jeudi 14 avril 2011

Chagall et l’avant-garde russe.

Le peintre aux petits bonhommes naïfs n’était pas « ma came » comme dirait la femme de « Notre Fugace » (appellation Patrick Rambaud).
Dans l’effervescence du début du XX° siècle, parmi d’autres peintres, il est aisé de comprendre que « l’inclassable, l’original n’est pas né nulle part ».
La formule est de Guy Tosatto lors de sa conférence devant les amis du musée en complément à l’exposition de 150 œuvres des années 1908 à 1930 qui ont déjà attiré beaucoup de monde.
Marc, (Moïse) Chagall a adopté la nationalité française quand notre pays était un phare et non la contrée du « Phosphorescent » (appellation Patrick Rambaud) ; il est né en Biélorussie à Vitebsk et les souvenirs de son enfance là bas, où la communauté juive était très importante, vont habiter son œuvre tout du long.
Paul Gauguin le fauve, venu de l'impressionnisme, enrichi par le symbolisme, théorisera le "synthétisme", il permet au jeune russe de penser un monde où se réconcilient le primitif et le moderne.
Les icones, les gravures de la tradition populaire ont nourri la simplicité du conteur qui va au-delà de l’anecdote.
- Le violoniste sur le toit est une âme qui s’élève au dessus de la rue où un homme est mort de froid.
Ce parcours au musée de Grenoble est l’occasion de connaître Larionov et Gontcharova et leurs peintures néo-primitivistes, de voir des Kandinsky originaux avec une série de paysages aux couleurs séduisantes.
- Improvisations III est un témoignage clef du passage à l’abstraction. Les variations du titre en témoignent : « cavalier au dessus d’un pont » puis « tableau avec mur jaune ».
1912 : A l’écoute des autres et de lui-même. C’est le temps de « La Ruche » avec Soutine, Zadkine, Apollinaire, Cendrars... Les formes se distordent, les couleurs s’exaltent. Il a vu des Van Gogh, précurseur de l’expressionisme.
Dans le foisonnement des écoles qui naissent et meurent chaque année, le cubisme est passé à la postérité, retiendrai-je que l’orphisme en fut une branche ainsi que le rayonnisme ?
Le peintre errant en fera sa farine :
« Seul est mien
Le pays qui se trouve dans mon âme.
J’y entre sans passeport
Comme chez moi… »

1914 : il est contraint par la guerre de rester en Russie où il ne faisait que passer
1915 : Croix noire sur fond blanc, de Malevitch, c’est du suprématisme ; Pougny et sa boule blanche dans un tiroir repeint en vert claque comme une œuvre contemporaine, 100 ans après.
- La route vers le marché aux bestiaux mène vers le cosmos et recèle tous les âges de la vie.
- Blanc et doré, « le double portrait au verre de vin » célèbre le bonheur du couple qu’il a formé toute sa vie avec Bella.
Le futurisme saisit la vitesse, le constructivisme débouche sur l’architecture et veut signer l’avènement d’une humanité nouvelle.
Chagall dirigera une école d’art où il introduit Malevitch qui l’évincera. Ses toiles portent la trace de ces querelles avec cet indéfectible goût pour la poésie et l’expression individuelle.
« J’ai apporté mes objets de Russie et Paris leur a donné la lumière »

