Le thème prévu « Réussir l’intégration, démocratiser la réussite » a laissé place à des réflexions sur l’histoire en marche en Tunisie et en Egypte.
Rédiger une manière de compte rendu pour une publication différée est hasardeux, tant chaque jour amène son lot de surprises et prend à contre-pied les experts les plus prudents.
Par exemple l’afflux de Tunisiens à Lampedusa dément une interprétation qui aurait compris l’immigration comme étant essentiellement la fuite d’un univers despotique.
Mais la qualité des intervenants Abdelwahab Meddeb et Benjamin Stora permet d’aller au-delà des péripéties.
La priorité donnée à l’actualité n’éloignait pas du sujet initial tant le rôle des binationaux dans la révolution a été important, les frontières mouvantes avec la blogosphère, les stéréotypes malmenés. Les références occidentales se mêlent à celles de la religion musulmane, le rapport à l’étranger a bougé, ainsi le dilemme : assimilation ou intégration peut se repenser.
La fierté d’être le moteur de l’histoire de ce côté de la Méditerranée permet de dépasser les blessures mémorielles et de penser l’avenir. Les cartographies imaginaires basculent : l’univers immuable depuis la décolonisation bouge : le mur de sable s’affaisse.
A l’image touristique de « révolution du jasmin » peut se substituer le terme de« révolution du Phénix ». Depuis un lieu décentré, Sidi Bouzid, avec les cendres de Mohamed Bouazizi, un peuple s’est réapproprié son destin. Le taux de scolarisation a permis cette avancée, le passage de la société rurale à une société urbaine l’a favorisé, l’effondrement de la taille des familles passant de sept à deux enfants témoignait du changement d’époque.
En 79 en Iran il n’y avait pas de mémoire historique et les morts d’Algérie pendant la guerre civile ne sont pas oubliés, l’histoire n’est pas condamnée à bégayer. Dans une zone où tout semblait immuable, des changements trop longtemps attendus s’amorcent. Le démantèlement des appareils sécuritaires n’est pas gagné mais il est engagé depuis l’intérieur à l’opposé d’une intervention extérieure aussi vaine que celle qui a eu lieu en Irak. Des espaces contradictoires sont à trouver mais le temps où l’intérêt particulier prévalait sur l’intérêt général est révolu.
Un Roubaisien d’origine marocaine dans Libé du 15 février à propos de ce basculement historique:
« C’est comme si la France avait perdu sa conscience. Sa voix ne porte plus… Elle devait être exemplaire, elle ne l’est pas. On ne l’entend que pour se défendre maladroitement de ses histoires minables de vacances payées par ces régimes »
............
Le dessin est du Canard et la photo de Dany.
vendredi 18 février 2011
jeudi 17 février 2011
Chairs et choses, les hypnoses de Rebecca Horn.
Il y a déjà plus de quinze ans que Rebecca Horn exposait à Grenoble. Catherine de Buzon a donné récemment l’occasion aux amis du musée de se rafraichir la mémoire, et en ce qui me concerne de prendre la mesure de la diversité d’une œuvre qui m’avait intriguée alors. Maintenant, j’en perçois mieux l’intensité et le poids douloureux qui n’exclut pas la poésie.
Soignée pour des problèmes pulmonaires, l’artiste allemande va d’abord chercher comment aider un corps blessé avec tout un appareillage à allure orthopédique faisant écho aux aveugles de Bruegel, à Narcisse du Caravage, à la mémoire des gueules cassées des guerres du siècle. Elle veut étendre son corps jusqu’à toucher simultanément les deux murs d’une pièce avec des doigts agrandis tels ceux de personnages de Tim Burton.
Rebecca Horn, filme pendant 12 heures une femme portant une très longue coiffe, sa licorne.
