lundi 11 octobre 2021

Flag Day. Sean Penn.

Le père et la fille Penn jouent le rôle d’un père et d’une fille d’après une dramatique histoire vraie... il parait qu’il y a le fils aussi.
Aux yeux de ses enfants, les apparitions paternelles paraissaient d’autant plus merveilleuses qu’elles étaient rares. Leur adolescence fut forcément chaotique avec une mère tombée dans l’alcoolisme. 
Ce père toxique, braqueur, faussaire, encore dangereux après 15 ans de prison, aura finalement renforcé la résilience de sa fille devenue journaliste d’investigation, entrainée toute petite à devoir gober les fables mythomanes de son géniteur.
Au bout l’irresponsable a fourni les armes pour la liberté à son héritière, lui qui rejetait toute contrainte, mais la réconciliation n’aura pas lieu. 
Le titre est bien choisi et permet de se déchaîner: pris en "flag'", ce jour du drapeau, fête nationale américaine, jour de promesses n'est que mensonge. Sous un sentiment de culpabilité de carton, ce père sans repère, sans repaire, à force de se mentir ne peut que mentir. 

dimanche 10 octobre 2021

Hurricane. Yoann Bourgeois GöteborgsOperans Danskompani .

La déception est d’autant plus forte que j’avais été enthousiaste lors de spectacles précédents du directeur du Centre chorégraphique national de Grenoble 
Avant  le lever de rideau, une femme vient exprimer tout le plaisir qu’elle a de nous retrouver. Fausse ingénuité et procédé de patronage quand elle demande ensuite la lumière sur elle, après nous avoir dit qu’elle portait le pantalon de son papa et qu’elle venait de trouver du sable au fond de ses poches. J’ai été achevé par le chant final, qui se termina par un « Prenez soin de vous » après un prêchi prêcha sinistre et ridicule. C’est sûr que je n’allais pas aimer : « Et nos écoles ressemblent à des prisons » même si à côté « nos prisons ressemblent à des centres commerciaux » parait moins conventionnel, mais il convenait de dénoncer une nation « nourrie au sang d’ange »« la violence apporte davantage de violences ». Ah bon ?
Pendant la moitié du spectacle de 45 minutes sont présentées de courtes scénettes sur un plateau tournant derrière un fauteuil roulant chromé que je prendrais comme une métaphore de ce spectacle où 16 interprètes dansent très peu, immobiles au départ comme des santons contemporains gris et noirs puis jetés par la force centrifuge ou plaqués au sol, revenant par un toboggan. Les rares mouvements permis sont magnifiques, brèves étreintes, croisements et solidarité, courses, enjambement de ceux qui tombent, mais nous l’avions déjà vu. 
Il pouvait bien y avoir une volonté de tension dans l’attente d’un déchainement d’énergie tel l’ouragan (Hurricane) promis, en fait ce fut essentiellement du vent et des feuilles mortes, les mots qui l’accompagnent. 
Comme me revenait l’expression de Châteaubriant « Levez-vous vite, orages désirés », je suis allé voir autour de l'expression quelques phrases qui ne manquent pas de fulgurances romantiques:  
« L’automne me surprit au milieu de ces incertitudes : j’entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j’aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes, tantôt j’enviais jusqu’au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l’humble feu de broussailles qu’il avait allumé au coin d’un bois. J’écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l’homme est triste, lors même qu’il exprime le bonheur. Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs. »


samedi 9 octobre 2021

Mon garçon. Xavier de Moulins.

Il y a eu tellement de fils qui ont écrit à propos sur leur père que ce titre qui promettait un autre point de vue m’a accroché.
Mais à la lecture, vite expédiée, il se trouve que l’auteur parle surtout de lui et très peu de son fils. Père séparé, il emmène celui-ci récemment accidenté dans la maison de son ex.
Le silence du voyage est tranché par un seul : « c’est cool » pour un paquet de Pim’s acheté dans une boutique sur l’autoroute. Le conducteur revient sur son amour de jeunesse avec des conseils à ce fils à l’orée de sa vie amoureuse. La banalité confondante de ses réflexions est elle volontaire ? 
«  … la façon dont on se parle affecte les relations que l’on a avec son prochain. Alors écoute- moi, sois doux avec toi même… » 
 Cependant l’écriture peut se faire sensible sur un terrain où le mièvre se terre entre les sillons : 
« Le bonheur ne dit jamais son nom au présent. Le bonheur est trop occupé pour se signaler. Le bonheur est un piège à doux, que l’on se doit de célébrer mon garçon […] Le bonheur c’est le B de boomerang. » 
Je ne sais s’il y a encore des lecteurs de courrier du cœur mais bien des paroles de ce « dialogue silencieux» résolu au bout de 170 pages auraient pu y figurer. Il est dommage que le narrateur, qui ne se donne pas le beau rôle, galvaude quelques unes de ses expressions originales en les prêtant à d’autres personnes. Mais peu importe, dans un récit où tout semble indifférent, avec un auteur, mot mal choisi, spectateur de sa vie, blasé, le lecteur peut être amené à s’en foutre. Dans un genre où lorsqu’il est question d’amour un peu du soucis de l’autre devrait transparaitre, « Le dernier enfant » respectait dans sa limpidité la promesse de  son titre
plutôt que cette variante dépressive de « ya que moi qui conte ».

vendredi 8 octobre 2021

L’après littérature. Alain Finkielkraut.

