vendredi 21 février 2025

En différé.

Dans la farine des jours passés, je prélève quelques grumeaux que le présent vient d’agréger : Gilets jaunes, Van Gogh souillé et voyage à Auschwitz. 
Certaines images perdurent quand la dénonciation des inégalités, l’état de la planète, où la mémoire de l’inhumanité passent au second plan.
Les ronds points piquetés de jaune exprimaient des fractures sociales, territoriales, culturelles venues de loin. Leurs revendications ont été transmises sans recul par quelques commentateurs du court terme à la courte vue qui découvraient de nouvelles têtes
Les mœurs de la République ont été amochées à ce moment là. L’efficacité des modes d’action des G.J. a induit d’autres façons de contester, de ne pas négocier dans notre démocratie représentative.
Sans même évoquer les émeutiers de juin 2023 bien vite oubliés, certains écolos, certains paysans et même quelques députés chifoumi y ont fortifié leur goût de la baston et mis à distance les amateurs de compromis.
En sciant systématiquement les barreaux de l'échelle de ceux qui s’attaquent à « l’Himalaya », les médias friands de clash font la courte échelle aux pires.
Dans un article, un journaliste devenu chroniqueur va rapporter les craintes d’un habitant de Mayotte redoutant la guerre civile, mais dans trois autres fustiger l’emploi du terme « submersion » pourtant assorti du  mot « sentiment de » permettant tous les euphémismes dont les « présumés » objectifs rapporteurs devenus éditorialistes abusent eux-mêmes.
Le pathétique P.S. submergé a rapporté que le premier ministre avait dit un gros mot. 
Les masses laborieuses sont ravies d'une telle audace. 
Les contradictions au cœur de nos atermoiements personnels et de nos hésitations collectives ne peuvent guère apporter de nuances aux avis péremptoires. 
Qui ne pleure pas sur des pertes d’emplois dans des productions polluantes ?  
Qui ne souhaite pas une réindustrialisation de la France douce et parfumée ?  
Mais on n’est pas obligé de suivre ceux qui regrettent les cohortes de camions et manifestent contre de nouvelles lignes de trains. 
La règle des médias exprimée dans cette ordre : « on lèche, on lâche, on lynche » vérifiée avec Royal, Sarkozy et Macron quand ils ont perdu leur prénom, s'inverse avec la déférence envers le R.N. mise à la hauteur de l’indignité du F.N.
Dans mes années militantes, j’ai aimé attirer l’attention par des slogans bien tournés, des chants amusants, des démarches inédites, car nous pensions mettre une forme attrayante au service d’un fond juste et généreux.
Mais de la soupe jetée sur des œuvres, sous prétexte de défense de la nature, s'attaque à la culture. Et bien que les abuseurs de grands mots me fatiguent, de la même façon que je voyais la démocratie en danger quelques lignes plus haut, l’histoire et l’humanité ne me semblent menacés pas seulement par Trump. 
Quelques idiot.e.s qui ignorent les remises en cause, essence même de l’art, mettent au bûcher, comme Savonarole et Goebbels, le travail des hommes. Ils étaient nés quand des témoins de la Shoah étaient encore vivants mais on dirait qu’ils ne savent pas. 
Depuis cinquante ans un avenir sombre est prévu pour la planète, il est bien tard.
Et les reports de responsabilité sur l’école, entrepôt de l’avenir, empêtrée dans les aléas du présent a bien du mal avec le passé. Je trouve les pédagogues de peu de foi envers eux mêmes pour ne pas contredire l’idée que la mémoire des camps serait atteinte par la disparition des derniers témoins directs.
Il n’est pas besoin d’avoir mis les pieds sur la lune pour avoir eu connaissance que l’un de nous a laissé son empreinte sur notre satellite en 1969.  
« La lune est le soleil des statues » Jean Cocteau

1 commentaire:

  1. Je publie sous mon nom un texte que n'a pas pu faire paraître ma fidèle commentatrice:
    "Je fais partie des gens qui estiment que la mémoire des camps sera atteinte par la disparition des derniers témoins directs. Cela ne veut pas dire qu'elle disparaîtra avec les derniers témoins, mais... elle sera différente DANS NOS TETES, et pour la collectivité. La question qui est posée est celle du poids de la chair comme support de notre mémoire, et je trouve que la question du poids de la chair à un moment où il y a beaucoup de... dématérialisation qui est prônée à droite et à gauche, sans distinction, d'ailleurs, cette question, ainsi que le poids lui-même, est capitale. Je crois que j'ai tenu un propos nuancé, là...
    J'ai écrit en anglais hier sur un site anglais que la mission, le devoir de l'école est de rendre possible une transmission entre les générations, en sachant que cette transmission, de tout temps, est une affaire de personne à personne avec des aléas. Le rôle de l'école COMME INSTITUTION est de ne pas mettre trop de bâtons dans les roues de cette transmission de personne à personne, même de ne pas faire tout son possible pour la rendre IMPOSSIBLE, par dépit de constater la véritable ? nature de la transmission entre les générations, quand elle a lieu. Ce serait déjà beaucoup que l'institution de l'école, l'institution de la république elle-même ? ne s'acharnent pas contre la transmission, par dépit de ne pas pouvoir la monopoliser, comme il me semble voir en ce moment. Le dépit, la désillusion font faire des choses... glauques, sordides, indignes dont nos enfants font les frais.
    Mais je profite pour répéter la leçon que j'ai apprise auprès de Konrad Lorenz il y a des lustres dans son livre, "Les Huit péchés capitaux de notre civilisation", quand il s'interrogeait sur la nature de la démocratie, en se demandant bien ce qu'il avait sous les yeux. Cette interrogation, QUE NOUS NE PRATIQUONS PAS, nous contentant de seriner des mots en les suçant comme des sucettes, faisait remarquer à quel point "démocratie" rime avec conflits incandescents pour le pouvoir social entre les sexes et les générations. Et bien... nous y sommes...et je vois qu'il n'y a aucune modération dans ces conflits…"

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