lundi 14 mai 2012

Bi, Dang So. (Sois fort). Phon Dang Di

Un spectateur de ce deuxième film Vietnamien présent à Cannes après « L’odeur de la papaye verte » parlait à la fois de pudeur et d’impudeur de cette production qui va fouiller sous les lits, dans les pots de chambre, avec des protagonistes qui s’enferment dans leurs secrets, leurs solitudes.
Pourquoi le fils refuse de voir son père revenu vivre ses derniers jours dans la maison de la belle fille qui va se consacrer à lui ?
La tante échappe au célibat mais les perspectives de vie heureuse ne sont pas évidentes.
L’enfant, pourrait apporter un peu de fantaisie dans cet univers moite, mais le jeu du jeune acteur un peu cabotin émousse ce regard.
 Le thème de la glace constitue un truc narratif qui appelle forcément la boutade : "le spectateur reste de glace", même quand il est fait un usage inédit d’un glaçon.
Malgré la beauté des femmes, ce film ne laisse pas de trace sympathique pourtant l’on ne s’ennuie pas mais je m’en veux de ne pas sortir du préjugé de l’impassibilité des hommes de là bas.

dimanche 13 mai 2012

Exposition universelle. Rachid Ouramdane.

Cette soirée se rapproche d’installations d’art contemporain, aussi un document d’accompagnement peut être utile afin de saisir les intentions du danseur soliste et de son musicien.
Ils « passent en revue les attitudes physiques dictées par les régimes politiques ainsi que par la société de consommation et son cortège d’icônes ».
Utile ne serait ce que pour comprendre le titre.
Ne comptez pas vous amuser à reconnaître quelque clin d’œil ; le propos est austère, le décor minimaliste. Si la danse c’est du mouvement et du rythme, petit bonhomme noirci au graphite est bien dérisoire malgré son application entre un métronome qui scande le temps et un projecteur qui tourne au bout d’un balancier. Il va bien enlever un peu de ce maquillage tenace et des gros plans de son visage vont apparaitre en fond de scène, il va cracher du rouge, changer de chaussures pour un usage des claquettes à peine amorcé, mais nous n'entrons pas dans la danse.
Au cours de la discussion qui a suivi, il serait trop facile de relever seulement « la métabolisation du noise » par le cuistre de service, mais je n’ai pas avancé dans ma compréhension puisqu’il m’a semblé pendant une heure que l’intellect était plus sollicité que l’ émotion.
Les artistes sont sympathiques et leurs démarches bien explicitées, leur spectacle ne m’a pas ennuyé mais je suis resté au bord.
Au début de la représentation parmi des saluts à l’esthétique de sinistre mémoire, je n’ai pu empêcher le surgissement devant mes yeux du geste de Bréivik, le monstre norvégien. Il n’avait pas la main tendue des fascistes qui l’ont inspiré mais au bout de son bras incliné, un poing qui était l’apanage me semblait-il du camp opposé. Je me suis souvenu aussi d’une photographie de « ça m’intéresse, histoire » où parmi la forêt de bras tendus, un seul homme croise les siens : héroïque. De la taille du porteur de sacs plastiques face aux tanks de Tienanmen.

samedi 12 mai 2012

Un mal sans remède. Antonio Caballero.

Ma femme qui adore les sagas, les péplums, la foisonnante littérature Sud Américaine n’avait pas hésité devant les 670 pages, elle aime aussi les pavés. Mais elle avait abandonné ce livre tout en me le recommandant, moi qui apprécie les écritures qui se cherchent, introspectives, dépressives et brèves. Appâté par un tel titre, j’ai été happé.
Jusqu’où pourrait aller mon antipathie pour le personnage principal indifférent même à lui-même ?
Il voue la plus complète des indifférences, la plus éhontée goujaterie, à sa mère, à ses compagnes, à ses connaissances. Sa seule activité est de chercher des mots pour former de la poésie, et cette recherche d’absolu, dérisoire, déchirante, au prix d’une vie vide, m’a bouleversé.
« Quelle merde la poésie. Il ramassa sur le plancher la dentelle légère du soutien-gorge abandonné. Et complètement ivre, enclin aux larmes, perdu dans un sentiment d’autocritique, il pleura en reniflant le soutien-gorge qui, pour parler franchement, ne sentait rien. » 
Il traverse la ville de Bogota, depuis les lieux sordides et pathétiques du pouvoir dans leur violence la plus crue, jusqu’aux canapés de révolutionnaires dans leur confort le plus ridicule, en de lieux les plus glauques, depuis un appartement désert où il n’a plus qu’un demi crayon pour écrire au dos des pages d’un livre de compte.
Le portrait de la Colombie est épique et le climat chaud et humide.
« Un serveur avec de grandes auréoles de sueur sous le bras l’obligea à commander un rosé très pâle, aigre, qui lui donna la nausée et était hors de prix. Il y avait du monde. Il vit des gens faire de grands gestes, il entendit de cris. Il régla une addition énorme. A la sortie, un vendeur de billets de loterie boiteux et manchot voulut le forcer à lui en acheter un en lui garantissant sa chance. Il hésita. Sut résister. »

