Depuis que la réalité est « augmentée », le mot
« immersion » dans les expos et au-delà, qui devrait nous engager corps et âme, devient
tendance alors que nos froids écrans sur lesquels nous ne faisons que lever le petit doigt,
sont devenus le lieu central de nos performances sportives, et de nos
réchauffements narcissiques.
Pour ce qui est de nos émotions artistiques, depuis que les
lumières de Van Gogh ont été projetées dans les Carrières des Baux de Provence
nous sommes invités à envisager les œuvres dans des dimensions inédites. Nous
pouvons marcher dans « La nuit étoilée ».
J’ai emmené mes deux petits enfants de 6 et 8 ans à la
Sucrière à Lyon où s’ « Imagine Picasso » en « Images
Totales ».
Sous des musiques bien choisies, l’immense salle traversée
d’écrans triangulaires, s’illumine du sol au plafond des couleurs et des motifs
tellement riches du catalan. Effets garantis qui font dire à l’une des
nombreuses spectatrices :
« Faudra qu’on
amène Béatrice, elle qui n’aime pas les musées ! »
L’envie première des petits est de danser. Le champ des
reconnaissances est ouvert, même si le grossissement des touches colorées et des
textures ne valent pas le contact avec les originaux.
Mais l’esprit d’enfance de celui qui disait : « il m'a fallu toute une vie pour
apprendre à dessiner comme un enfant. » est bien là, même s’il n’était
pas destiné à faire tapisserie.
A l’exposition Picasso de Grenoble, à la suite de nos
guides, nous avions pu expliquer à nos descendants quelques intentions de
l’auteur de Guernica plus facilement; ils étaient cadrés.
La diversité des formes d’approche de l’art est une richesse
qu’aucun puriste ou marchand n’aboliront.
De la boule à facettes aux usines
vides,
il est question aussi de démarches immersives à la biennale d’art
contemporain de Lyon où je m’étonne d’entendre une animatrice parler de
« fondation » ou d’ « ingénieur » à des gônes de
maternelle.
Si la profession de médiateur est devenue consubstantielle à
l’absconnerie de présentations artistiques contemporaines, quelques-uns ne
facilitent pas la tache, alors que tant d’œuvres sont parfois accessibles surtout
dans le premier âge.
Pour les assemblages poétiques de
Théo Massoullier au IAC (Institut
d’art contemporain) de Villeurbanne pas besoin de longs discours, ses drôles
d’insectes plaisent à tous.
Hormis les sculptures à visée anti-spéciste, qui ne valent pas le
détour par le MAC (Musée d’art Contemporain), cette 15 ° édition de la biennale
nous a plu.
Le titre « là où les eaux se mêlent » n’a pas, non
plus, besoin de se référer à Carver quand La Saône et le Rhône se rencontrent
dans les parages.
A l’usine Fagor des danseuses sans visage ou des
robes de fillettes tombant depuis le haut plafond telles des coroles peuvent
ravir celles qui aiment faire tourner leurs jupettes aussi bien que ceux qui y
verront des fantômes comme le souhaite l’auteur
Fernando Palma Rodríguez, voire
des méduses.
Nous n’avons pas été découragés par les commentaires souvent
prétentieux ou obscurs, énumérant les diplômes des 55 artistes invités, alors
que depuis l’ « Ecole des fans » on sait bien que les notes ne valent
plus rien.
Des tentures teintes occupant tout un plafond nous
rappellent la lumière. En les trouvant jolies nous voilà ramenés à des critères esthétiques que
les commissaires, on dit comme ça des organisateurs d’expos, essayent
d’éradiquer.
Est-il plus décent de sourire aux allumettes géantes
augmentées d’ailes d’oiseaux, ou d’une moto qui laisse sa trace dans le sable
comme l’aurait fait Picasso sur une nappe de restaurant ?
Il est vrai, qu’il s’est
retrouvé un jour, dans la team Citroën.
Des artistes, adossés à des lieux forts, se contentent de
déverser du sable dans une salle adjacente au hall de l’ancienne usine de
machines à laver où des propositions se perdent sous les très vastes plafonds,
il faut bien un tunnelier ou une fausse montgolfière pour
faire la maille.
Prométhée est mal en point au milieu de tubes et flacons.
Comme les grafs et graffitis sont partout, dedans comme dehors,
nous ne les voyons plus.