Maintenant qu’il est désigné comme un ennemi par la meute,
je ne cache plus ma tendresse à l’égard de l’émotif philosophe que j’écoute et
lis volontiers. S’il force un peu sur le tragique, c’est bien avec les écrivains
Roth, Kundera et tant d’autres appelés à la rescousse qu’il retarde un peu le
constat que les livres n’impriment plus.
« Néoféminisme
simplificateur, anti racisme délirant, oubli de la beauté par la technique
triomphante comme par l’écologie officielle, déni de la contingence tout au
long de la pandémie qui nous frappe : le mensonge s’installe, la laideur
se répand, l’art est en train de perdre la bataille »
J’appartiens à ce camp allergique au « woke »,
même si je ne l’accompagne pas dans son aversion envers les éoliennes qui offrent
une option de plus au bouquet énergétique. Je préfère assumer les
inconvénients de nos usages de consommateurs, de vivants.
Ses propos sont limpides, nuancés, tout en étant exigeants.
« L’identité,
c’est paradoxalement la part de soi qui n’est pas soi, le nous dans le je, la
généalogie dans l’individu, le fil à la patte. »
Pour l’ancien soixante-huitard que je fus, comme lui, le
balancement entre les acquis et les abus de cette période et son insistance à
propos de l’école me vont bien.
« De ce que la
philosophie des Lumières nous a appris à considérer comme le propre de
l’homme : penser et agir par soi-même, l’école a fait non plus le fruit
d’une maturation, mais une propriété naturelle et même native. Dès lors les
adolescents et même les enfants sont devenus « les acteurs de leur
propre éducation » et l’autorisation a succédé à l’autorité. »
« Ces
adolescents ne trouvent pas les mots qui leur ouvriraient les yeux sur la
complexité et sur la richesse du réel, car l’école a cessé de leur
donner. »
Quant avec son goût des paradoxes, je bois du petit lait quand
il décrit la situation actuelle :
« L’idéologie a
remplacé la superstition. On se représente l’état comme un Léviathan redoutable
alors qu’il est faible et n’en mène pas large. Sa marge de manœuvre ne cesse de
se réduire. Et plus il est empêché, ligoté, paralysé, plus on lui reproche
d’être coercitif, invasif, irrespirable. On a rarement menti avec un tel
sentiment de clairvoyance. On a rarement divagué en étant aussi fier de
regarder la réalité en face. Personne ne tremble devant le pouvoir politique.
Ce sont les politiques qui tremblent devant le pouvoir judiciaire, la pouvoir
médiatique et celui des réseaux sociaux. »