vendredi 11 mai 2012

Quel avenir pour nos montagnes ?

Cet automne, parmi les spectateurs d’un débat au forum de Libération qui semblait destiné principalement aux régionaux de l’étape, j’entendais des amoureux des grands espaces regretter que leurs ados s’adonnent plus à leur ordinateur qu’au ski et faire part des difficultés croissantes pour amener des classes à la neige sur les pentes.
Ils ont entendu le reflet de leurs préoccupations chez les intervenants, Fredi Meignan , gardien de refuge, Président de Mountain Wilderness, et une élue d’Europe écologie Claude Coignet qui tient un blog intitulé « l’ingénue des alpages » plus que chez un représentant de Quechua qui reprend les mots à la mode pour agrémenter quelque dépliant publicitaire consacré à une nouvelle paire de brodequins.
L’éventail était ouvert, représentatif des contradictions entre une époque où le béton a crû sans frein sur la roche et la nôtre plus critique d’un développement à coup de canons, à neige. La conscience du réchauffement de la planète est passée par là et la mono manie autour du ski commence à être remise en question.
Ce type de loisir ne concerne qu’une frange restreinte de la population et les ambitions  anciennes d’initier un maximum d’enfants à la découverte du milieu montagnard se heurtent à des restrictions toujours plus nombreuses. Les emplois du tourisme représentent 4% de l’emploi total de la région Rhône Alpes, hors intermittents. Les interventions développaient les termes de « L’appel de nos montagnes » qui a reçu plus de 5000 signatures :
"Qu’on y vive, qu’on en vive, qu’on s’y ressource, la montagne nous offre l’expérience de la beauté des paysages, de la nature et du partage. Cette expérience n’est possible que grâce à un équilibre entre l’homme et la montagne. Conscients de la fragilité de cet équilibre nous nous sentons le devoir de lancer un appel pour nos montagnes." 
Il y a bien sûr le pinailleur de service pour trouver abusif l’adjectif possessif dans l’intitulé mais c’est bien de réappropriation citoyenne dont il s’agit.
Nos horizons vont bien sûr au-delà des crêtes et l’arc alpin est la plus intangible des institutions européennes. Des modalités pour rectifier les abus du passé se sont mises en place avec des intercommunalités qui associent la vallée et les stations et pourront gagner en cohérence. Mais les pistes pour aller vers de nouvelles gouvernances sont escarpées, la diversification touristique peut amener à des aberrations avec des centres aqualudiques qui se multiplient pour installer encore des lits (leur nombre dans la Tarentaise est supérieur au nombre de lits touristiques du Maroc et de la Tunisie) :
« Imaginez-vous nageant dans une eau à température idéale face à de grandes baies vitrées avec vue imprenable sur les sommets »
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Dans le Canard de cette semaine:

jeudi 10 mai 2012

Die Brücke à Berlin. (1911-1914)

