Né à Messine vers 1425, formé à Palerme dans la zone de
rayonnement de Naples, où se conjuguaient les influences flamandes, espagnoles
et provençales, Antonello Da Messina est un représentant assez caractéristique
de la Renaissance
que Catherine De Buzon nous a fait connaître lors de sa conférence aux amis du
musée de Grenoble.
C’était au temps du « bon roi René » qui hérita du
royaume de Sicile, et combattit Alphonse d’Aragon. Tous deux étaient cependant
des amis des lettres et des arts.
Les techniques évoluaient : Van Eyck au Nord, utilisait
si bien la peinture à l’huile qu’il est longtemps passé pour l’inventeur de la
technique. Les façons de traiter les sujets les plus sacrés évoluaient :
Marie et Jésus se retrouvaient dans une demeure du XV°, et un pare-étincelle
dessinait une auréole parfaite chez le maître de Flémalle. « La pêche
miraculeuse » de Konrad Witz
se
déroulait au bord du lac Léman sur fond de Mont Blanc, le premier paysage
réaliste.
Colantonio, le maître d’Antonello, dans son tableau « Saint
François donnant la règle de l'ordre », réunit sur fond d’or gothique, des anges aux
allures flamandes, alors que le carrelage est Aragonais ainsi que les auréoles
sculptées. Dans un autre de ses tableaux,
on peut remarquer le regard craquant du
lion de Saint Jérôme quand celui-ci lui retire une épine de la patte, dans le
docte désordre de son cabinet de travail.
Les sujets religieux encore hégémoniques ne sont pas qu’un
récit du passé. Parmi les vierges peintes par Antonello da Messina, celle qui
lit a des de longs doigts et un bijou sur l’épaule. Quand au dessous de deux anges tenant une couronne,
elle est avec son enfant déjà roi du ciel dans ses velours, les influences
provençales et bourguignonnes sont fortes ainsi que sont espagnoles les
couleurs brûlées.
Mais le portrait de Marie, le plus saisissant est celui de
l’Annonciation où ne figure pas
l’ange : sur fond noir, la pudeur, la simplicité, l’élégance, la légèreté
qui fait refermer délicatement les pans de son voile à la future mère, la
pureté géométrique de ses traits, retiennent le souffle du spectateur.
Dans ses crucifixions, son souci de dire la souffrance est
manifeste, et les larrons sur leurs branches sont bouleversants. Après des
scènes dans des paysages complexes au début, le portrait du Christ, pourtant abimé par des dévotions trop zélées, entouré
de la douce attention de trois anges, respire la bonté.
Parmi les nombreuses représentations du martyre de Saint Sébastien, celle du messinien est originale: la
perspective est radicale, autour de lui les individus vaquent à leurs
occupations, indifférents, la statue de
chair semble apaisée malgré les flèches qui le traversent.
La série des Ecce homo, (voici l’homme) portraits
du Christ aux couleurs de miel, annonce des
portraits expressifs de contemporains : celui d’un jeune homme fat et
d’autres délicats, d’un condottière ambitieux, d’un marin au sourire roublard,
d’un commerçant calculateur...
Les regards sont vivants, les ombres fortes, les volumes
denses. Comme dans ses paysages minutieux, sa parfaite maitrise de l’huile rend
toute la finesse de ses sujets, la transparence des étoffes, la lumière des
intérieurs.
Pour « Saint
Jérôme dans son cabinet de travail », c’est la perspective florentine
qu’il a assimilée : une estrade est
située dans une église dont l’architecture est éclairée de toutes parts, à
l’avant figurent dans l’encadrement une perdrix symbole de luxure et un paon
pour l’éternité, le traducteur est éclairé lui par le divin au dessus de lui. Malgré
la modestie des dimensions, un paysage s’anime par les fenêtres.
Il ne passa qu’un an à Venise, mais il fut un bon passeur de
la manière flamande et des techniques en particulier auprès de Bellini ;
son retable de San Cassiano peint là
bas dont il ne reste qu’une vierge en majesté et Saint Nicolas auprès de Marie
Madeleine en cheveux, fut probant.
Après sa mort, à 50 ans, Jacobello, son fils a terminé
quelques unes de ses œuvres