lundi 14 octobre 2019

Alice et le maire. Nicolas Pariser.

Qui n’a pas dit : « Lucchini n’en fait pas trop » ?
C'est effectivement le cas, même si je l’aime quand il en fait trop et en toutes circonstances, comme dans ce film qui évite d’être caricatural au moment où les politiques en prennent injustement plein les dents.
Nous les voyons ici, lucides, énergiques, sans une minute à eux avec une Anaïs Demoustier  qui apporte sa fraîcheur, sa sincérité.
Quand après d’édifiants discours et tant de paroles, des silences surviennent, les solitudes se dissipent un peu dans de furtifs moments de grâce telle la scène où le maire téléphone à point d’heure à sa conseillère, la sort de son sommeil et de son coup de blues.
Tout va vite. Pour qui est familier des débats sur la distance entre parole et action, le recours à la « common decency »  d’Orwell va de soi, de même que tant d’autres écrivains qui se voient cités au générique comme il est fait plus habituellement pour les musiques.
Film littéraire : les cadeaux sont des livres :
« Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de frère, de prochain, d’ami, de société que moi-même. Le plus sociable et le plus aimant des humains en a été proscrit par un accord unanime. Ils ont cherché dans les raffinements de leur haine quel tourment pouvait être le plus cruel à mon âme sensible, et ils ont brisé violemment tous les liens qui m’attachaient à eux. J’aurais aimé les hommes en dépit d’eux-mêmes.» Rousseau
et Bartleby de Melville, celui de « je préférerais ne pas » dégageant en touche, en guise de conclusion.
Les préoccupations écologiques sont évoquées et si la présence de la ville de Lyon est plaisante pour qui reconnaît les lieux, elle est également puissante, si bien que le vrai maire n’a pas de souci à se faire pour son image : le dynamisme, le dévouement des équipes autour du personnage de Lucchini présentent positivement, à mes yeux, ceux qui travaillent au bien commun. Les staffs de communicants sont égratignés mais sans démagogie, comme sont évoqués sans s’y attarder les frottements d’égo, les embardées quand se cherchent des idées.

1 commentaire:

  1. Un côté méchant et jubilatoire à ce film, où j'ai beaucoup ri.
    En le regardant, je perçois à quel point pèsent Montaigne, Molière sur la chose.. publique en France.
    Impossible de regarder la chose publique dans ce film sans penser à Molière, et ses portraits féroces de la société qui n'ont pas pris une ride.
    Oui, c'est un film littéraire qui montre la continuité dans la chose publique en France, même après l'enterrement de la monarchie "absolue". Cela pourrait nous interroger un peu plus que ça nous interroge, je trouve. Il y a un vrai énigme, là.
    Curieusement, je vois certaines ressemblances entre le parcours de ce maire, revenu de sa foi dans la religion socialiste pour se ressourcer dans la littérature, et le parcours de Bernard Maris, si mélancolique suite à son réveil de la religion.. marxiste pour trouver Houellebecq (!!! personnellement je préfère les plus grands maintenant. Je préfère... le vintage.). (Certes, je n'ai jamais pleinement donné ma foi aux religions sécularisées, donc, de ce côté là, je n'ai pas du me "réveiller", mais... les occasions ne manquent pas pour se dire qu'on s'est fourvoyé quand on vieillit.)
    Pour info, le dernier discours du maire s'inspire largement de Christopher Lasch dans "La Culture du Narcissisme", selon le générique. Un auteur que je recommande particulièrement. J'ai ri méchamment là, aussi, car Christopher Lasch est très décapant. Là où il est passé, l'édifice socialiste ne tient pas debout, et s'imaginer que les partis politiques de gauche puissent... récupérer cette pensée traduit un cynisme sans fond. Mais je peux me tromper là, car Lasch lui-même s'est toujours posé en fervent défenseur... de la démocratie, alors... va savoir.
    Puis, la musique était très originale, et belle, de surcroît. Je crois que je vais y retourner.

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