mercredi 13 avril 2011

Touristes en chine 2007. # J 13. De Xian à Kunming

Ce matin le rendez-vous avec Amandine est à 9h seulement, petit déj’, check out tranquille. Nous enfournons les bagages dans le minibus.
Xian a été capitale impériale pour 12 dynasties pendant 2000 ans :
de 1000 avant J.C à 1000 après.
La grande pagode de l’oie sauvage.
Explications sur le bouddhisme : histoire de Sakyamuni en jade et pierres précieuses. Sakyamuni = Siddhârta et Bodhisattva = anges
Les trois dieux : Fu = bonheur, Lu = réussite professionnelle, Show = longévité.
Près de la pagode en rénovation, des ouvriers travaillent du bois d’acajou pour les poutres du temple en construction. Les menuisiers venus du sud s’activent. Des manœuvres soulèvent de lourds morceaux d’une stèle couchée et cassée. Nous montons dans la pagode (20Y) avec ses 7 étages par des escaliers en bois. Promenade dans le jardin aux arbres vénérables. Des cerfs-volants flottent au-dessus d’une grande esplanade dallée.
La mosquée et le quartier Hui (minorité musulmane). Ce métissage a eu lieu lors du commerce de la soie. Quelques personnes en ont gardé « le long nez » ou des yeux moins bridés.
La religion du père est conservée par ses descendants.
A la descente du bus, nous traversons le souk, ruelle étroite protégée par des avancées de fortune. L’une des plus grandes mosquées de Chine ressemble en de nombreux points aux temples bouddhiques avec ses cours intérieures, son architecture et son minaret central si bas qu’il ressemble à une tour du tambour ou de la cloche. En tant que non-musulman, nous ne pouvons pénétrer dans la salle de prière dans le dernier bâtiment dont les portes ouvertes nous permettent de voir l’intérieur. La mosquée est orientée selon l’axe ouest /est et non sud/nord.Dans les rues, les femmes ont la tête couverte dans un style Bruegel et les hommes portent un petit bonnet. Dans le quartier, nous voyons les boutiques des boulangers, tripiers, des bouchers. L’hygiène n’est pas une préoccupation évidente. Nous débouchons sur une grande avenue mais nous sommes perdus. Nous essayons de nous renseigner en vain. Repas dans un restau de chinese food où une jeune femme propose son aide. Nous revenons au souk pour quelques achats : cage à criquets, cheval de bronze et coussins, sac, papier de riz.
Xian est une ville coquette derrière ses remparts longs de 14 km, les taxis verts et les bus roulent au gaz, les chauffe-eau sont solaires, les immeubles sont construits dans le style chinois. Amandine avec son efficacité s’occupe de notre enregistrement dans un aéroport moderne. Embarquement à 16h15, repas à 17h.
Kunming à 18h40. Nous trouvons notre nouveau guide Yuizou (prononcer Wizo = poisson dans le bateau), jeune homme énergique, un peu rond, maniant volontiers l’humour. Il pleut mais la température est agréable, nous sommes presque à 2000 m d’altitude. L’Hôtel Dragon comporte 4 étoiles avec des employés en uniforme de Spirou à l’entrée. Les chambres sont confortables avec fruits et eau à disposition. Le change s’effectue en 30 s, nous avons accès à nos mails. L’alcool, cadeau de Diane, ne plait à personne, nous prenons du thé à la place et faisons un repas de fruits.

mardi 12 avril 2011

Livret de phamille. JC Menu.

Jean Christophe Menu, n’est pas qu’un théoricien de la BD, il a créé « l’association » une maison d’édition qui propose des bandes dessinées essayant de renouveler le genre.
Cet épais volume aux petites cases regroupe des planches publiées dans divers fanzines, entre 1991 et 94, reliées par la teneur autobiographique des récits. L’auteur n’y est pas forcément à son avantage, mais sa sincérité est émouvante et si parfois sa femme n'est pas commode, c’est qu’elle doit assurer le quotidien et trois grossesses successives avec un mari qui est encore parfois tellement un môme : c’est qu’il est dans la BD, touchant et infernal. Les tensions entre l’intériorité nécessaire à la créativité et les tâches prosaïques est une bonne source d’humour et quand des auteurs se rencontrent avec leur égo bien reluisant, ils peuvent rappeler des situations vécues par chacun et pas forcément dans les salons ou les colloques. Les filles qui grandissent apportent une fraîcheur bienvenue.

lundi 11 avril 2011

Pina 3D. Wim Wenders.

