samedi 2 novembre 2019

Ulla ou l’effacement. Andréas Becker.

55 pages fulgurantes aux « Editions d’en bas ». Un grand livre.
Je me suis demandé si l’écrivain pouvait encore écrire après cet ouvrage de douleur tant sa recherche des mots pour décrire la mort annoncée de sa mère peut atteindre le lecteur.
« Elle, elle était allongée sur le canapé, sur le dos, une main sur son ventre bombé d’eau. C’était ça, elle, là. Elle n’était rien d’autre que ça, là, le canapé contre un mur blanc, un mur vide. C’était dans les vapes qu’elle était. Quelque part là, oui, sans doute. Il faudrait dire ça plus exact peut-être, mais on ne peut pas. Ce qu’on ne peut pas, il faudrait l’essayer ici.
Le canapé était bouteille vert, ça je me souviens.
Ça ne disait rien, elle. »
A l’opposé de toutes les recherches artificielles du nouveau roman, les répétitions, les mots les plus simples soulèvent la peau des choses et vont au cœur des entrailles.
« Elle avait vu le médecin, lui avait dit l’eau dans le ventre, l’eau dans les jambes, le lui avait dit, la bouteille de whisky par jour. C’était ça, depuis des années. Maintenant, ça, elle n’en avait plus besoin, c’était condamné. Le foie, c’était irréversible, le ventre bombé, les varices, les hématomes, les saignements. Les reins foutus, les artères bouchées.
Le cœur est bon, c’est ça le drame. Ç’avait dit ça, le médecin. »
La première page est laide à l’image de la condition de cette femme dont est rappelé le passé de calamité :
« Elle, petite fille, elle avait couru entre les cadavres, sous les bombes incendiaires. Elle avait asphyxié dans les bunkers, elle avait pleuré, elle avait perdu sa poupée engluée dans les goudrons liquéfiés d’une ville en perdition. »
Le malheur est là jusqu’au bout :
« Il y a sa vie comme une vie fautive, une vie comme pas vécue, une vie pour rien, qui se termine là, dans un souffle, sans effort, c’est là, sa vie comme un malentendu. C’était faux, elle, là, faux comme corps. C’était faux comme ce corps qui allait finissant sans avoir fleuri. »
Il faudrait tout citer.

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