vendredi 8 novembre 2019

Prudences.

L’écriture devient hors du coup en ces temps succincts, elle prend du temps, s’expose aux jugements différés. Mais comme elle est jolie la citation de Robert Sabatier :
« Lorsque la mémoire était la seule écriture, l'homme chantait.
Lorsque l'écriture naquit, il baissa la voix.
Lorsque tout fut mis en chiffres, il se tut. »
Ce grimoire électronique personnel que vous croisez, me fournit un refuge pour douter à loisir, et me permet d'essayer de moins intervenir dans les discussions de vive voix. A l’oral, terrain des certitudes, je continue cependant à marquer mes désaccords avec les abstentionnistes par exemple.
Même si c’est le ressentiment qui peut faire gagner une élection, il n’y a pas d’autre issue démocratique que la légitimation par le vote. 
Pourtant avec tous ceux qui contestent sans cesse le verdict des urnes ça commence à faire du monde, un monde à l’horizon bouché comme le ciel de New Delhi, quand les inquiets à propos du devenir de la planète rencontrent dans les cortèges les frénétiques du « toujours plus », les opposants au nucléaire et ceux qui sont contre les éoliennes, les adversaires de la mondialisation qui vivent de l’exportation et les réformateurs qui ne veulent pas de réforme…
Les porteurs de couteaux, incendiaires et autres profanateurs prennent la suite sur nos écrans qui masquent, au creux de nos mains, nos lignes de vie.
Pour avoir trop tendance à aimer tirer des considérations générales à allure politique, nimbant de grands mots quelques anecdotes, j’aime mettre en avant mes incertitudes.
Je ne me sens guère la capacité de disserter à propos de la Catalogne quand je ne savais que penser de celui qui me coinçait à un rond-point. Même sur le terrain de l’école qui me fut familier, je ne m’avance plus trop face aux attaques contre la laïcité, hésitant quant à mes fondamentaux.
La mère d’une victime de Mohamed Mehra  qui milite dans les écoles contre les fanatiques religieux a la tête couverte, mais qui peut dire «  le voile est souhaitable » juste pour contredire Blanquer lorsqu’il avait  avancé : «  le voile n’est pas souhaitable dans notre société » ?
Sylviane Agacinski ne peut s’exprimer dans une université : la maigreur des indignations est préoccupante.
Les Lumières combattaient les superstitions, lesquelles ont gagné ?
Dieu est mort pour certains, mais le diable a de belles nuits devant lui, au moment où les mensonges se nomment vérités alternatives et que la distinction du bien et du mal ayant déserté les préaux va se chercher dans quelque désert syrien.
« Le Gorafi » est devenu une référence plus familière que « Le Monde » et le « n’importe quoi » plus sympathique que la complexité.
Le roi  nu, n’est pas ragoutant et rappeler le montant de la dette publique bien peu agréable à entendre. 
« Un mensonge qui fait l'affaire vaut mieux qu'une vérité qui l'embrouille. »
Le proverbe est persan, si Trump le savait ! Mais ses « fake » n’ont même pas besoin de faire l’affaire.
Depuis que Capet a perdu la tête, beaucoup se sentent roi, confondant les faits avec leur opinion. Libres disent-ils, tout en ne sachant pas se confronter avec ceux qui ne seraient pas de leur avis : d’où les niches, les ghettos. 
Le sentiment d’insécurité se confondait avec l’insécurité, mais le sentiment d’être une victime devient tellement massif que l’on ne sait plus voir les vraies victimes.
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Dessin de "Courrier international"  de Cau Gomez Brésil 

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