Elle va aussi entraver des corps dans des bandages qui évoquent le bondage et des figures sado-maso: de grands moignons en tissus empêchent la marche, un masque porte des crayons, elle transporte telle une relique moyenâgeuse un dispositif reliant ses seins et sa bouche. Un réseau de tiges horizontales garde la mémoire de la silhouette d’un corps qui y fut mesuré. Des éventails à taille humaine permettent de se protéger, de se recroqueviller, ainsi des écrins de plumes comme des chrysalides. « La veuve du paradis » ou « la fiancée chinoise »-enfin une artiste qui ne renonce pas à titrer ses œuvres-fournissent des expériences étonnantes dont une avec une boite dont les portes se referment lentement sur le visiteur d’abord résigné dans l’obscurité puis retournant brusquement au monde par l’ouverture brutale de cet espace étriqué. Un modèle porte un manteau de tuyaux où circule du sang.
Si Otto Dix, Beuys peuvent être évoqués pour cette période créative, les machines de
Vinci sont sollicitées dès qu’il y a de la mécanique. Son paon métallique qui fait une roue à la demande n’est pas soumis aux cycles de la nature, mais les machines ne sont pas éternelles, elles perdent de l’huile, éclaboussent les murs et sa machine à peindre déverse ses encres sur des châssis sans toile.
Ses installations entrent en résonance avec les lieux : celui du théâtre de l’hôpital psychiatrique du Steinhoff à Vienne, avec une pyramide de pigment effleurée par un pendule ; au bord d’un baquet rempli d’une eau noire, deux aiguilles forment par intermittence des vaguelettes.
Dans une maison de passe à Barcelone, elle installe « la rivière de la lune » avec la chambre de la terre, où le lit entre à moitié dans le mur. Dans une chambre différente, celle de l’eau, le lit est au plafond et des draps s’égouttent dans des récipients, dans une autre, une pointe griffe un cercle. Sept violons jouent sur d’autres murs, l’air a son espace, de même que « la destruction réciproque » ou le feu avec des flashs qui éjaculent. Souvenirs, peurs, plénitude, unité, vigueur.
A Munster elle voulait investir une tour que la municipalité refusait de lui octroyer, c’est qu’il y avait un secret terrible dans ce lieu. Ancienne prison, elle avait servi aux jeunesses nazies de lieu de torture sur des russes et des roumains ; elle va y disposer de petites bougies, des marteaux qui frappent sans cesse, un œuf sur une tige pour l’espérance. A Murnau, des cendres seront recueillies dans de grandes caisses de verre et un chariot détruit petit à petit des instruments de musique posés sur des rails. Et quand il percute une paroi des flashs se déclenchent symbolisant ici les âmes de ceux qui ont disparus. Ses références littéraires sont variées : Kafka avec une valise volante, Wilde et ses chaussures, Virginia Wolf. Ses chœurs de sauterelles : 36 machines à écrire ou dans la version 2 : 4000 verres à pied qui s’entrechoquent sous l’effet des lattes du plancher qui jouent. Le mercure, les papillons, les plumes, des éventails de pinceaux, des creusets de liquide ; ses machines ne sont pas célibataires : même les marteaux se rencontrent, ou les scarabées. Sur une place de Naples, 333 cranes sortent du pavé et des auréoles s’éclairent dans la nuit.
Chez elle, des plumes peuvent évoquer la mort, et de froides tiges métalliques s’approcher d’une façon ténue des vibrations de la vie.
Soignée pour des problèmes pulmonaires, l’artiste allemande va d’abord chercher comment aider un corps blessé avec tout un appareillage à allure orthopédique faisant écho aux aveugles de Bruegel, à Narcisse du Caravage, à la mémoire des gueules cassées des guerres du siècle. Elle veut étendre son corps jusqu’à toucher simultanément les deux murs d’une pièce avec des doigts agrandis tels ceux de personnages de Tim Burton.
Rebecca Horn, filme pendant 12 heures une femme portant une très longue coiffe, sa licorne.