Conférence de Daniel Soulier pour les amis du musée de Grenoble.
Fondé en 1905 à Dresde, en pays saxon, par des artistes nourris d’arts africain et océanien, le mouvement « Die Brücke » constitue l’avant-garde des expressionnistes.
Dans Dresde, la « Florence sur Elbe », les impressionnistes et les fauves français, scandinaves sont bienvenus. Munch débute là bas une carrière qui se développera à Berlin.
A Berlin, en pays prussien, Guillaume 2 a concentré les pouvoirs industriels et bancaires, il intervient également à sa manière cavalière dans le domaine artistique.
Des musées, des galeries naissent dans une ville de 2 millions d’habitants, dix fois plus étendue que Paris.
Moins ouverte au monde que la capitale anglaise, moins splendide que Paris, sans la profondeur historique de Rome, Berlin devient une capitale de la modernité. Cézanne et Degas sont installés dans sa galerie nationale, 15 ans avant le Louvre. Des scandales, inhérents à toute innovation esthétique, éclatent.
Une « sécession berlinoise » se créée avec Max Liebermann qui vivra à son tour une scission. Le pape impressionniste est devenu institutionnel, avec 6000 peintures dont 140 autoportraits :
« Quelqu'un qui a fait l'expérience, dans sa jeunesse, du rejet de l’impressionnisme se gardera bien de condamner un mouvement qu'il ne comprend pas ou ne comprend plus, notamment en tant que directeur de l'Académie, qui, aussi conservatrice soit-elle, se figerait totalement si elle désapprouvait systématiquement la jeunesse. »
Ses compatriotes :
Franz Skarbina, peintre de la ville en dehors de la monumentalité impériale, celle de la nuit, de la pluie, saisit la lumière et des silhouettes passagères sous les becs de gaz.
Hans Baluschek, intensifie le côté dramatique d’une agglomération de 4 millions d’habitants dont quelques prolétaires.
Lesser Ury, immobilise avec des touches dorées les reflets des taxis, des sorties de métro.
C’est dans ce paysage brillant qu’arrivent Kirchner et sa bande.
Max Pechstein le mélancolique choisit en cette période, plutôt les lumières pâles de l’hiver, les étendues d’eau et de sable du Brandebourg.
Le leader, Ernst Kirchner peint les rues, les places et la vie nocturne, ses rythmes ; à la campagne où le groupe se retrouve encore, des nus et des lignes. Jugé comme peintre dégénéré par les nazis, il se suicide en 1938.
Dégénéré lui aussi, Schmidt-Rottluff s’approche des cubistes par sa géométrisation des formes, ses angles. Au cœur du trafic berlinois, la Potsdamer Platz que beaucoup d’entre eux ont saisie, connaitra le premier feu rouge du continent.

mardi 8 mai 2012

Gaza 1956, en marge de l’histoire. Joe Sacco.

Bien plus qu’une bande dessinée, un ouvrage historique avec lequel nous suivons la démarche du chercheur autour d’un massacre de palestiniens en 1956, volontairement caché, oublié. Avec ce que peut apporter la BD comme recul, et confort de lecture.
Il s'agit de deux opérations israéliennes à Rafah et KhanYounis sur la population civile de deux camps de réfugiés.
Encore une chronique sur un massacre de plus !
La démarche de celui qui tente de recueillir des témoignages parait dérisoire y compris à ceux qui souffrent aujourd’hui : quelques gouttes examinées minutieusement dans un fleuve de sang et de larmes loin d’être tari.  
“Ici, c’est tous les jours 1956 "dit le fils d’un survivant de Rafah et l’on comprend pourquoi " la haine a été plantée dans les cœurs ".
Cette œuvre relie des épisodes historiques à une actualité répétitive où les oiseaux qui ont élu domicile dans les trous d’obus arrivent encore à susciter l’humour des gazaouis.
Honoré de plusieurs prix, ce livre a demandé un travail impressionnant, le rendu est scrupuleux; ce qui est exposé est sans cesse remis en question, sans surenchère, l’horreur se suffit à elle-même.

lundi 7 mai 2012

Les vieux chats. Sebastián Silva Pedro Peirano.

Deux vieux chats sont les maîtres de l’appartement confortable à Santiago du Chili où toute une vie a déposé les souvenirs d’un vieux couple.
Leur fille en ménage avec une autre annonce sa venue avec brutalité et les craintes des parents vont se vérifier : elle vient soutirer encore de l’argent à sa mère et à son beau père, les escroquer.
Mais sa violence est trop forte pour ne pas interroger sur l’amour qui lui a manqué.
Malgré une prise de conscience de la perte de la raison de sa mère, il est trop tard pour établir une relation apaisée.
Film chaleureux où les éclats de rire accompagnent le tragique fatal quand des comptes restent à régler pendant le temps additionnel.
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Le mois de mai est un joli mois.
Ouf !