vendredi 14 novembre 2008

Yvonne Besset


Elle apparaîtra sous ce nom gravé sur une pierre tombale.
Pour nous, elle reste « Mamiche » parce que sa fille l’a mêlée à son cercle d’amis. Son mari instituteur-secrétaire de mairie était un de ces « hussards noirs de la République ». Elle qui aimait tellement les mots et en jouait avec tant de précision, elle aurait pu me suggérer une féminisation de l’expression, aujourd’hui désuète et pourtant… Je viens de retrouver dans un de ses cahiers à l’écriture si bien formée,les paroles d’une chanson qu’elle fit sûrement chanter à ses garçons de la laïque - les filles étaient promises aux religieuses de l’école privée :
« Noël vient de passer
Que vous a- t-il laissé ?
Un beau pantin agitant ses sonnettes
Et un Pierrot chantant pour sa Pierrette
La la la…
Juste une auto que l’on roulait en rêve
Une auto vraie avec des pneus qui crèvent.
Rro Rro Rro »

Pour dire les années de bonheur où ces instituteurs trouvaient le soleil après des mois de« Burle » dans les faubourgs de Cannes. Tous ceux qui ont profité de leur balcon donnant sur la Côte d’Azur doivent aux parents de Dany et grands-parents de Laurence, une part de lumière et de sourire.

jeudi 13 novembre 2008

Moineau dans le brouillard


« Le brouillard a tout mis
Dans son sac de coton ;
Le brouillard a tout pris
Autour de ma maison.
Plus de fleurs au jardin,
Plus d'arbres dans l'allée ;
La serre du voisin
Semble s'être envolée.
Et je ne sais vraiment
Où peut s'être posé
Le moineau que j’entends
Si tristement crier. »

Maurice Carème
Et dire que le moineau lui-même a quasiment disparu en Angleterre et en Belgique,
sa population en France est en déclin, faute d’insectes semble-t-il. A Paris il boude les quartiers chics car il y a moins de trous pour nicher, et moins de déchets pour se nourrir.

mercredi 12 novembre 2008

Education civique - Faire classe # 8


Education civique - nous évite de dire éducation tout court - avec ses airs de chez madame De Rothschild. Au carrefour affectif de l’éducatif et de l’instructif, la civique recueille bien des demandes de la société. Pourtant, notre école victime en ce moment d’attaques sans précédent est bien mollement défendue. Le service public est déconstruit mais l’appel mécanique à la résolution de trop de problèmes est quand même dirigé vers lui. Les enfants, nos clients comme disait Illitch : entre trente sept sollicitations médiatiques ils forment un auditoire au bord de la cellule psychologique où se côtoient les abandonnés de 16h 30 à une extrémité avec les autres branchés sur GPS en mode couveuse ; de cette diversité il faut bien essayer de soigner les uns par les autres. Bien sûr, nombreux sont les enfants qui montent dans des trains à l’heure et qui sont élevés avec justesse mais ils sont ignorés. Ceux qui ne se font pas oublier se débattent parfois sous un amour maladroit et collant ou sont victimes des démissions d’adultes jamais devenus tels ; ils sont à convaincre, comme ceux qui sont corsetés dans des rigidités d’un autre age.
Nous sommes dans le cataplasme transversal, dans le credo bavard du « vivre ensemble ». Jadis l’air d’un temps excluait toute réprimande, et se montrait tellement compassionnel, que nous pouvions imaginer ce type d’appréciation à vous faire tomber les bras : « utilise le cutter exclusivement pour couper du carton, a su dire « merci » et « bonjour » : sera admis au brevet ». Maintenant on rase les RASED ; les cutters, jeunots, servent pour abréger le temps des pénitenciers.
Au temps où j’exerçais, sous la rubrique civique, j’ai accueilli l’infirmière autour de la maltraitance et j’ai pu vérifier le syndrome du livre de médecine qui donne toutes les maladies à ses lecteurs. A la suite de son intervention, des enfants avaient dénoncé des parents indignes qui n’autorisaient pas leur fille de 9 ans à aller toute seule à Carrefour !
Et la nouvelle psychologue qui venait faire la pub pour son bureau des complaisances du lundi se dispensait du suivi des cas nécessiteux.
Difficultés d’animer une matière austère qui a tout à gagner avec des voix diverses : une avocate, monsieur le maire... Jusqu’aux C.R.S. de la prévention routière qui étaient les bienvenus avec leur circuit avec petits vélos. Sinon au gré des échéances électorales : la fonction présidentielle, les régionales voire les cantonales apportaient de l’air du dehors à un enseignement qui abordait le racisme, les droits de l’homme et de l’enfant, à quoi sert l’argent ? Et la « Sécu » ? Bruno Heitz et ses planches humoristiques peuvent servir d’appui pour maintes leçons. C’était un temps où l’inspecteur nous accordait sa confiance et pensait que nos petites entreprises valaient mieux que de grands discours.
Dans la plage horaire dévolue à cette matière je casais les rendez-vous avec les élèves du C.M. 2 qui venaient d’entrer en sixième : discussions riches, joviales où les anciens primaires venaient montrer qu’ils avaient grandi. L’occasion jamais déçue de mesurer aussi leur attachement à l’école ; le suivi, la liaison C.M.2/ sixième à hauteur d’enfants. Des moments de convivialité qui dispensaient de dispositifs lourds et disproportionnés afin de dédramatiser le collège. Les chercheurs n’auront pas à gloser sur la nécessité des rites de passage. Un peu de stress mobilise.
Pendant ce temps il faut préparer les conseils d’élèves de l’école et du conseil municipal d’enfants pour aborder la notion de mandat et du retour vers les mandants. La démocratie quoi !
« Il a été décidé qu'on reparlerait, dès les petites classes, d'éducation civique, d'honnêteté, de courage, de refus du racisme et d'amour de la République. Il est dommage que l'école ne soit fréquentée que par les enfants. » A. Frossard