Elle va aussi entraver des corps dans des bandages qui évoquent le bondage et des figures sado-maso: de grands moignons en tissus empêchent la marche, un masque porte des crayons, elle transporte telle une relique moyenâgeuse un dispositif reliant ses seins et sa bouche. Un réseau de tiges horizontales garde la mémoire de la silhouette d’un corps qui y fut mesuré. Des éventails à taille humaine permettent de se protéger, de se recroqueviller, ainsi des écrins de plumes comme des chrysalides. « La veuve du paradis » ou « la fiancée chinoise »-enfin une artiste qui ne renonce pas à titrer ses œuvres-fournissent des expériences étonnantes dont une avec une boite dont les portes se referment lentement sur le visiteur d’abord résigné dans l’obscurité puis retournant brusquement au monde par l’ouverture brutale de cet espace étriqué. Un modèle porte un manteau de tuyaux où circule du sang.
Si Otto Dix, Beuys peuvent être évoqués pour cette période créative, les machines de
Vinci sont sollicitées dès qu’il y a de la mécanique. Son paon métallique qui fait une roue à la demande n’est pas soumis aux cycles de la nature, mais les machines ne sont pas éternelles, elles perdent de l’huile, éclaboussent les murs et sa machine à peindre déverse ses encres sur des châssis sans toile.
Ses installations entrent en résonance avec les lieux : celui du théâtre de l’hôpital psychiatrique du Steinhoff à Vienne, avec une pyramide de pigment effleurée par un pendule ; au bord d’un baquet rempli d’une eau noire, deux aiguilles forment par intermittence des vaguelettes.
Dans une maison de passe à Barcelone, elle installe « la rivière de la lune » avec la chambre de la terre, où le lit entre à moitié dans le mur. Dans une chambre différente, celle de l’eau, le lit est au plafond et des draps s’égouttent dans des récipients, dans une autre, une pointe griffe un cercle. Sept violons jouent sur d’autres murs, l’air a son espace, de même que « la destruction réciproque » ou le feu avec des flashs qui éjaculent. Souvenirs, peurs, plénitude, unité, vigueur.
A Munster elle voulait investir une tour que la municipalité refusait de lui octroyer, c’est qu’il y avait un secret terrible dans ce lieu. Ancienne prison, elle avait servi aux jeunesses nazies de lieu de torture sur des russes et des roumains ; elle va y disposer de petites bougies, des marteaux qui frappent sans cesse, un œuf sur une tige pour l’espérance. A Murnau, des cendres seront recueillies dans de grandes caisses de verre et un chariot détruit petit à petit des instruments de musique posés sur des rails. Et quand il percute une paroi des flashs se déclenchent symbolisant ici les âmes de ceux qui ont disparus. Ses références littéraires sont variées : Kafka avec une valise volante, Wilde et ses chaussures, Virginia Wolf. Ses chœurs de sauterelles : 36 machines à écrire ou dans la version 2 : 4000 verres à pied qui s’entrechoquent sous l’effet des lattes du plancher qui jouent. Le mercure, les papillons, les plumes, des éventails de pinceaux, des creusets de liquide ; ses machines ne sont pas célibataires : même les marteaux se rencontrent, ou les scarabées. Sur une place de Naples, 333 cranes sortent du pavé et des auréoles s’éclairent dans la nuit.
Chez elle, des plumes peuvent évoquer la mort, et de froides tiges métalliques s’approcher d’une façon ténue des vibrations de la vie.
mercredi 16 février 2011
Touristes en chine 2007. # J 6. Kung fu.
Nuit avec moustique bourdonnant et panne de l’air conditionné. Petit déjeuner abondant dans un compartiment de l’immense salle du restaurant. Nous sommes servis à table : tomates, concombres, œufs frits, toasts, vegetables, bacon, lardons, frites, pain perdu…beurre et confiture. Stop !
Visite du temple Putuozongscheng réplique du Potala de Lhassa avec madame Xu. Palais blanc et rouge. Les fenêtres extérieures sont obstruées comme au Tibet pour éviter les vents froids. La lumière arrive par le toit et les cours intérieures, beaucoup d’escaliers permettent la vue sur la montagne, la muraille du palais d’été et le temple.Pour s’octroyer les bienfaits de bouddha, il faut payer. La grande cour carrée rouge est sur 3 étages avec galerie et bâtiment principal comportant des tuiles écailles vernissées et dorées. Depuis une estrade, nous assistons à des danses et chants traditionnels jusqu’à 11h comme pour les anniversaires de l’empereur. Nous payons chacun 1Y pour un coup de cloche.