Maintenant qu’il est désigné comme un ennemi par la meute, je ne cache plus ma tendresse à l’égard de l’émotif philosophe que j’écoute et lis volontiers.
S’il force un peu sur le tragique, c’est bien avec les écrivains Roth, Kundera et tant d’autres appelés à la rescousse qu’il retarde un peu le constat que les livres n’impriment plus. 
« Néoféminisme simplificateur, anti racisme délirant, oubli de la beauté par la technique triomphante comme par l’écologie officielle, déni de la contingence tout au long de la pandémie qui nous frappe : le mensonge s’installe, la laideur se répand, l’art est en train de perdre la bataille » 
J’appartiens à ce camp allergique au « woke », même si je ne l’accompagne pas dans son aversion envers les éoliennes qui offrent une option de plus au bouquet énergétique. Je préfère assumer les inconvénients de nos usages de consommateurs, de vivants.
Ses propos sont limpides, nuancés, tout en étant exigeants. 
« L’identité, c’est paradoxalement la part de soi qui n’est pas soi, le nous dans le je, la généalogie dans l’individu, le fil à la patte. » 
Pour l’ancien soixante-huitard que je fus, comme lui, le balancement entre les acquis et les abus de cette période et son insistance à propos de l’école me vont bien.
«  De ce que la philosophie des Lumières nous a appris à considérer comme le propre de l’homme : penser et agir par soi-même, l’école a fait non plus le fruit d’une maturation, mais une propriété naturelle et même native. Dès lors les adolescents et même les enfants sont devenus « les acteurs de leur propre éducation » et l’autorisation a succédé à l’autorité. »
«  Ces adolescents ne trouvent pas les mots qui leur ouvriraient les yeux sur la complexité et sur la richesse du réel, car l’école a cessé de leur donner. » 
Quant avec son goût des paradoxes, je bois du petit lait quand il décrit la situation actuelle : 
«  L’idéologie a remplacé la superstition. On se représente l’état comme un Léviathan redoutable alors qu’il est faible et n’en mène pas large. Sa marge de manœuvre ne cesse de se réduire. Et plus il est empêché, ligoté, paralysé, plus on lui reproche d’être coercitif, invasif, irrespirable. On a rarement menti avec un tel sentiment de clairvoyance. On a rarement divagué en étant aussi fier de regarder la réalité en face. Personne ne tremble devant le pouvoir politique. Ce sont les politiques qui tremblent devant le pouvoir judiciaire, la pouvoir médiatique et celui des réseaux sociaux. »

 

jeudi 7 octobre 2021

Le MAMCS à Strasbourg.

Derrière son parvis rendez-vous des skateurs,
le Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg
réussit à faire rencontrer des œuvres classiques et des propositions, comme on dit, contemporaines qui se réveillent, se révèlent les unes les autres,
sans avoir besoin de se noyer dans les baratins cache-misère des FRAC 
(Fonds Régionaux d'Art Contemporain).
Toutes les écoles sont là :
la peinture académique, abstraite ou surréaliste, l’impressionnisme et sa version néo, le symbolisme, le cubisme, l’expressionnisme : Marquet,  Sisley, Rodin, Monet, Signac, Braque, Picasso …
Nous avons remarqué les danseuses et de petites figurines de François Rupert Carabin
et découvert un autre régional de l’étape, Gustave Doré, dont « Le christ quittant le prétoire », monumental donne une autre idée du célèbre graveur.
« Das Kreuz » (La croix) d’ Eugen Schoenebeck invite à un dialogue autour du sacré  
auquel Patrick Neu nous convie également.
De Jean Arp, alsacien lui aussi, est proposée « La Trousse du Naufragé », quand les avant- gardes Dada ou surréalistes, avaient de l’humour en jouant avec le hasard.
Les propositions interactives sont ludiques :  par exemple Ben nous propos de choisir des objets posés sur une étagère et de constituer notre propre création , en les touchant, en les déplaçant. Nous nous arrêtons à une attraction où une séquence vidéo avec un système de delay se succède à elle même trois fois sur trois plans décroissants  tel un écho visuel.
Le « Siège de musique pour deux sonneurs de Launeddas et Madonna Ciccone » 
de Michel Aubry tient moins de place
que « La chambre de musique » de Kandinsky ambiancée par Schönberg.
Nous retenons l’amusante araignée, « The Spider » d’Alain Séchas qui ne ferait même pas peur à ma petite fille.
Je me souviens essentiellement des anges de Wim Wenders
ou de « La belle Noiseuse », Emmanuelle Béart, qui animaient l’exposition « La Beauté du geste » placée sous mots d’Henri Michaux: « La vie dans les plis » ou d’André Malraux « Les voix du silence ».
Je me rappelle du nom de Daniel Dezeuze parce qu’il exposa au musée de Grenoble 
et de Giuseppe Penone
une belle découverte dont nous avons pu voir son « Procedere in verticale ». 
« La Petite opération »( Kleine Operation) de Max Beckmann est chirurgicale.
Les graveurs ne manquent pas dont Max Klinger l’un des plus étranges. « Grossjena ». 
Le livret d’accompagnement : «  Joyeuses frictions » n’était plus disponible en français. Cette pénurie loin d’être exceptionnelle dans les lieux artistiques ajoute à mon incompétence en anglais la contrariété de voir notre langue perdre de son importance. 
 