Par la danse, Pina Bausch, nous avait fait approcher de plus près la beauté, le tragique de notre condition humaine, avec intensité.
Wenders nous emmène au cœur des ballets de la dame de Wuppertal.
La 3 D permet des approches inédites et repousse les voilages qui semblent flotter jusque dans la salle, tout près de nous.
Un artiste au service d’une autre artiste : la mission est accomplie qui consiste à mieux révéler le monde en nous faisant partager le langage des corps, la légèreté et la douleur des hommes et des femmes, leurs solitudes, et nous faire sourire de nos impatiences.
J’avais même l’impression que les sons eux-mêmes avaient une autre dimension, avec les souffles si proches, les éléments eau et terre m’éclaboussant.
C’est plus qu’un hommage revisitant plusieurs chefs d’œuvres. Les rapprochements, les ouvertures nouvelles sur des paysages qui en deviennent magnifiques, nous conduisent au-delà de la danse contemporaine. Les beaux visages des danseurs nous livrent un peu du mystère de ce qui constituait le charisme de Pina. La troupe du Tanztheater en cortège vibrant ouvre et clôt le film, je la suivrais volontiers comme un enfant à la suite d’un joueur de flûte.
Bernard Pivot milite « pour l’augmentation du goût de la vie », la maigrichonne y contribue encore.

dimanche 10 avril 2011

Orphée. Hervieu Montalvo.

J’ai oublié le mythe antique du poète qui s’était retourné malgré l’interdiction après avoir récupéré son Eurydice qui séjournait aux enfers suite à la morsure d’un serpent.
C’est que ce qui était présenté par le couple de chorégraphes dans leur dernière collaboration sur le plateau de la MC2, sur fond de quai de Seine, m’a paru tellement plaisant.
Je n’ai pas vu passer l’heure dix, peuplée de chanteurs et de danseurs à l’énergie communicative. Un acrobate sur des échasses fait virevolter des danseuses à pointes, un musicien joue du théorbe, des musiciens sont danseurs et des danseurs chanteurs, les baskets hip hop s’allient aux chanteurs baroques, des trapus soulèvent des beautés élancées, des éléphants s’assoient sur un banc. Des conteurs africains apportent leur fantaisie, une joie de vivre qui va si bien avec une vision paradisiaque en vidéo où des animaux se côtoient tellement pacifiquement que les images de chairs dévorées paraissent comme des taches de couleur. Les musiques sont variées et s’harmonisent dans ce tourbillon réglé au millimètre : la synchronisation des danseurs avec leurs images est époustouflante. Des personnes courent sous leurs parapluies, des citations picturales s’ajoutent au kaléidoscope. Les seize danseurs sont tous excellents. L’humour vient après la gravité, quand un jeune qui a perdu une jambe réalise une performance inoubliable, il nous soulève au-dessus de nos fatigues.

samedi 9 avril 2011

Pierre Sang Papier ou Cendre. Maïssa Bey.

La reprise des mots D’Eluard au dessus d’une vieille photographie de voiliers dans la baie d’Alger laissait prévoir un ouvrage poétique. Il l’est, mais de façon exaltée, éloignant toute de légèreté. C’est vrai que le sujet traité ne manque pas de gravité. Je prends mes précautions car l’auteure est estimable et appréciée par beaucoup notamment par mes jeunes qui me l’avaient recommandée. Cette fresque de 200 pages vite lues couvre la période de l’occupation de l’Algérie par la France de 1830 à 1962. Elle est peinte à grands traits avec les couleurs tranchées de la passion. Un enfant innocent va être le témoin des destructions de madame Lafrance accompagnée de Laloi qui tente de s’imposer par la terreur et le sang.
Pas d’hésitation, les camps sont bien délimités, mais ce manichéisme dessert le rappel utile des méfaits de la colonisation. Tocqueville qui pensait que « la conservation des colonies est nécessaire à la force et à la grandeur de la France » écrit : « Nous avons rendu la société arabe beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle n’était avant de nous connaître. »
Est-ce que le jeune berger de cette fable, tellement clairvoyant, a grandi ?
Ses voisins écrivent des pages nouvelles, que dit-il présentement ?

vendredi 8 avril 2011

Peur des jeunes, peur des pauvres : l‘ordre social contre la république.

