Premier film du cycle 2021 « Peintres au cinéma »
devant les Amis du musée de Grenoble, avec ce long film (2h 1/4) de Carol Reed
nous contant les quatre ans nécessaires pour que le plafond de la Sixtine soit
donné au monde en 1512.
Le pape Jules II avait compris d’où venait le souffle de son
protégé Michelangelo Buonarroti avec
lequel le conflit avait pourtant été permanent.
Carol Reed, le réalisateur britannique du film, influencé
par l’expressionnisme allemand, en particulier dans son chef
d’œuvre « Le troisième homme », est associé cette fois à
l’auteur américain Irving Stone spécialiste des biographies. Une des
problématiques avec son employeur, la Fox, alors empêtrée dans le titanesque « Cléopâtre »
qui prendra autant d’années pour être réalisé que La Sixtine, peut se lire dans
la séquence où artiste et commanditaire débattent. Qui aura le « final
cut » : le réalisateur ou le producteur ? Ce sera le réalisateur. De Laurentis
producteur associé à cette entreprise en avait l’habitude. Il fera tourner le
film à Cinécittà. Le film aux couleurs de péplum où la pourpre cardinalice
serpente joliment dans les campagnes est documenté. Par contre, une liaison de
l’artiste avec la Contessina de Médicis est romancée pour éviter de
révéler au public de 1965, l’homosexualité de celui qui peignait les femmes
avec des corps d’hommes.Rex Harrisson, l’anglais, n’a pas voulu porter la barbe
comme le pape qu’il interprète alors que Charlton Heston, le pur yankee, s’était
fait greffer une lamelle d’acier dans le nez pour mieux ressembler à Michel
Ange. Pour l’anecdote, lors de son interprétation dans « Les dix
commandements » il avait gardé sa montre au poignet au moment où il brandissait
les tables de la Loi.Les scènes d’intérieur pontificales, de taverne où l’on se
« débarrasse du vin aigre » alternent avec des scènes de bataille
menées par le pape. Celui-ci devait asseoir son impérium contre les troupes
françaises et pour s’affirmer face aux puissances locales : Bologne,
Florence…Michel Ange a vécu 89 ans. Génie ombrageux, il a
effectivement quitté le chantier d’un pontife mauvais payeur, plusieurs fois. Il
est revenu réaliser trente ans plus tard « Le jugement dernier »
après avoir peint 500 m2
et 350 personnages, « l’histoire de
l’humanité » sur « Le ciel de la Sixtine », couché sur le dos,
épuisé, en haut d’échafaudages inédits.
Le film traduit bien l’affrontement avec la matière d'un artiste avant tout sculpteur, entre l’architecte Bramante
reconstructeur de Saint Pierre et le doux Raphaël qui a travaillé avec lui.
En introduction, un documentaire présente l’œuvre sculptée
du Florentin à « l’inachèvement délibéré ».
Peints « a
fresco », ses puissants personnages en mouvement influenceront le style
baroque, les enchevêtrements des corps charmeront les maniéristes. Juste avant
un intermède musical alors tandis que l’artiste voit le soleil se lever, « la
bouche d’ombre » d’Hugo peut être convoquée, comme « Le Voyageur
contemplant une mer de nuages » de Caspar David Friedrich, icône du
romantisme.
Le pragmatisme d’Hollywood n’hésite pas à parler d’argent,
mais il est vrai que même dans les questions théologiques l’argent n’est pas
absent avec le scandale des indulgences, une des causes de
l’apparition du protestantisme. Elles ont financé des merveilles. Les débats
entre anciens et modernes revêtent
toujours les mêmes oripeaux : l’homme nu à sa naissance est-il
innocent ? Ceux qui ont connu le péché originel et les souffrances du
crucifié ont-ils dépassé la pureté grecque ?
Pour compléter ce double voyage dans le temps où le kitch
des années 60 convient aux flamboyances « Renaissance », nous voilà
avec une recommandation nouvelle pour le film de Kontchalowski de 2019 qui commence quand
finit celui là : « Il peccato »
« Le Péché ».
Et merci pour ce voyage. J'ai du voir ce film il y a très longtemps, et je ne me souviens de rien. La Chapelle Sixtine est un lieu qui émerveille par l'ampleur de la vision du pape... et de Michelange, qui ont tous les deux des idées grandes pour ce que peut être l'Homme à l'image de son Dieu. (L'Homme n'est-il pas toujours à l'image de son Dieu, et le transhumanisme n'est-il pas là pour nous le démontrer ?...)
RépondreSupprimerSi la Sixtine me transperce de sa grandeur, je dois avouer ne pas adorer la peinture de Michelange qui, de mon point de vue, est bien meilleur sculpteur que peintre. Surtout qu'il tend à faire des corps peints des corps sculptés...
Pour les indulgences...encore une affaire de s'étriper pour savoir ce que l'argent peut et doit, acheter, et avec l'argent, comment raisonner... la grâce. "Peut-on tout acheter" va de pair avec "peut-on tout expliquer/raisonner, et tout comprendre ?"
De sacrés enjeux qui n'ont pas fini de nous ébranler de fond en comble...