jeudi 13 février 2025

Rivaux et ennemis. Serge Legat.

En conclusion de l'exposé précédent concernant les amitiés d’artistes,
le conférencier devant les amis du musée de Grenoble laissait entendre que la frontière entre amour et haine était ténue.
Cette fois, il finit par les mots de Sainte Beuve après avoir évoqué quelques adversaires des cimaises : 
«  Puisqu'il faut avoir des ennemis, tâchons d'en avoir qui nous fassent honneur. »
- Au XIX°  siècle la ligne s’oppose à la couleur, ainsi le caricaturiste Bertall représente « Delacroix et Ingres en duel devant l’Institut de France » 
En 1827, lors du Salon de l’Académie des beaux-arts, dans « L’Apothéose d’Homère », par Ingres, l’auteur grec pose en majesté, l’Iliade et l’Odyssée à ses pieds, dans un « tableau de plafond » parfaitement construit. Il se situe en face de « La Mort de Sardanapale » par Delacroix à la composition chaotique.
Pour l’exposition universelle de 1855, Ingres présente 40 tableaux, Delacroix 35.
Si l’auteur de « La grande Odalisque » a empêché longtemps le romantique d’être élu à l’Institut de France, celui-ci finira par y accéder.
Tous deux, que
Degas voulait conjuguer dans sa peinture, ont laissé une empreinte magistrale dans l’histoire de l’art ; Cézanne voyait l’auteur de « La liberté guidant la peuple » comme « le père de l’art moderne » alors que Picasso se référait souvent au maître néo-classique.
- A Venise, au XVI° siècle, Le Tintoret, fils de teinturier, s’affirme face au patricien, Le Titien, auquel le « Doge Andrea Gritti » a passé commande,
ainsi que le pape « Paul III ».
Plus jeune de vingt ans, Le Tintoret dont l’ « Autoportrait » révèle les tourments,
intrigue pour obtenir de décorer la Scuola di San Rocco 
en offrant à la congrégation « Saint Roch en gloire ».
Le Titien a peint « Danaé et Cupidon »  puis dix ans après « Danaé recevant une pluie d’or » en renouvelant la légende par servante interposée.
Le Tintoret
donne sa version avec l’inévitable Zeus venu, sous forme de pièces d’or, féconder la jeune femme recluse par son père le roi d’Argos pour échapper à l’oracle prédisant qu’il sera tué par son petit fils. Il ne pourra échapper à son destin.
Arrivé de Vérone, Véronèse qui a dix ans de moins que Le Tintoret, s’empare d’un autre sujet mythologique permettant de peindre des femmes nues : «  Léda et le cygne » avec cette fois le Dieu des dieux en palmipède. Les trois rivaux s’influencent et s’inspirent.
- A Versailles, au XVII° siècle, « Charles le Brun (1619-1690) et Pierre Mignard (1612-1695), Premiers peintres du Roi » pourtant réunis sur la même toile par Hyacinthe Rigaud, se détestent. 
Le Brun, protégé de Colbert acquiert tout au long de sa carrière tous les titres :  premier peintre du roi, directeur de l'Académie royale de peinture et de sculpture, et de la Manufacture royale des Gobelins,
que Mignard l’ami de « Molière » et des dames
obtiendra en un jour à la mort de l’auteur de
« Les Reines de Perse aux pieds d'Alexandre »  
qui place le Roi soleil dans la lignée du magnanime conquérant. 
https://blog-de-guy.blogspot.com/2016/04/lart-du-portrait-au-xviii-siecle.html
Mignard reproduira à son tour la scène,
alors que sa « Vierge au raisin » ne doit son charme qu’à lui-même. 
- Sur la Côte d’Azur, au XX° siècle, Picasso émerveillé par La chapelle Matisse à Vence https://blog-de-guy.blogspot.com/2024/12/la-chapelle-matisse-marc-chauveau.html 
décore « Le temple de la paix » devenu un des ses musées à Vallauris.
« La joie de vivre »
de Picasso date de 1946,
celle de Matisse de 1906.   
Les phares de l’art moderne s’éblouissent mutuellement, 
chacun s’offrant les plus mauvais tableaux de l’autre,
mais « Au fond, il n’y a que Matisse » reconnait le mari de Françoise Gillot  
« Portrait de Françoise ».
Derrière le talent des artistes dont les « destins croisés » à travers les siècles ont été évoqués en quatre conférences, certaines de leurs existences pourraient se retrouver dans ces mots de Maurice Béjart : 
« Je n'en finis pas de commencer ma vie. 
Quand je pense qu'il y en a qui n'attendent pas d'avoir vingt ans pour commencer leur mort ! »

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