A l’heure où le white se fait « mater » par le black,
l’injonction : « speak white » à destination des québécois qui
devaient impérativement parler la langue du colon, n’est même plus nécessaire,
l’anglais est devenu hégémonique.
L'anglais intégral s'installe dans les conseils d’administration,
« globisch » passe partout, « anglobal » , « anglolaid » : « maisoning »
et « France bashing ». On ne
court plus on « run », « fooding » se substitue à
« cuisine »,
« Il y aurait
aujourd’hui, plus de mots anglais sur les murs de Paris que de mots allemands
sous l’Occupation. » Michel Serres.
J’avais oublié la signification de « chiac » pourtant appris avec Lisa Leblanc
« une des
variétés du français acadien, qui comporte une part plus ou
moins importante de mots empruntés à l'anglais»
Exemple :« Ça t'tente tu
d'aller watcher un movie? » (Est-ce que ça te tente d'aller voir un film?)
Ce mot qui claque, figure parmi quelques termes qui m’ont
paru énigmatiques et rendent ces 42 pages parfois difficiles à lire, alors que
l’interrogation figurant sur la couverture « pourquoi renoncer au bonheur de parler
français ? » laissait entrevoir du plaisir, d’autant plus que
l’auteur est un poète, spécialiste de Rimbaud.
L’avenir se révèle plutôt sombre pour notre langue, « la
plus littéraire du monde », car il n’est pas question que de lexique, même
si l’examen de la différence entre les deux premières personnes,« I » et « je » recèle
des trésors de finesse, c’est une vision du monde qui est en jeu.
Pour donner une idée de la richesse de cet essai dans la
collection « tract » de chez Gallimard, j’extrais un passage de
circonstance qui peut sembler cependant anecdotique dans un ensemble charpenté.
« L’écriture
dite inclusive, ignorante de la langue française, laide, sourde, simpliste,
moraliste et d’ailleurs illisible, appropriée à des relations en chien de
faïence, constitue un signe manifeste de l’auto colonisation américaine,
séparatiste et communautariste, opposée à la coprésence esthétisée de cette
idéalisation en langue française. Ainsi sans la brumisation du e muet, la
féminisation « genrée » s’active dans le même sens que l’écriture
dite inclusive, dont on s’aveugle à ne pas voir qu’elle est exclusive :
soumise aux représentations américaines, elles en propagent les pratiques,
political correctness, sexual harrassment, juridisme… »