mercredi 6 octobre 2021

Promenades autour de Grenoble # 4.

Voreppe
dont on connaît surtout les ronds-points peut offrir l'occasion de rencontres avec l'histoire, la littérature, la géographie et la musique aussi.
Sur un monument au bord de la route de Lyon représentant un homme la corde au cou on peut lire : 
«  Cette porte  des alpes que les armées d’invasion n’ont pu franchir en juin MCMXL (1940) les armées allemandes d’occupation harcelées par le maquis de Chartreuse ont torturé et tué d’innocents otages au mépris de tout droit humain. Vous qui passez souvenez-vous »
S’il y a une médiathèque Stravinsky, c’est que le musicien russe vécut deux ans dans la cité qui approche aujourd’hui les 10 000 habitants. 
L’école Debelle, honore plus sûrement le peintre célèbre pour «  La journée des tuiles » et dont on peut voir des fresques à l'église, que les généraux de la République et de l’Empire du même nom.
Au cimetière se trouve la tombe du docteur Rome qui ne se faisait pas payer par les plus pauvres et inspira Balzac pour « Le médecin de campagne ».
Le père du chanteur Michel Fugain, grand résistant, exerça dans la commune comme médecin.
Choderlos de Laclos écrivit « Les liaisons dangereuses » au château de Sieyes, Stendhal venait au domaine de son grand père Gagnon, et Berlioz chez sa cousine.
Je viens de trouver sur Internet une photographie témoignant d'un passé où l'industrie du ciment était importante au hameau du Chevalon. De quoi réveiller quelques velléités chez un photographe parmi des friches industrielles à tendance «urbex», .
Pour une promenade plus champêtre prendre la direction du monastère de Chalais où les Chartreux auxquels ont succédé des sœurs dominicaines avaient aménagé un sentier aujourd’hui ponctué de « stations sensorielles ».
Au bout d’une demi heure de marche pépère depuis le parking, la vue est exceptionnelle servie par une table d’orientation bien faite. 
De là on voit bien que Le Grand Ratz côté Chartreuse est de la même nature géologique que le bec de l’Echaillon côté Vercors, rattaché étonnamment au domaine jurassien.
En observant la cluse, les météorologues de jadis avaient la prévision égrillarde : 
« Le trou de la Mère d'Agoult est bien bouché, il faut prendre son parapluie » 
Marie d’Agoult avait quitté sa famille pour Franz Liszt.

mardi 5 octobre 2021

La mémoire dans les poches. Etienne Le Roux. Luc Brunschwig.

A n’avoir lu que le deuxième tome d’une série de trois dont le dernier volume s’est fait attendre 8 ans, le temps de la résolution d’une dépression de l’auteur, je n’ai pas perçu toute l’intensité, ni la sincérité de ce récit proche d’une réalité intime. 
Ces 70 pages finement dessinées et colorisées suivent un fils à la recherche de son père. Nous passons de cours d’alphabétisation pas de tout repos à l’exposition médiatique du jeune écrivain proche d’une mère pas facile. Le prêchi-prêcha devant un parterre de policiers qui viennent de lui décerner un prix parait quelque peu daté, dans un récit qui aborde pourtant la complexité : 
«  Il faudrait préférer plus de relationnel avec la population, ceci afin d’être mieux connu des gens, mieux travailler avec eux et mieux appréhender les mœurs sans cesse en évolution de quartiers voués à la mondialisation.»  La mondialisation…
Il est question de bouts de papier dans les poches du père pour aider sa mémoire défaillante et de ceux qui pourraient aider une jeune réprouvée algérienne et son enfant.