Fabrice Conan, devant les amis du musée de Grenoble,
bouclait un cycle de trois conférences consacrées aux portraits
« La passion du paraître, de vie à
trépas » au moment où dans la cathédrale Notre Dame toute proche, un
hommage était rendu à Serge Kampf, mécène du rugby et patron de Capgemini.
En écho à la présentation au château de Versailles des rituels
funéraires pour le tricentenaire de la mort de Louis XIV, il s’agissait de
saisir quelles furent les images destinées à être gravées pour l’éternité.
Deux obélisques
en bois peint imitant les marbres, plaqués de crânes en papier mâché, inspirées
par l’Italie, figuraient à l’entrée de
cette exposition, elles auraient pu être édifiées par les ateliers des
Menus plaisirs d’alors qui confectionnaient habituellement les décors des
opéras et des ballets pour la cour. L’apparat, les symboles ont repris vigueur au XVII° siècle, à
l’époque du baroque où le grand bonheur est à la mesure des grandes tristesses.
Jusqu’au dernier moment le roi atteint de la goutte, conduisit
son chariot, ainsi lors d’une « Promenade dans les jardins du Trianon »
le 11 août 1815.
Il a alors 77 ans, un âge allant bien au-delà de la moyenne
du commun des mortels, mais pas si exceptionnel parmi les privilégiés.
Son
« Portrait
en cire » que réalisa
Antoine
Benoist dix ans auparavant, laisse
deviner un corps résistant aux assauts des médecins mais pas à celui des
dentistes qui ont creusé des trous dans le royal palais à l’hygiène dentaire
compromise par l’abus de meringues.
Son testament, dont la rédaction a été encouragée par madame
de Maintenon, ne sera pas plus respecté que celui de son père Louis XIII, cassé
par le parlement.
Parmi ses dernières apparitions : « Le roi reçoit l'ambassadeur de Perse », un imposteur, en présence de l’arrière petit fils qui apprend
le métier.
Lorsque Louis XIV invite sur son lit de mort, le dernier
espoir de la dynastie, il lui montre son attachement en lui disant « Mon
mignon » et se repent « de ne pas avoir apporté la paix à son peuple »
d’après Saint Simon. Les témoignages du grand écrivain sont à prendre avec
prudence, lui qui avait renoncé aux champs de batailles malgré la réprobation
du Roi.
Atteint de la gangrène, Louis « Le Grand » refuse
l’amputation, et organise sa sortie, recevant les corps constitués, ses
serviteurs, les princesses :
« Vous m’avez
donc cru immortel ? »
« Je pars, mais
l’état demeure » en contradiction avec le fameux : « L’état c’est moi ».
Le 1er septembre 1715, le souverain meurt à « huit
heures et quart et demie » (8h 23).
Aussitôt se met en place le cérémonial.
Le cadavre royal, subit une tripartition : les entrailles
destinées à Notre Dame, et le cœur sont mis à part du reste du corps embaumé
avant que celui-ci ne soit exposé dans la chambre de Mercure à Versailles.
La nécessité de garder un corps présentable avant l‘inhumation
a été plus facile à respecter que pour Saint Louis. Il avait fallu faire
bouillir les chairs de Louis IX et les laisser à Palerme : les os arrivant
jusqu’à Saint Denis, nécropole des rois
de France.
Le Roi Soleil va rejoindre ses prédécesseurs, en une nuit, à
la lumière de 800 flambeaux, suivi par un cortège comptant 2500 personnes. Tel « Le
convoi funèbre de la reine Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV,
arrivant en vue de Saint-Denis, le 10 août 1683»,
L’iconographie est absente au moment de la disparition, et
les rites de présentation qui duraient huit jours ont varié depuis Henri IV.
Bien que les cérémonies soient grandioses, il
n’y aura pas de statue de gisant. Soixante-douze prêtres célèbrent des messes
en continu et seulement les plus hautes personnalités ont le droit de
s’agenouiller. Lors de la période de grand deuil qui ira en s’atténuant en
demi-deuil, les civils de la cour portent de grands manteaux à la façon des
moines. La période d’affliction doit durer un an et deux mois ; les
miroirs, les tableaux sont recouverts de tissus noirs. Mais le pouvoir n’est
pas vacant, les conseils se réunissent. Le grand Chambellan change la couleur
des plumes de son chapeau, du noir au blanc, pour annoncer « Vive le
roi » après avoir proclamé : « Le roi est mort ».
Dans les variations de couleurs : « Louis XIII en costume de deuil » est vêtu de pourpre :
sa personne s’efface devant la représentation.
« Marie Stuart »
avait été une des dernières à porter le deuil en blanc, Anne de
Bretagne aurait été la première reine à le porter
en noir.
Quant à la
« Duchesse de Nemours »,
elle profite de cette période pour n’accepter aucune demande en mariage.
La grande cérémonie des obsèques ne se tient que le 23
octobre dans la basilique drapée de noir où des milliers de cierges éclairent
le catafalque et l’autel. Sous un dais gigantesque la couronne, le sceptre et
la main de justice reposent sur le cercueil. La Justice et la Force pleurent et
des squelettes soutiennent une couronne.
Honoré de Quiqueran
de Beaujeu prononce l’oraison funèbre du « très haut et très auguste
prince Louis XIV », mais c’est de Jean-Baptiste Massillon à la Sainte
Chapelle que l’histoire retient :
Des messes sont dites dans tout le
royaume et jusqu’à Mexico.
« Dieu, seul est grand, mes
frères »
Celui-ci avait, dans d’autres prêches, rejoint l’opinion
d’un certain Vauban, me rappelait ma référente en histoire, ou les écrits de
Boileau :
« On voit certains
animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs,
livides et tout brûlés par le soleil, attachés à la terre qu’ils fouillent avec
une opiniâtreté invincible; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se
lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet, ils sont
des hommes ; ils se retirent la nuit dans des tanières où ils vivent de pain
noir, d'eau et de racines ; ils épargnent aux autres hommes la peine de semer,
de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de
ce pain qu'ils ont semé. »
À la révolution, en 1793, à Saint Denis, les caveaux des
rois sont ouverts et leurs restes dispersés. Une plaque du cercueil de Louis
XIV sera utilisée pour son cuivre sous forme de casserole.
Des aspects des rituels monarchiques ont subsisté : le
tableau représentant
« Les Funérailles de Sadi Carnot » en 1874 au
Panthéon, est tellement gigantesque qu’il n’a jamais été exposé.