Huit nouvelles s’enchainent agréablement dans ce recueil de
150 pages avec certains personnages passant du second au premier plan d'un chapitre à l'autre.
Dans un bus :
« Elle entend les
gens râler, Avancez vers le fond, putain. Elle se dit qu'ils sont tous (elle
comprise) des personnages de second plan dans la vie des autres. Des figurants.
Comme ceux qui se font assassiner au début du film ou engloutir par la coulée
de lave. Mais ils sont le centre de leur propre vie. Leur propre fil à plomb.
Et cet agrégat de fils à plomb dans un espace aussi réduit est une aberration.
Ça pourrait même devenir explosif. Elle imagine une nuée de phylactères
au-dessus de leurs têtes. Chacun dirait, Je suis la personne la plus importante
de ma vie. »
Si j’ai été déconcerté par les parenthèses, de la solide écrivaine,
auxquelles je préfère les deux points en matière de ponctuation, j’ai savouré sa fantaisie et l’acuité de son
regard original, sans illusion ni
inquiétude.
« Elle se mit à
collectionner les mots qui, quand ils passent au féminin, deviennent des objets
ou du moins perdent leur nature humaine : veilleur veilleuse, chevalier
chevalière, gourmet gourmette etc... »
Son « réalisme magique », qui lui a valu bien des
prix, présente d’intéressants types d’hommes et femmes aux destins ordinaires qu’elle
magnifie sans artifice.
« … les gamins du
quartier n’appelaient plus sa mère que la folle - malgré le fait que leurs
propres mères et grands-mères venaient la consulter en cas de disparition de l’aimé,
de ventre sec, de ménopause mélancolique, ou de règles douloureuses. »
Oui, maintenant je l'ai expérimenté moi-même ; je suis devenue la folle. Il y a pas mal de temps, même. Cela a un côté... reposant, je dois dire. Il y en a beaucoup qui passe la totalité de leur vie à s'angoisser qu'ils vont devenir fous, ou qu'on les prenne pour un fou/folle, mais une fois qu'on a dépassé ça, comme une porte, la liberté est devant ? derrière ? En tout cas, la liberté, une grande liberté, est là. Bien sûr, n'importe qui qui a gardé quelques neurones sait qu'il y a, et aura toujours un prix à payer pour la liberté... point trop d'inconséquence n'en faut, tout de même.
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