jeudi 18 janvier 2018

Dezeuze # 2. Sophie Bernard.

C’est la saison Dezeuze : après la visite,  
ci-dessous un compte-rendu de la conférence d’une des commissaires de l’exposition qui se tient jusqu’au 28 janvier 2018 devant les amis du musée de Grenoble, dont l’association avait acquis : La Vie amoureuse des plantes. Cette rétrospective, portant sur 50 ans de carrière, s’inscrit dans une réhabilitation du groupe Support/surface dont D.D. fut un des fondateurs.
« L'objet de la peinture, c'est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu'à eux-mêmes. »
Né en 1942 à Alès dans une famille d’artistes, il suit les cours de son père en auditeur libre, à Montpellier, où il enseignera à son tour. Il a fréquenté la scène artistique américaine, dans sa jeunesse lors d’un séjour à Toronto, après un voyage au Mexique dont les muralistes et les sites indiens l’ont également influencé. Retour de Mexico, est abstrait, « matiériste » sur toile de jute.
Sa liberté formelle, son refus des catégories, l’utilisation de techniques mixtes et de matériaux divers ont abouti à la déconstruction du tableau classique.  « La déconstruction ne veut pas dire un système définitivement clos, mais un questionnement. […] Elle ouvre un espace possible avec les autres disciplines : philosophie, politique, littérature, ethnologie… »
Dans les années 70, le groupe Support surface se distingue des nouveaux réalistes et des expressionnistes abstraits. La période est effervescente sur tous les plans, Marcelin Pleynet de la revue Tel Quel annonce: « la disparition du tableau de chevalet ».
Cette Echelle assouplissant la « grammaire du châssis » appartient aussi au musée de Grenoble. Dezeuze a fait rentrer dans les musées quelques châssis squelettiques, dont l’un d’eux a fait figure de manifeste, alors que tant d’autres, bien en chair, sont restés à la porte.
Des dessins géométriques épinglés en bois de placage passé au bitume de Judée avaient joué avec l’écriture et les maths, alors que des Echelles de gaze cherchent à alléger la peinture. Par leurs vides, des séries éclatées jouent avec le mur, légères, évanescentes, impalpables.
Les années 80  font redescendre des nuages, l’abstraction s’est perdue dans le formalisme, la matérialité revient, l’objet réintègre le centre : portes trouées et armes de poing.
Duchamp était son maître en insolence: l’Articulation gothique de l'exposition au pays des "Quetchua" est composée de skis.
Est ce que la tripartition moyenâgeuse entre ceux qui prient, bataillent, travaillent, permet de mieux lire ce siècle ? Il retourne  vers des pratiques artisanales voire archaïques.
Comme au temps où les sociétés ne s’étaient pas installées dans l’architecture, en anthropologue spontané portant les nostalgies de l’enfance, il installe entonnoirs, porte-savons, filets à papillons, au bout de graciles bâtons, objets de cueillette. La nature bouillonne en entrelacs sensuels.
La notion de format est dépassée lorsque la peinture à la Pollock s’applique sur des barrières amovibles, carrelets de coffrage et autres panneaux extensibles en vente dans les magasins de bricolage : le métier de peintre se  réaffirme. Le polyéthylène permet de la souplesse, les Pavillons ne « répètent pas une mesure du même mais mesurent l’écart ». 
Avec humour, il installe des Peintures  sur chevalet
comme il nomme Peinture d’histoire blasons et boucliers.
Des Nefs énigmatiques facilement démontables comme pour les peuples nomades, traversées de lumière
répondent aux icônes enduites de feuilles d’or aux niches pourtant vides qui aimeraient capter la lumière de l’esprit.
Le Tsimtsoum, contraction, survenant quand Dieu se retire avant la création du monde, d’après la cabale, témoigne d’une œuvre documentée dans sa quête de spiritualité.
 « L’artiste chemine mais ne sait pas où il va » Soulages.
Dezeuze a  voyagé, a suivi des labyrinthes, a zigzagué, s’est trouvé aux bifurcations :
« L’art n’est plus cette thérapeutique appliquée sous forme de sédatif opiacé à une humanité jugée fragile et maladive mais un ensemble de questions formulées AVEC le regardeur, enfin envisagé comme un être adulte, sain et actif »

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