La déception est d’autant plus forte que j’avais été
enthousiaste lors de spectacles précédents du directeur du Centre
chorégraphique national de Grenoble
Avant le lever de
rideau, une femme vient exprimer tout le plaisir qu’elle a de nous retrouver.
Fausse ingénuité et procédé de patronage quand elle demande ensuite la lumière
sur elle, après nous avoir dit qu’elle portait le pantalon de son papa et
qu’elle venait de trouver du sable au fond de ses poches. J’ai été achevé par
le chant final, qui se termina par un « Prenez soin de vous » après un
prêchi prêcha sinistre et ridicule. C’est sûr que je n’allais pas aimer : « Et nos écoles ressemblent à des
prisons » même si à côté « nos
prisons ressemblent à des centres commerciaux » parait moins
conventionnel, mais il convenait de dénoncer une nation « nourrie au sang d’ange » où « la violence apporte davantage de violences ». Ah bon ?
Pendant la moitié du spectacle de 45 minutes sont présentées
de courtes scénettes sur un plateau tournant derrière un fauteuil roulant
chromé que je prendrais comme une métaphore de ce spectacle où 16 interprètes
dansent très peu, immobiles au départ comme des santons contemporains gris et
noirs puis jetés par la force centrifuge ou plaqués au sol, revenant par un
toboggan. Les rares mouvements permis sont magnifiques, brèves étreintes,
croisements et solidarité, courses, enjambement de ceux qui tombent, mais nous
l’avions déjà vu.
Il pouvait bien y avoir une volonté de tension dans l’attente
d’un déchainement d’énergie tel l’ouragan (Hurricane) promis, en fait ce fut
essentiellement du vent et des feuilles mortes, les mots qui l’accompagnent.
Comme me
revenait l’expression de Châteaubriant « Levez-vous vite, orages
désirés », je suis allé voir autour de l'expression quelques phrases qui ne manquent pas
de fulgurances romantiques:
« L’automne
me surprit au milieu de ces incertitudes : j’entrai avec ravissement dans
les mois des tempêtes. Tantôt j’aurais voulu être un de ces guerriers errant au
milieu des vents, des nuages et des fantômes, tantôt j’enviais jusqu’au sort du
pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l’humble feu de broussailles qu’il
avait allumé au coin d’un bois. J’écoutais ses chants mélancoliques, qui me
rappelaient que dans tout pays le chant naturel de l’homme est triste, lors
même qu’il exprime le bonheur. Notre cœur est un instrument incomplet, une lyre
où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la
joie sur le ton consacré aux soupirs. »
"Prêchi-prêcha ridicule et sinistre".
RépondreSupprimerBien dit. Amen.
Pour moi, ça fait bien trop longtemps que le prêchi-prêcha ridicule et sinistre dure. Il avait commencé avant l'affaire de santé, d'ailleurs.
Merci pour la citation de Chateaubriand. Je comprends ses déchirements qui sont aussi... les miens, si je puis dire, de l'autre côté de la barrière.
Ce que je comprends peut-être un peu moins, c'est la dictature de devoir retrouver le "naturel", prêché comme étant forcément le meilleur.
Tout ça me semble vieux, usé jusqu'à la corde : je m'impatiente en remarquant qu'il devient impossible de trouver des fils de tricot avec le minimum de synthétique nécessaire pour rendre le fil plus durable, et de meilleure tenue pour le tricot.
Décidément, l'Homme est un animal fou, et amoureux de sa folie !