L’amie qui m’avait prêté le livre écrit par le directeur de
Médiapart avait souligné la moitié des 175 pages, tant les paroles sont fortes
rappelant en ces temps accablés quelques fondamentaux.
J’avais tardé à me plonger dans les mots de celui qui a créé
le phénomène politique le plus novateur de ces dernières années, redressant la
bannière d’un journalisme flapi et soumis aux airs du temps. Je craignais la
rigidité de l’imprécateur dont le titre de cet essai annonçait un positionnement
toujours contredisant, chicanant , négatif qui a tendance à lasser à mon âge.
Il n’en est rien, le propos chaleureux se place dans la
trajectoire d’un père « breton d’outre-mer » qui fut engagé. Cette
fidélité à des valeurs impressionne lorsque quelques paresseux accommodements
reviennent nous déranger.
Prophétique en 83, il écrivait : « …que révèle M. Le Pen de l’état de la France, de l’ampleur de sa
crise, du délitement de son corps social ? » Nous n’avons pas
avancé.
Il revient sur à la triade issue de lumières : « liberté,
égalité, fraternité », à laquelle s’opposent « hiérarchie, égoïsme et
force », les marqueurs de ceux qui entendent déterminer et immobiliser les
femmes et les hommes, les asservir sous la fatalité.
Ses références à Gramsci, Jaurès, Glissant… ne sont pas des
postures, mais au service d’une pensée cohérente, où la critique des
institutions de la V°
république ne touchent pas à la forme mais à l’origine de toutes les dérives de
tous les archaïsmes de notre vie politique.
Il cite Paul Alliès jugeant la Ve République anachronique, exotique et
adémocratique.
« Anachronique,
elle l’est de par les conditions de sa naissance, quand la France était encore
un empire colonial et méconnaissait la communauté européenne. Elle a
conservé la nécessité d’un homme fort à sa tête, reproduisant les traits du
bonapartisme dans l’effondrement d’un régime d’assemblée. Et elle est
aujourd’hui en complète rupture avec la société de la connaissance, de
l’horizontalité des réseaux sociaux, de l’interactivité des groupes et des
individus ; si bien que la figure du président devient improbable que ce soit
dans son hystérisation ou sa banalisation. Exotique, elle l’est tout autant
puisque la France
est le seul régime en Europe à pratiquer un tel présidentialisme où «l’absence
de morale, le climat de complaisance ou de complicité, de résignation est
au principe de ce régime où les institutions sont confisquées par un
souverain unipersonnel et sa bureaucratie» (Pierre Mendès France, 1974).
Adémocratique elle le
reste tellement elle repose sur l’irresponsabilité générale, politique et
pénale d’un chef de l’Etat qui gouverne sans avoir à rendre des comptes et
qui contamine ainsi tous les niveaux jusqu’à la périphérie, celle des exécutifs
locaux.
Son développement concernant le passé colonial de la France, ne revient pas sur
l’excuse trop facile du mal développement des anciens pays asservis, mais ce
qu’il induit de notre rapport au monde et il rappelle :
« Je dis souvent
que notre France est d'origine étrangère... Je m'explique ! Savez-vous qu'au 31 juillet 1943,
sur l'ensemble des Forces Françaises Libres - je parle donc de la deuxième
guerre - on comptait 66% de soldats coloniaux, 16% de légionnaires - la plupart
étrangers - et seulement 18% de Français de souche ? (selon les termes de
l'époque qui font hélas retour !). »
………….
Dans le Canard de cette semaine : « L’assemblée
a voté en doute confiance » ce dessin :