Cette fois à la MC 2, dans la grande salle qui se prête
plutôt aux mises en scènes spectaculaires, j’ai été ému et trouvé pleinement
réussie cette approche d’un géant de la littérature dont la précision va au
cœur de notre intimité.
Les souvenirs d’une grand-mère vietnamienne prennent une
dimension universelle quand ils s’entrecroisent avec les mots attentifs de
Marcel P. Le morceau qui aurait pu être de « bravoure » concernant la
madeleine est habilement contourné : après avoir englouti « un de ces gâteaux courts et dodus
appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée
d'une coquille de Saint- Jacques » l’acteur se sent des envies
d’écrire.
Mais il sera plutôt question d’un porc au caramel dont les saveurs permettent de se
rappeler :
« … quand d'un
passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction
des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus
persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps,
comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste,
à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice
immense du souvenir. »
Pendant une heure trois quarts nous pouvons déguster les
mots qui expriment l’intensité de vivre, et une ardente « présence au
monde » à travers le rappel de la vibration d’un instant passé. Nous prenons
le droit d’aller faire un tour vers les territoires de nos mémoires et de cet
amour absolu, tyrannique accompagnant souvent l’enfance, qui avec la mort
omniprésente pourraient se mettre en triptyque pour composer un titre
Lelouchien : la mémoire, l’amour, la mort.
Ce serait to mutch, mais ces absolus vont bien à l’essentiel
de nos vies, non ?
Des chaises encombrent la scène, grenier de la mémoire, surplombée
par une pièce silencieuse d’où les mots proviennent. A défaut de faire revivre
la grand-mère et la mère tant aimées, la subtilité des longues phrases nous
aide cent ans après à mieux vivre avec nos fantômes, avec nous mêmes.
« … depuis peu de
temps, je recommence à très bien percevoir si je prête l’oreille, les sanglots
que j’eus la force de contenir devant mon père et qui n’éclatèrent que quand je
me retrouvai seul avec maman. En réalité ils n’ont jamais cessé ; et c’est
seulement parce que la vie se tait maintenant davantage autour de moi que je
les entends de nouveau, comme ces cloches de couvents que couvrent si bien les
bruits de la ville pendant le jour qu’on les croirait arrêtées mais qui se
remettent à sonner dans le silence du soir. »
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