisser de côté les végétaux, peu à leur avantage en cette saison pour nous consacrer exclusivement aux animaux.
Nous sommes surpris par la grande variété de lémuriens, de suricates ou de singes : gibbons et macaques et d’autres, plutôt de petite taille exposés dans les cages : certains possèdent des têtes de rat, de hibou ou de vampires. 
Des loups disposent d’un territoire adéquat  leur permettant de  courir, se cacher mais ils s’approchent  facilement  pour se régaler de pommes qui leur sont lancées par leur soigneuse.
L’habitat  s’adapte aux flamants rouges (et pas roses) autour d''un point d’eau bien ensoleillé.
Il est aussi possible d’admirer des perroquets dont des aras, des pandas rouges, des tortues, des bongos , des zèbres, des okapis des cerfs, des tapirs, même un vieux lion ayant survécu à un AVC, des félins, des lamas...
Et surtout, n’oublions pas maman ours polaire qui surveille la baignade de son petit avant de participer à ses jeux nautiques plein d’éclaboussures !
D’après les prospectus fournis, les « collections » du zoo participeraient à la préservation d’espèces en voie de disparition dans le monde. L’endroit attire aussi des animaux en totale liberté.
En effet les cigognes s’invitent dans les arbres les plus hauts et n’hésitent pas à se servir en nourriture dans la gamelle des autres. Leurs claquements de bec résonnent au-dessus de leurs congénères captifs.12h30 : c’est l’heure où tout le monde souhaite une pause repas et le self du parc est pris d’assaut. Nous tentons notre chance à l’extérieur.
Nous essayons avec bonheur un restaurant afghan Le Melma (invité) sur le rond-point  juste en face du zoo: nous nous régalons de raviolis fourrés à la viande hachée ou aux poireaux tomate et chakka (sorte de crème sure) pris sur une jolie terrasse tranquille.
Pour revenir vers le centre, nous longeons le zoo en bordure de la Tannenwald avant de rejoindre l’allée des écureuils
et de redescendre par le boulevard Gambetta bordé là encore de maisons bourgeoises et de mystérieux parcs privés.
Nous prenons la direction du  musée de l’impression sur étoffe. Son entrée passe obligatoirement par la boutique, nous payons et obtenons des tickets originaux sous forme de deux petits carrées de tissus crantés aux motifs floraux. Compte tenu de la conjoncture,  il n’y a pas d’expositions temporaires, seules sont visibles les collections permanentes.« Le musée a pour vocation de mieux comprendre et faire connaitre l’impression textile. Musée d’art décoratif, musée industriel, musée technique, musée d’histoire locale, musée de société, musée de la mode….. Conserver, restaurer et mettre en valeur….. »
Les salles proposent un grand nombre d’explications mais aussi une grande diversité dans les tissus exposés en provenance du monde entier : des indiennes, des batiks indonésiens, des wax africains, ou encore des toiles de Jouy.
Dans l’escalier monumental que nous empruntons pour accéder à l’étage, deux lustres en forme de papillon avec un corps en néon et des ailes blanches déployées apportent une touche de modernité tout en diffusant une jolie lumière.
Les pièces du haut  contiennent plutôt des machines, des tampons ainsi que  d’énormes rouleaux  et plaques de cuivres gravés.
Nous regrettons de ne pouvoir profiter des informations fournies à un petit groupe de visiteurs surtout que la guide s’appuie sur des démonstrations en utilisant le matériel entreposé ; nous saisissons quelques bribes concernant les processus de fabrication avec la pratique des mordants pour les couleurs, fixées ensuite avec des bains de bouses.
Par contre nous n’insistons pas trop devant les vidéos pédagogiques  un peu hermétiques tout de même pour les néophytes que nous sommes.

mardi 14 décembre 2021

RIP*. Gaet’s Monier Petit.

Quelques citations permettent de se reposer entre quelques cadavres autour desquels volent des insectes que le personnage principal étudie pour les besoins de ses enquêtes. 
«  La vie ne se résume pas à avoir de bonnes cartes en main ; parfois, c’est savoir bien jouer avec un mauvais jeu. » Jack London.
Comme l’indique ce volume 3 d’une série qui doit en comporter 6, Ahmed a tendance à se trouver «  au bon endroit au mauvais moment ». 
Vendues comme glauques ces 110 pages nous plongent effectivement dans un univers bien sombre voire tellement malsain que le sourire peut être une échappatoire, sinon quelque musea domestica viendra tourner autour du contenu de votre estomac qui aurait pu se vider par la haut devant tant de macchabées à la putréfaction avancée.
 
* Le latin « resquiescat in pace » croise l’anglais «rest in peace » : « repose en paix » quoi et en abrégé !

lundi 13 décembre 2021

Tre piani. Nanni Moretti.

Ce film est une adaptation d’un roman de Eshkol Nevo se déroulant à Tel Aviv transposé à Rome. Nous retrouvons l’Italie du cinéma avec un de ses représentants des plus célèbres qui a vieilli avec nous et nous parle si bien de transmission, de responsabilité. 
Il ne se donne pas le beau rôle dans ce film à propos de trois familles sur trois étages d’un même immeuble, en trois périodes, à cinq ans d’intervalle.
Le juge interprété par le réalisateur est tellement à la recherche de l’intégrité qu’il s’est enfermé dans une attitude trop rigide avec son fils. Les autres hommes ne sont pas plus en réussite avec leurs enfants, soit par leur absence soit par une présence envahissante. 
L’un d’eux influencé sans doute par les faits divers contemporains et le babil adjacent va se pourrir la vie et celle de ses proches en imaginant chez le papi à qui il confie sa fille, un pervers sexuel.
Le métier de parents n’est pas facile et parmi les destins compliqués des adultes, si les femmes semblent plus solides, les enfants, et c’est rare, n’ont pas un rôle secondaire. 
Bien que les « happy end » de ce film choral nécessitent quelques raccourcis scénaristiques parfois artificiels, nous aimons nous faire raconter des histoires d'amour, pour alléger culpabilités et mauvaises consciences convoquées pendant deux heures où sont aperçus également démence sénile et hérédité, voire escroqueries et migrants.

dimanche 12 décembre 2021

The personal element/azoth. Alonzo king.

Comme nous n’en sommes pas encore réduits à n’apprécier que des produits (culturels) en circuit court, la compagnie venue d’Outre-Atlantique avec une réputation flatteuse semblait attractive. D’autant plus que ça fait un bail que nous n’avons pas vu de chaussons sur le plateau de la MC2. L’ambition affichée devait réunir tradition et modernité, mais ce propos commence à dater entre rafraichissement, dépoussiérage qui finissent par évacuer toute émotion.
J’ai eu l’impression, avec des postures impeccables des belles danseuses, de voir projetées des lettres enluminées lors de la première partie mais jamais réunies en mots. Les hommes en sont réduits à un rôle de porteur sur une musique qui plaque ses notes dont toute mélodie est évitée. La deuxième partie est aussi bien éclairée et cette fois les gestes isolés se rejoignent mais bien tard quand le saxo apporte un peu de chaleur. De beaux tableaux, des gestes inédits, des positions inusitées mais trop parcimonieuses ponctuent un ensemble  longtemps discordant dans un décor sobre mettant en valeur des corps épanouis mais qui n’entrainent pas.