mardi 11 novembre 2008

L'imprévisible 2009


C’est le titre d’un agenda dont le prix 20,09 € pour cette année, donne le ton.
Une augmentation est à craindre pour l’an prochain, mais on ne pleurera pas son argent cette année, tant l’humour léger est présent à chaque page. Le premier mai est ainsi décrété « journée de la gratuité des temps d’attente ».Chaque jour est consacré à une cause allant de « la journée de la France qui se lève tôt » assez attendue à celle de « l’airbag » et autre « journée des variables d’ajustement ». Des anniversaires bien réels sont aussi mentionnés. Par exemple est cité toujours pour le premier mai :
« en 1899, pour la première fois, une automobile électrique, la Jamais Contente, dépasse les 100km/h ».
A chercher sur Internet, sur le site « le jeu de la règle ». C’est une maison d'édition de Caen qui a confectionné artisanalement ces 2009 mignons petits cadeaux.

lundi 10 novembre 2008

Picasso et De Staël à Antibes


Le musée Picasso à Antibes a de nouveau ouvert ses portes. L’artiste qui a séjourné là pendant quelques mois de 1946 utilisait en ses périodes de pénurie des matériaux inhabituels : fibro ciment, Ripolin, contreplaqué. Tout ce qu’il touche devient or ; deux traits et c’est le mur qui sourit. Le moindre pigeon sur une assiette est un décor de roi, celui de la fantaisie, de la vitalité. Période de faunes, de centaures, d’oursins, de flûtes. Nicolas de Staël est aussi accroché en majesté dans les salles rénovées. Quand pour un bref instant la Côte d’Azur se met en Toussaint, les coups de pattes de l’exilé font entrer la lumière. De se souvenir que son suicide a eu lieu à Antibes nous fait approcher la violence de son dilemme entre figuration et abstraction.