Anmanipaniron = bonjour bouddha. Xu a le français un peu moins coincé et le rire plus naturel. Retour à l’hôtel pour retrouver Diane puis route vers Pékin (4h 30 de voyage prévues). Notre chauffeur double à droite, à gauche ou se fait doubler de même pendant que ceux d’en face slaloment tout autant ! Il vaut mieux dormir.
Repas dans un salon particulier d’un routier avec table à plateau tournant. On mange bien mais dans les toilettes les utilisateurs ne jugent pas toujours utile de fermer les portes. Retour au Red Wall Hôtel et ses chambres nickel.Spectacle de Kung fu au... Kung fu theater : il raconte une histoire avec quelques cartels en chinois et en anglais : la chorégraphie est soignée et les bagarres stylisées avec quelques cris genre « arrête de crier, je ne vois plus le match de tennis », scènes de casse de bâtons de bois ou de métal sur la tête, le héros se couche sur des coutelas, met un sommier de piques sur son ventre qui supporte un autre danseur allongé. A la sortie W.H. nous retrouve et nous offre une bouteille d’alcool de riz, suite aux discussions que nous avons eues. Nous l’abandonnons à une entrée de métro, elle en a pour une heure et demie avant d’arriver chez elle. Repas à notre restau d’à côté avec marmites bloubloutantes, promenade digestive et hôtel. Quand W.H. ne peut décrypter les pictogrammes qu’elle ne connaît pas, elle dit : « c’est mal écrit, je ne peux pas lire » Elle nous fournit les timbres pour les 55 cartes postales.
Visite du temple Putuozongscheng réplique du Potala de Lhassa avec madame Xu. Palais blanc et rouge. Les fenêtres extérieures sont obstruées comme au Tibet pour éviter les vents froids. La lumière arrive par le toit et les cours intérieures, beaucoup d’escaliers permettent la vue sur la montagne, la muraille du palais d’été et le temple.Pour s’octroyer les bienfaits de bouddha, il faut payer. La grande cour carrée rouge est sur 3 étages avec galerie et bâtiment principal comportant des tuiles écailles vernissées et dorées. Depuis une estrade, nous assistons à des danses et chants traditionnels jusqu’à 11h comme pour les anniversaires de l’empereur. Nous payons chacun 1Y pour un coup de cloche.
Anmanipaniron = bonjour bouddha. Xu a le français un peu moins coincé et le rire plus naturel. Retour à l’hôtel pour retrouver Diane puis route vers Pékin (4h 30 de voyage prévues). Notre chauffeur double à droite, à gauche ou se fait doubler de même pendant que ceux d’en face slaloment tout autant ! Il vaut mieux dormir.
Repas dans un salon particulier d’un routier avec table à plateau tournant. On mange bien mais dans les toilettes les utilisateurs ne jugent pas toujours utile de fermer les portes. Retour au Red Wall Hôtel et ses chambres nickel.Spectacle de Kung fu au... Kung fu theater : il raconte une histoire avec quelques cartels en chinois et en anglais : la chorégraphie est soignée et les bagarres stylisées avec quelques cris genre « arrête de crier, je ne vois plus le match de tennis », scènes de casse de bâtons de bois ou de métal sur la tête, le héros se couche sur des coutelas, met un sommier de piques sur son ventre qui supporte un autre danseur allongé. A la sortie W.H. nous retrouve et nous offre une bouteille d’alcool de riz, suite aux discussions que nous avons eues. Nous l’abandonnons à une entrée de métro, elle en a pour une heure et demie avant d’arriver chez elle. Repas à notre restau d’à côté avec marmites bloubloutantes, promenade digestive et hôtel. Quand W.H. ne peut décrypter les pictogrammes qu’elle ne connaît pas, elle dit : « c’est mal écrit, je ne peux pas lire » Elle nous fournit les timbres pour les 55 cartes postales.
mardi 15 février 2011
Petite histoire des colonies françaises. Grégory Jarry & Otto T.
