Je me suis demandé si l’écrivain pouvait encore écrire après
cet ouvrage de douleur tant sa recherche des mots pour décrire la mort annoncée
de sa mère peut atteindre le lecteur.
« Elle, elle
était allongée sur le canapé, sur le dos, une main sur son ventre bombé d’eau.
C’était ça, elle, là. Elle n’était rien d’autre que ça, là, le canapé contre un
mur blanc, un mur vide. C’était dans les vapes qu’elle était. Quelque part là,
oui, sans doute. Il faudrait dire ça plus exact peut-être, mais on ne peut pas.
Ce qu’on ne peut pas, il faudrait l’essayer ici.
Le canapé était bouteille vert, ça je me souviens.
Ça ne disait rien, elle. »
Le canapé était bouteille vert, ça je me souviens.
Ça ne disait rien, elle. »
A l’opposé de toutes les recherches artificielles du nouveau roman, les répétitions, les mots les plus simples soulèvent
la peau des choses et vont au cœur des entrailles.
« Elle avait vu
le médecin, lui avait dit l’eau dans le ventre, l’eau dans les jambes, le lui
avait dit, la bouteille de whisky par jour. C’était ça, depuis des années.
Maintenant, ça, elle n’en avait plus besoin, c’était condamné. Le foie, c’était
irréversible, le ventre bombé, les varices, les hématomes, les saignements. Les
reins foutus, les artères bouchées.
Le cœur est bon, c’est ça le drame. Ç’avait dit ça, le médecin. »
Le cœur est bon, c’est ça le drame. Ç’avait dit ça, le médecin. »
La première page est laide à l’image de la condition de
cette femme dont est rappelé le passé de calamité :
« Elle, petite
fille, elle avait couru entre les cadavres, sous les bombes incendiaires. Elle
avait asphyxié dans les bunkers, elle avait pleuré, elle avait perdu sa poupée
engluée dans les goudrons liquéfiés d’une ville en perdition. »
Le malheur est là jusqu’au bout :
« Il y a sa vie comme une vie fautive, une vie comme pas vécue, une vie
pour rien, qui se termine là, dans un souffle, sans effort, c’est là, sa vie
comme un malentendu. C’était faux, elle, là, faux comme corps. C’était faux
comme ce corps qui allait finissant sans avoir fleuri. »
Il faudrait tout citer.
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