Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble nous a
replongé dans la seconde moitié du XIX° siècle quand un groupe de peintres
russes se constituait en réaction à l’Académie des beaux arts. Au moment où le
marché de l’art se développait, un groupe de 14 étudiants avides de plein air créée
une société coopérative, « l’artel des artistes » et
organise des expositions itinérantes jusqu’en 1923. L’effervescence
intellectuelle se révèle intense à l'instar d'un Tolstoï des campagnes et d'un Dostoïevski des villes ; l’activisme
politique est vigoureux avec les narodniki, « ceux
qui vont au peuple ».
Le servage a été aboli (partiellement) par Alexandre II, assassiné
en 1881. Le témoignage social fort de ces peintres se passe de
commentaires, avec« Les
glaneuses, pauvres ramassant du charbon aux alentours d'une mine
abandonnée » Nikolaï Kassatkine
ou « Travaux de réparation sur une ligne de
chemin de fer » de Savitsk.Dans l’« Union mal assortie »,
Poukirev s’est représenté en témoin contrarié.L’objectivité de Vladimir Makovski se montre également implacable dans
« Asile
de nuit ».« Les chasseurs à la halte » de Perov sont truculents
mais les paysans de la « Procession pascale » paraissent
pitoyables et le pope pompette. Emotions diverses
au retour de l’exilé, « Ils
n'attendaient pas » d’Elia Repine.« Les
bateliers de la Volga » dont il
est aussi l’auteur sont devenus emblématiques.« Les faucheurs » de Grigori
Miassoïedov constituent un
héros collectif à comparer au « Rappel des glaneuses » de Jules Breton,
également héritier de Courbet et ses femmes individualisées.Les violentes péripéties de l’histoire acquièrent une grande
densité psychologique.
Repine: « Ivan et son fils »,
le terrible, l’a tué à coup de sceptre.La représentation légendaire de l’héroïne romantique dans sa cellule inondée est bouleversante.« La
mort de la princesse Tarakanova ».Dans « Le Matin de l'exécution
des streltsy » réalisé par Vassili Ivanovitch Sourikov,
fils de cosaque, souffle le vent
sanguinaire de l’histoire : 1200 soldats insurgés furent exécutés à
l’ombre des coupoles.Repine a commenté son propre tableau « Les Cosaques zaporogues
écrivant une lettre au sultan de Turquie », pleine d’insultes :
« Tout ce que
Gogol a écrit sur eux est vrai ! Un sacré peuple ! Personne dans le
monde entier n'a ressenti aussi profondément la liberté, l'égalité et la
fraternité. La Zaporoguie est toujours restée libre, rien ne l'a
soumise ! »« Le christ et la pécheresse » de Polenov habitent le Moyen-Orient, et actualisent
la religion.Apre est « La Cène » de Nicolaï Gay.La souffrance épouvantable de « La crucifixion »
choqua à tel point le tsar Alexandre qu’il exigea que l'œuvre soit
retirée dès sa première exposition.« Le Chevalier à la croisée des chemins » (Витязь на распутье) de Viktor Vasnetsov relève du fantastique slave.Dans l’ordre du portrait, Vassili Grigorievitch Perov
a su exprimer la tristesse de « Dostoïevski ».« Chagrin
inconsolable » d’Ivan Kramskoïun,
un des fondateurs du groupe, représente sa femme devant le cercueil de son
fils.« Un
matin dans une forêt de pins » de Chichkine a inspiré de nombreuses reproductions. Stepanov,« l’envol
des grues », avait connu les impressionnistes français. Il se séparera
du groupe des ambulants pour fonder la Société des artistes de Russie. Ces créateurs informés des courants modernistes, ont réalisé
de nouvelles « icônes laïques ».« La Jeune Fille aux pêches » Valentin Serov, Ils ont contesté l’académisme avant d’alimenter l’art
officiel et d’être discutés à leur tour par les Malevitch, Kandinsky, Chagall
avant 1917. Ceux-ci souhaitaient un régime qui les a évincés pour un réalisme
socialiste inspiré des ambulants. Parallèlement dans « le nouveau
monde », le réalisme ira jusqu’à l’hyper réalisme voire aux nouvelles
figurations.« La
Princesse cygne » par Mikhaïl Vroubel.