Du temps où j’étais instit, je mentionnais bien le commerce triangulaire à mes CM2 quand nous abordions l’époque de Louis XIV, et Tardy, encore un dessinateur de BD m’avait appris, et je le répétais, que les Sénégalais étaient au premier rang des premières lignes quand il fallait sortir des tranchées de la première guerre mondiale. Je répondais aux questions concernant la guerre d’Algérie. Mais j’en avais encore tant à apprendre concernant la colonisation.
Trois volumes abondamment illustrés en vente au rayon bandes dessinées, m’ont apporté des informations que j’ignorais et surtout montré la cohérence, la continuité d’une politique qui remonte à 1560 et Coligny en Floride jusqu’aux accords d’Evian en 1962.
Si ces BD figurent dans les boutiques du musée de l’histoire que projette not’ résident de la république, il n’y aura pas grand-chose à redire de l’entreprise.
Les dessins sans parole sont parfois un peu énigmatiques, mais le narrateur, un certain Charles De Gaulle, légionnaire barbu très rond, à l’humour noir, nous permet de traverser sans ennui les années et les océans. Mais il ne détourne pas de la consternation devant tant d’absurdité, de cynisme, d’horreurs sur fond de rivalité millénaire avec les Anglais.
« J’oubliais de mentionner les centaines de milliers d’indiens qui habitaient la Louisiane avant notre arrivée. Mais ils comptent pour du beurre, car ils considéraient qu’ils appartenaient à la terre plutôt qu’elle ne leur appartenait. Alors quand les français prirent possession de la Louisiane, ils prirent tout naturellement possession des indiens. »
Le récit des atrocités de la colonne infernale Chanoine / Voulet en route vers le Tchad s’ajoute aux conditions ahurissantes qui permirent à Léopold II de posséder le Congo a titre privé dans des conditions inimaginables…
« Le 8 mai 1945, tandis que nous célébrions la victoire, une grande manifestation se déclencha à Sétif, en Algérie, qui réclamait l’égalité des droits et l’indépendance du pays. Alors que nous avions à peine commencé les hors d’œuvre. Je leur avais pourtant dit « le moment venu ». Mais ils n’écoutent pas…. Tout cela me donne le cafard, si nous parlions d’un sujet plus gai ? La guerre d’Indochine ».
J’attends avec impatience le quatrième de la série : La Françafrique.
Trois volumes abondamment illustrés en vente au rayon bandes dessinées, m’ont apporté des informations que j’ignorais et surtout montré la cohérence, la continuité d’une politique qui remonte à 1560 et Coligny en Floride jusqu’aux accords d’Evian en 1962.
Si ces BD figurent dans les boutiques du musée de l’histoire que projette not’ résident de la république, il n’y aura pas grand-chose à redire de l’entreprise.
Les dessins sans parole sont parfois un peu énigmatiques, mais le narrateur, un certain Charles De Gaulle, légionnaire barbu très rond, à l’humour noir, nous permet de traverser sans ennui les années et les océans. Mais il ne détourne pas de la consternation devant tant d’absurdité, de cynisme, d’horreurs sur fond de rivalité millénaire avec les Anglais.
« J’oubliais de mentionner les centaines de milliers d’indiens qui habitaient la Louisiane avant notre arrivée. Mais ils comptent pour du beurre, car ils considéraient qu’ils appartenaient à la terre plutôt qu’elle ne leur appartenait. Alors quand les français prirent possession de la Louisiane, ils prirent tout naturellement possession des indiens. »
Le récit des atrocités de la colonne infernale Chanoine / Voulet en route vers le Tchad s’ajoute aux conditions ahurissantes qui permirent à Léopold II de posséder le Congo a titre privé dans des conditions inimaginables…
« Le 8 mai 1945, tandis que nous célébrions la victoire, une grande manifestation se déclencha à Sétif, en Algérie, qui réclamait l’égalité des droits et l’indépendance du pays. Alors que nous avions à peine commencé les hors d’œuvre. Je leur avais pourtant dit « le moment venu ». Mais ils n’écoutent pas…. Tout cela me donne le cafard, si nous parlions d’un sujet plus gai ? La guerre d’Indochine ».