Un français sur dix est pauvre :
de 4 à 6 millions selon que le seuil soit à 50% ou 60% du revenu médian à 1700 €.
150 000 jeunes sortent de l’école sans diplôme ni qualification chaque année.
Le taux d’échec à l’université est de 40%.
La société intégrée des trente glorieuses reflétait un certain ordre, il a été cassé.
L’école, la famille, le travail étaient rigides mais rassurants
avec une lutte qui voyait ouvriers et patrons s’affronter
mais renvoyait les immigrés hors du cadre.
Bien que nous ne nous appauvrissions pas, le revenu social se délite
et si la France protège assez bien, elle exclut.
Les catégories sociales qui avaient une certaine mobilité se figent :
les riches au centre de la cité, les pauvres autour et les classes moyennes au-delà.
Les victimes deviennent les boucs émissaires
alors que les mineurs- auteurs de délits mineurs- devraient être protégés, éduqués, comme le souhaitaient les politiques dans des années portant précaires au sortir de la guerre.
La peur était hier un «thème de campagne», elle est devenue aujourd’hui «un flux continu» avec la création d’un «ennemi intérieur».
Les majeurs aggravent les lois alors qu’ils s’exonèrent de celles-ci :
le découragement finit par nous gagner.
La promesse faite à la jeunesse n’est pas tenue.
L’école ne peut sauver le monde et le système est saboté.
La judiciarisation ne remplace pas l’autorité.
Au forum de Libé, Pierre Joxe que n’avais pas vu depuis belle lurette est toujours aussi tranchant
« On prétend organiser un ordre social aujourd’hui en organisant des lois et des politiques discriminatoires. C’est en fait un ordre social contre la République, contre ses fondements… on assiste aujourd’hui à une politique néo-colonialiste envers certains quartiers délaissés en France où vivent notamment de nombreux immigrés ».
Et même si certaines de ses approches m’ont semblé légèrement datées, la Villeneuve voisine habitait les pensées de la salle bien remplie qui appréciait aussi François Dubet.
Le sociologue entrait plus dans la complexité après avoir évoqué une gauche généreuse évitant les sacrifices mais s’accommodant d’un fonctionnement
« de nos institutions économiques et sociales qui reproduisent mécaniquement la pauvreté »
……
Additif : Sébastien Piétrasanta, Maire socialiste d'Asnières-sur-Seine qui a instauré un couvre-feu après la mort d’un enfant de 15 ans tué à l’arme blanche a écrit dans Libération du lundi 4 avril. Extraits :
« … Les pères sont trop souvent absents de l’éducation des enfants, alors que leur place est primordiale.
… Il faut en finir avec l’enfant roi.
… En même temps qu’on explique leurs droits aux enfants, il faut leur dire leurs devoirs.
… Il faut aussi permettre aux parents d’acquérir des outils pour renforcer la relation à l’enfant dès le plus jeune âge. Plutôt que des émissions de télé-réalité où une «Super Nanny» règle les problèmes des familles, inspirons-nous des services de soutien à la parentalité du Québec où la «coéducation» permet aux parents d’apprendre à investir cette fonction auprès de professionnels. Les parents sont des maillons indispensables de la chaîne éducative. Sans eux, le lien est rompu. »

…….
Dans le Canard cette semaine des suggestions pour Frédéric Lefebvre qui venait d’affirmer que « Zadig et Voltaire » était le livre qui l’avait le plus marqué,
Zadig & Voltaire est une marque de vêtements,
Zadig un conte philosophique,
Lefebvre un secrétaire d’état :
« Alpha Roméo et Juliette » de Shakespeare,
« Du côté de chez Swatch » de Proust,
« Triste Tropicana » de Levi-Strauss,
« Extension du domaine de la Matmut » de Houellebecq…

quant à Victor Hugo Boss ?
Et ce dessin :