J’aime tant la contradiction, que je n’ai pas écouté mes
amis qui n’avaient pas été emballés par les 2h 30 qui avaient
enchanté les critiques ; je ne leur chercherai pas chicane.
J’étais bien parti pour méditer à l’occasion de plans
immuablement beaux, mais l’acteur
principal ne m’a pas convaincu : une gueule certes, mais ses
grognements et grimaces peu variés ne méritaient pas tant de louanges, la recherche d’une performance à
l’ancienne se voit trop.
L’opposition entre le côté noir du personnage si peu social
complètement contraire à l’artiste qui invoque un Dieu soleil sur son lit de
mort, manque de nuances. Père indigne, amant pas aimant, je n’ai pas saisi le
génie du peintre précurseur de l’impressionnisme qui a tant éclairé nos musées
et notre façon de voir les paysages, les brumes et les couchers de soleil.
Le film est trop gracieux pour qu’on comprenne comment le
peintre apporte sa touche particulière. Il se fait attacher à un mât de bateau
pendant une tempête et en ressort avec une toux persistante, on a entrevu trop
vite son lyrisme, pas loin de l’abstraction.
Le mérite de ce moment de cinéma pépère est de donner envie
de voir ou revoir les toiles du romantique qui légua ses tableaux (412 à la National Gallery),
20 000 œuvres sur papier au domaine public et 200 000
livres sterling pour la construction d'un asile en
faveur des artistes pauvres. C’est pas Koons quand même.
Pas d'accord avec toi, ni tes copains, Guy, sur ce film que j'ai vu hier.
RépondreSupprimerJe peux très bien comprendre pourquoi Mike Leigh a voulu faire un film sur la peinture, et sur un peintre si moderne à l'heure actuelle, quand on songe combien notre modernité DOIT à l'artiste peintre depuis la Renaissance.
L'artiste peintre, dont le regard... scientifique ? inaugure notre modernité ?
Les grognements de l'interprète ne m'ont pas dérangée le moins du monde : il nous a fait pressentir l'extrême sensibilité d'un être pudique, complexe, ambivalent, contradictoire qui ne peut que résister à toute tentative de le faire rentrer dans un avatar simpliste de bondieuserie sans Dieu.
Décidément, l'Homme ne se laisse pas... réduire à ce que "nous" voulons faire de lui, et.. l'homme non plus ne rentre pas bien dans nos nouvelles grilles d'interprétation.
La reconstruction détaillée et patiente de l'époque jusque dans le moindre détail a du apporter un énorme plaisir à Mike Leigh à l'époque où le canapé Ikea est CENSE être dans tous les salons.
Un traitement fin et sensible des rapports entre Turner et les trois femmes de sa vie, en songeant que c'est le nom de la domestique Damoiselle, fidèle préparatrice de ses toiles (au dépens de sa santé ?) qui sera sur ses lèvres au moment où il expire.
Qu'est-ce que le cinéma DOIT à la peinture, Guy ?
Et qu'est-ce que le cinéma a fait pour porter une cuisante atteinte à l'image et à la forme humaine dans la peinture, par photographie interposée ?
Monet, et d'autres génies.. scientifiques ont utilisé la photographie avant qu'elle ne finisse par transformer radicalement le regard de M et Mme Tout le Monde sur... la "réalité"...