J’attends avec impatience le quatrième de la série : La Françafrique.
lundi 14 février 2011
Le discours d'un roi. Tom Hooper.
Georges VI, roi d’avant guerre nous parle d’aujourd’hui quand les caméras tournent dans les allées du pouvoir avec la communication en passe d’accéder au trône. Ce film est plus axé sur la forme du discours que sur le fond. Le père d’Elisabeth II est la vedette principale alors que sa femme devenue « Queen Mum » nous est plus familière, ainsi que son ainé Edouard VIII qui renonça à la couronne par amour, mais dont les sympathies envers Hitler compliquèrent le destin. L’humour british rend savoureux le rapport entre le roi coléreux et son orthophoniste qui bouscule les rapports de classe et gagne l’amitié du royal coincé. La fantaisie est un remède efficace pendant ces heures graves que traverse l’Angleterre et nous passons un moment agréable avant d’être accablés, dans le présent, par Nicolas Premier (appellation Patrick Rambaud) qui ne sait même pas se gouverner, sa formation ayant consisté essentiellement à se muscler le périnée et à recueillir des éléments de langage dans des marmites douteuses.
dimanche 13 février 2011
Un pied dans le crime. Eugène Labiche.
Avant le lever du rideau, à l'Hexagone, Dominique Pinon vient faire répéter aux spectateurs :
« Rien n’est plus beau que notre France !
Aimons là de tout notre cœur !
Pour le crime pas de clémence,
Vive la France et l’empereur ! »
Nous sommes sous l’empire pendant deux heures et demie, le public rit et se régale de cette comédie bien troussée. Philippe Torreton porte, à la Giscard, la mèche couchée sur sa calvitie et Dominique Pinon une crête et un tempérament comique qui emporte la troupe entière avec deux femmes nunuches à souhait, un laquais gai, un filleul plein de bonne volonté. Proche de la commedia Del Arte, derrière de grandes oreilles, une société mesquine et cruelle se révèle. Quiproquos et mufleries, Gatinais qui avait visé un chat avec une pétoire l’entend s’écrier : « sapristi ! » d’où quelques scrupules et cas de conscience. Comme il est question de justice, on pense aux figures de Daumier croquant le bourgeois. Les portes qui claquent sont indissociables du vaudeville, elles ont disparu, un placard est toujours là et bien que le jus initial ne se soit pas éventé, des trouvailles contemporaines ajoutent au plaisir : les parois de papier se déchirent, un poêle n’en fait qu’à sa tête et le chat se rappelle à nous : « Maou »
Le rythme est enlevé, le public ravi, applaudit après un ultime couplet :
« L’épée glacée de la justice
Jamais plus nous fera frémir !
Au cœur elle a frappé le vice !
Allons dormir ! Dormir ! DORMIR !!! »
« Rien n’est plus beau que notre France !
Aimons là de tout notre cœur !
Pour le crime pas de clémence,
Vive la France et l’empereur ! »
Nous sommes sous l’empire pendant deux heures et demie, le public rit et se régale de cette comédie bien troussée. Philippe Torreton porte, à la Giscard, la mèche couchée sur sa calvitie et Dominique Pinon une crête et un tempérament comique qui emporte la troupe entière avec deux femmes nunuches à souhait, un laquais gai, un filleul plein de bonne volonté. Proche de la commedia Del Arte, derrière de grandes oreilles, une société mesquine et cruelle se révèle. Quiproquos et mufleries, Gatinais qui avait visé un chat avec une pétoire l’entend s’écrier : « sapristi ! » d’où quelques scrupules et cas de conscience. Comme il est question de justice, on pense aux figures de Daumier croquant le bourgeois. Les portes qui claquent sont indissociables du vaudeville, elles ont disparu, un placard est toujours là et bien que le jus initial ne se soit pas éventé, des trouvailles contemporaines ajoutent au plaisir : les parois de papier se déchirent, un poêle n’en fait qu’à sa tête et le chat se rappelle à nous : « Maou »
Le rythme est enlevé, le public ravi, applaudit après un ultime couplet :
« L’épée glacée de la justice
Jamais plus nous fera frémir !