dimanche 9 novembre 2008

Congrès fédéral

Après Oui Oui vote à la section, je ne vais pas souffler dans les trompettes indiscrètes d’un Saint Jean Bouche d’Or en congrès fédéral. Pas plus que je ne goûte les caméras dans les vestiaires, je n’aime pas quand on éloigne les micros qui essayaient de se faufiler dans les groupes en discussion lors de notre congrès départemental. Même si je fulmine à longueur de journée contre les raccourcis journalistiques, aurions nous des choses à cacher ? C’est aussi la curiosité qui m’a poussé à partager ma voiture avec deux délégués de la motion E (Ségo) pour aller à Gières où se tenait l’assemblée des militants PS afin de désigner les délégués au congrès de Reims. A ce niveau les innocences fussent-elles surjouées sont mises à l’épreuve. Pour essayer de comprendre par exemple la multiplication des candidatures, un plateau de soixante quatre cases est nécessaire:il vaut mieux se faire manger un pion pour aller vers la dame. Je n’étais pas mécontent que Mermaz me prenne par le bras pour me raconter des anecdotes Morvandelles avec Mitterrand, quand je venais de lui poser la question des échéances horaires en protestant de l’inorganisation. Mon expérience pédagogique m’avait amené à penser que des cadres précis et solides sont la condition de l’expression la plus démocratique. Mais en regard de mon passé CFDT où nous passions pour des babas cools inefficaces, j’ai trouvé des maîtres au P.S. Quand en section je regrette les ordres du jour élastiques, lorsque 400 personnes doivent s’exprimer le manque d’ordonnancement est coupable. Mermaz qu’il m’est venu de tutoyer, alors que je vouvoie des beaucoup plus familiers, a beau dire que nous ne sommes pas dans un congrès de notaires, et rappeler les assemblées soixante huitardes, je pense que ce type de « bazard » est délibéré pour noyer le poizon. Sous des airs de démocratie, d’écoute la plus bienveillante, la grogne militante que j’ai perçue, mettait en lumière que le renouvellement des pratiques politiques passe par des informations claires, anticipées et on ne se refait pas… pédagogiques

samedi 8 novembre 2008

L’empire de la honte. Jean Ziegler


Heureusement qu’il y a l’inlassable énergie de l’auteur de ce livre accablant pour ne pas nous enfuir au rappel de toutes les souffrances de notre monde si injuste ; pour continuer à nous informer, voire agir. Intellectuellement il est facile d’adhérer à la formule d’Hugo : « Vous voulez les pauvres secourus- je veux la misère abolie » ; mais au bout ce sera une petite pièce pour une association, notre façon d’agir. Le côté terrible du constat du socialiste suisse est que la situation des damnés de la terre s’aggrave.
Entre 1972 et 2002 le nombre des africains sous alimentés a augmenté de 81 millions à 203 millions.
Le système féodal a été aboli dans la nuit du 4 août 1789, aujourd’hui les nouveaux féodaux capitalistes ont plus de pouvoirs que les rois ! Monsanto, Nestlé, Union Carbride, Novartis…
340 pages en livre de poche, de statistiques où l’on nous rappelle que les dépenses militaires mondiales en un an s’élevaient à 780 milliards de dollars, alors que 19 milliards auraient suffi pour éliminer la faim.
Des évocations donnent le frisson. Dans cet hôpital éthiopien sont soignées des fistules : « du fait de l’étroitesse du vagin chez une jeune fille de 12 ou 14 ans, l’accouchement provoque la déchirure dans la chair entre le rectum et le vagin. Ni l’expulsion des excréments ni celle de l’urine ne sont alors contrôlables ».
Je n’étais pas persuadé de la justesse de l’annulation de la dette qui étrangle des pays qui doivent consacrer bien plus d’argent au service des banques que pour leurs services sociaux, et je tempère mon scepticisme envers les pourfendeurs d’OGM en prenant connaissance de toute une organisation très puissante qui conduit, en Inde, un nombre effrayant d’agriculteurs au suicide en ne permettant plus de ressemer une part de ce qu’ils ont récolté. Le titres des chapitres indiquent bien sûr le sens de l’ouvrage et l’ampleur du désastre : la rareté organisée, le fantôme de la liberté, l’agonie du droit…Il y a une foule de portraits depuis les enfants d’Oulan Bator qui vivent dans les sous terrains jusqu’à Lula sur son camion dont les partisans répercutent les paroles aux 80 000 personnes qui sont au meeting : le pouvoir avait détérioré la sono. La honte est le sentiment de ceux qui ont faim ; dans les jardins genevois, le monsieur du FMI avec son arrogance, en rabattra peut être après la crise financière que nous vivons.
Au pays du café, en Ethiopie, le cultivateur a vu le prix de ses grains s’effondrer des deux tiers en moins de cinq ans. Le Savonarole helvète comme le qualifie « Le Monde » vient d’écrire un nouveau livre : « la haine de l’occident »