« L’école est devenue une activité entre deux
week-end », je serais tenté d’étendre la formule, dont j’ai usé abondamment,
au boulot en général pour le situer entre deux burn-out, ou à quelque vie
sentimentale entre deux tabassages, un parcours scolaire entre deux
harcèlements, voire une vie tout court entre avortement raté et suicide (assisté)
réussi.
Nous sommes dans un temps où il est nécessaire de rappeler
que notre liberté est plus sûre, le confort plus courant, le savoir mieux
partagé avec les accélérations technologiques et une croissance économique qui
progresse dans le monde.
Mais quand la planète s’effondre comment ne pas voir la vie
en noir ?
Le droit à l’avortement est devenu un enjeu politique majeur
dans bien des pays, le travail une méprisable activité au moment où le chômage
régresse. Les rapports sociaux se réduisent à une violence saturant les canaux
d’information de récits de femmes battues ou d’ados tourmentés par leurs pairs.
Dans les couches paisibles de l’Occident, le désir de reproduction
devient un sujet d’étonnement, alors que l’envie de transmettre connaissances
et valeurs sent l’obsolescence comme le terme « vocation »
caractérisant jadis hussards noirs et prêtres en soutane.
Ferry Jules parlait de « flétrir l’égoïsme » dans sa « lettre aux instituteurs » de 1883 .
Les formules pour assiettes à l’entrée des appartements du
temps du Formica se retrouvent sur les réseaux sociaux qui aiment la brièveté
et la solennité. L’une d’elles vantant les vertus de l’école s’est attiré un commentaire lapidaire rappelant le rôle de l'éducation nationale dans la reproduction sociale. Cette remarque portée par les analystes les plus
progressistes peut servir d’alibi à tous les renoncements, à toutes les
passivités.
« Ce n’est pas en ignorant la gravité et
l’aérodynamique que l’on peut inventer des avions.
Et ce n’est pas en
méconnaissant tout ce qui pèse de façon constitutive sur nos structures
sociales que nous pourrons trouver des voies d’émancipation. » Bernard
Lahire.
Les certitudes en pédagogie sont provisoires depuis
« La société sans école » jusqu’au retour de la badine. Quelques
capacités d’adaptation sont requises en la matière : de l’instruction à
l’éducation, de la démission des parents à leur omniprésence, de la confiance
aveugle à la défiance systématique, de la toute puissance du maître à
l’effacement de la professeure des écoles. Les bacs +5 se font prier pour exercer alors que sont en
retrait les lauréats des baccalauréats bradés de 68. J'obtins celui-ci avant d’exercer
à 18 ans devant des enfants de 15 ans.
Nous nous recroquevillons, nous désolant de la virulence de
l’Intelligence Artificielle alors que nous pourrions nous enorgueillir de ce
type de production humaine.
« L'intelligence
artificielle se définit comme le contraire de la bêtise naturelle. » Woody Allen
Les bricolages génétiques avec marchandisation des corps
pourraient nous inquiéter bien autant.
Les causeurs en recherche de clics et leur cause d’un jour
ne savent s’appesantir sur les échecs. Un clou chasse l'autre, par exemple l’exaltation des moments de fièvre
jaune a duré le temps d’un feu de palettes mais aucune leçon n’a été tirée, et les titres à propos de l'interdiction de signes religieux à l'école n'ont pas porté sur l'efficacité du ministre.
Pour échapper à la complexité du monde, une petite querelle
subalterne mais pas tant que ça finalement : les appréciations méprisantes
contre la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby confirment notre
perte du sens du second degré et confortent les attaques de ceux qui vomissent
La France, que nous influençâmes jadis sur leurs terres africaines bien que
nous les ayons quittés depuis quelques décennies.
« L’Angleterre
s’écroule dans l’ordre, et la France se relève dans le désordre. »
Un bon cru, Guy.
RépondreSupprimerJe m'étonne de tous ces paradoxes, mais je les subis en même temps : notre sécurité est mise en avant pour justifier toutes les protections, même les protections les plus étouffantes et liberticides ?, mais on dirait que l'avancée de ces protections contribue à nous inculquer une terreur de perdre la sécurité, et induit un terrible sentiment d'insécurité.
Contrairement à d'autres personnes qui parlent facilement d'égoïsme pour parler de l'anéantissement de notre âme au fur et à mesure que la nouvelle cosmogonie scientifique moderne avance en rouleau compresseur, je vois plutôt notre isolement, notre transformation en tant de petites îles, sans pont entre elles, AUTONOMES, mais flétries de solitude. Je crois qu'il n'est pas approprié de parler d'égoïsme pour ce cas de figure, d'ailleurs, je commence à essayer de restreindre les mots en "isme" dans mon vocabulaire, car ils véhiculent un système de pensée organisé, et j'interroge le fait d'appeler notre désarroi avec un mot en "isme". "On" abuse du suffixe "isme" en ce moment, par paresse ? par refus de chercher d'autres mots qui seraient plus appropriés, à mon avis.
Que dire du désenchantement, du refus d'avoir la foi.. ne serait-ce que dans son prochain ? Si je ne savais pas que dans certaines circonstances, l'Homme, incarné dans mon prochain peut toujours être beau, gracieux, voire noble dans ses actes, je pourrais désespérer. Mais il m'a été donné de voir toujours sa soif de grâce, qu'Il vit comme une vraie nécessité, malgré toutes les tentatives d'abolir l'héritage religieux chrétien en Occident, pour y SUBSTITUER une religion d'Etat pour prendre le relais.
Pour moi, une religion d'Etat, si à prime abord elle parait confortable et rassembleuse, est... une arnaque, et les besoins religieux (qui vient de re-lier) sont trop puissants pour s'en satisfaire à la longue. Les Romains en savaient quelque chose, eux qui avaient tant essayé de fédérer "l'empire" autour d'une religion d'Etat, mais qui ont été confrontés à de sérieux désordres pour transmettre le pouvoir, afin de pouvoir faire durer l'organisation politique.
Finalement, la religion d'Etat se résume à ce qui reste, persiste, quand les citoyens ? ont perdu la foi, et... ce n'est pas assez porteur pour fédérer et faire société ou nation. C'est l'Histoire qui l'enseigne. A mon avis.