Au cœur elle a frappé le vice !
Allons dormir ! Dormir ! DORMIR !!! »
samedi 12 février 2011
Le faubourg des coups de trique. Alain Gerber.
Le titre me disait vaguement quelque chose, l’auteur aussi (chroniqueur de jazz), mais il a fallu l’insistance d’un amateur de Michel Audiard (« La nuit, le jour et toutes les autres nuits ») pour que je m’attelle aux 390 pages. Et je ne les ai pas lâchées. Ça commence fort : « l’enfance de Théo dura cent sept ans, on n’en voyait pas le bout. En ce temps là les semaines étaient bourrées de jours à craquer. »
Moi qui me suis entiché de romans anglais ou américains pour leur efficacité, leur vitalité, j’ai apprécié ici le style pas apprêté, en parfait accord avec son sujet : valoriser une classe sociale disparue des écrans éditoriaux : le peuple. Pour un autre de ses romans, Gerber a d’ailleurs reçu le prix populiste qui récompense une œuvre romanesque qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu'il s'en dégage une authentique humanité ».
Bourré de trouvailles : « Ce client là vous aurait tiré les os du corps pour en faire des castagnettes »
« ll y avait dans le ciel rose une flopée de petits nuages ronds et mauves, ou violacés.
- La sainte vierge fait des beignets pour le petit Jésus, déclara Gentil.
L’ancien marsouin était tout le temps en train d’apprendre de nouvelles phrases à Théo. Des phrases qui font rire. Des phrases qui font voir le monde autrement- c'est-à-dire comme il est en vrai, quand on s’est débarrassé des mots ordinaires, si usés qu’ils ne veulent plus rien dire. »
L’auteur met un enfant en scène, à Belfort, au début du xx° siècle ; l’exercice est périlleux, et il n’y a rien qui m’agace aussi facilement que les faux enfants, les voix contrefaites. Ici, c’est truculent, chaleureux, palpitant, généreux. En ce moment, on n’en publie pas beaucoup des comme celui là, que l’on referme, content, avec un regain d’optimisme en l’homme, et l’envie de le faire partager.
Moi qui me suis entiché de romans anglais ou américains pour leur efficacité, leur vitalité, j’ai apprécié ici le style pas apprêté, en parfait accord avec son sujet : valoriser une classe sociale disparue des écrans éditoriaux : le peuple. Pour un autre de ses romans, Gerber a d’ailleurs reçu le prix populiste qui récompense une œuvre romanesque qui « préfère les gens du peuple comme personnages et les milieux populaires comme décors à condition qu'il s'en dégage une authentique humanité ».
Bourré de trouvailles : « Ce client là vous aurait tiré les os du corps pour en faire des castagnettes »
« ll y avait dans le ciel rose une flopée de petits nuages ronds et mauves, ou violacés.
- La sainte vierge fait des beignets pour le petit Jésus, déclara Gentil.
L’ancien marsouin était tout le temps en train d’apprendre de nouvelles phrases à Théo. Des phrases qui font rire. Des phrases qui font voir le monde autrement- c'est-à-dire comme il est en vrai, quand on s’est débarrassé des mots ordinaires, si usés qu’ils ne veulent plus rien dire. »
L’auteur met un enfant en scène, à Belfort, au début du xx° siècle ; l’exercice est périlleux, et il n’y a rien qui m’agace aussi facilement que les faux enfants, les voix contrefaites. Ici, c’est truculent, chaleureux, palpitant, généreux. En ce moment, on n’en publie pas beaucoup des comme celui là, que l’on referme, content, avec un regain d’optimisme en l’homme, et l’envie de le faire partager.
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