Le rappel de la biographie du réalisateur Ed Harris, dont la
ressemblance avec le peintre n’est pas que physique, souligne son implication
dans un projet mené sur dix ans. L’acteur a réalisé le western « Appaloosa» et joué dans 80 films et
une quinzaine de séries.
Bien des aspects de la vie des deux créateurs
entraient en écho, leur timidité ou l’importance de Lee Krasner la femme du peintre pour sa carrière à l’instar d’Amy Marie
Madigan la femme du cinéaste qui interprète le rôle de Peggy Guggenheim.
Depuis l’image initiale où une admiratrice fait signer à la
star de l’abstraction lyrique un article de Life en 1949 (tiré à 5 millions
d’exemplaires) : « Pollock est-il le plus grand peintre vivant ? », le
plan suivant ramènera les spectateurs une petite dizaine d’années en
arrière pendant laquelle il se révèlera.
Son passage du Wyoming natal (1912) à
New York et sa
formation chez Thomas Hart Benton (« La tempête de grêle »)
à la suite de ses frères sont rapidement évoqués. La
famille est présente, et sitôt passées
les images de la notoriété, un flash back montre les deux frères ivres
préoccupés de musique et Jackson insultant Picasso, le maître de tous, qui a tellement
inventé qu’il devenait difficile d’inventer autre chose.
A son tour, il a « dégelé la peinture » selon
les mots de son ami et rival Willem de Kooning (« Two Women in
the Country »).
L’homme au caractère tourmenté, à la vie
mouvementée, était suivi par un analyste disciple de Jung, le révélateur de
l’inconscient collectif. J. Pollock a effectivement exprimé son époque,
influencé par la peinture mexicaine et la technique des amérindiens Navajos lorsqu’ils
dessinent par terre.
Mis en abyme, le tournage d’un film par Hans Namuth est
un moment important. Cette œuvre a pris sa part dans la définition de l’ « action
painting » où le fait de peindre est plus signifiant que le tableau
lui-même.
Le film de Clouzot, « Le mystère
Picasso » viendra 5 ans après.
Le problème de l’alcool traverse la brève vie du
personnage auto destructeur mort au volant en 1956 comme James Dean en 1955. Ce
thème est développé comme celui de l’apport tellement décisif de sa femme Lee Krasner. Elle le demande en mariage au
moment où il est au plus bas, croit en lui, l’incite à peindre,
et l’introduit
dans le milieu de l’art où règne Peggy Guggenheim.
Elle va reprendre le fil sa carrière après la disparition de son mari qui avait
entrainé dans sa mort une amie de sa maîtresse d’alors.
Le critique Clement Greenberg, bien qu’il se soit montré
sans concession, valorisa très tôt l’énergie, l’originalité, la fluidité de
Pollock se distinguant des cubistes et autres surréalistes. « Là je vis des
tableaux abstraits qui étaient picturaux ».
Avant de peindre « Mural » commandé par Peggy
Guggenheim, il a passé des mois devant la toile blanche de 6 mètres de long : « Une cavalcade de tous les animaux de
l’ouest Américain, vaches et chevaux, antilopes et bisons. Tous chargent sur
cette sacrée surface. » Il dut casser les murs pour s’attaquer à un
tel format.
Par la suite, il fera éclater les cadres : de la
peinture industrielle s’écoule sur des toiles au sol, « dripping »,
les pinceaux ne touchant pas le motif. Réparties également, « all
over », les couleurs versées depuis le pot même, « pouring » sur
la toile déroulée, débordent.
En ces années de guerre, les poètes, peintres, musiciens,
critiques, professeurs juifs qui ont fui l’Europe ont influencé un terreau
artistique déjà fertile : New York succède à Paris comme capitale des
arts. Cette culture va au delà de la peinture et l’industrie cinématographique
va essaimer dans le monde entier au son du jazz.
L’épicier à qui il a laissé une de ses toiles pour une dette
d’une cinquantaine de dollars a fait une affaire. « Number 19 » a atteint la somme de 58,4 millions de
dollars.
« Un critique a écrit que mes tableaux n'avaient ni commencement ni
fin. Il ne l'entendait pas comme un compliment, or c'en était un. C'était même un
beau compliment. Seulement il ne le savait pas. »