Tant se sont perchés sur les ailes du Temps que son vol
s’est alourdi, la métaphore sent fort, les formules rusées se sont usées, les
allitérations condamnées à s’aliter.
Mais trêve des circonvolutions coutumières, je reviens à un
signe des temps, petit créneau perso : la disparition des samedis à
l’école.
« Dis raconte nous Oncle Paul ! »
L’affaire est entendue et nul ne fera revenir ces heures
tranquilles.
Reste après avoir éloigné la nostalgie à souligner quelques
traits d’une évolution qui ne me semble pas si anodine.
Les élèves pendant la semaine vivent à un rythme différent
de celui de la famille soumise à d’autres contraintes, dans d’autres lieux. Le
samedi des écoliers était soustrait au temps de repos parental, à celui de la
maison. La décomposition des familles a été fatale à cet oasis pédagogique quand
l’école dictait la loi. Cette demi-journée de classe permettait de ramasser la
semaine écoulée et de projeter la suivante.
Les loisirs ont donné le tempo pas seulement pour des
raisons économiques mais ont accompagné les glissements culturels où le travail
est vécu comme un fardeau, les apprentissages étant d’avantage l’affaire des
écrans bleus que des tableaux noirs.
Les sociologues à la queue leu leu qui chargent l’école de
tous les maux, pourront fustiger le poids des déterminismes sociaux, les marques
d’appartenance de classe se sont tatoués un peu plus avec cette réduction des
horaires scolaires. Certains vont au ski et d’autres subissent les goûts
musicaux des ainés et le silence des pères. Là aussi le privé a pris le pas sur
le public.
Faisant semblant de commander aux éléments alors que le sol
se dérobait sous leurs pieds, les
différents ministres ont d’abord satisfait des électeurs et les instits
parisiens qui avaient un trajet de moins à effectuer jusqu’à leur banlieue. Il
y a belle lurette que les maîtres n’étaient plus dans le quartier.
Cette évolution étalée sur des années allait dans
le sens du vent, alors qu'en ce qui concerne le bac recueillant depuis longtemps des critiques, celles-ci se sont tues pour laisser place... à la contestation de la réforme. Les oppositions vont de zig en ZAD.
Que l’on ne nous dise pas que c’est l’école qui
fatigue : ceux qui sont affalés sur leur table ont veillé jusqu’à point
d’heure, accros à leur téléphone en verre.
Oui, quelques branleurs déconsidèrent le mouvement pour la
planète pointant le manque de courage des
vieux qui viseraient à se défausser sur les générations à venir « nous ferons nos devoirs quand vous
aurez fait les vôtres » mais qu’ils n’oublient pas de bosser ! Des
ingénieurs seront utiles pour compléter le cobalt des batteries.
Bruno Latour précise après avoir remarqué : « A part quelques Californiens qui
veulent aller sur mars, tout le monde sait que la modernisation ne peut pas
continuer. » Et le progrès humain ? «Ma génération voulait faire table rase. Les jeunes qui manifestent
pour le climat souhaitent eux ralentir le temps et font appel à la
responsabilité. »
Il est encore question de temps.
Décidément la fibre professorale me constitue, mais au pays
des donneurs de leçons, il y a du monde et pas forcément de la profession. Les
journalistes distinguent de moins en moins information et commentaire, si bien
que la formulation d’un journal anglais, envisageant après les européennes, les
réactions de deux camps et non seulement celui du bien, m’a parue
remarquable :
« En revanche,
nous n’avons pas assisté à la percée que certains de leurs sympathisants
promettaient ou que leurs opposants craignaient. »
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