A quoi j’en suis rendu ? Titrer un article avec un
mot si gros : « liberté ».
On vivait en liberté et on n’en savait rien.
Dans le journal Libération, Dalibor Frioux :
«D’où vient donc que
ces gamins des quartiers dits sensibles ne supportent pas les caricatures du
Prophète ? Certainement pas de leur compétence en théologie musulmane, ni d’un
point de vue approfondi sur les limites des libertés individuelles en
démocratie. Mais d’un sentiment d’être exclu de cet humour de centre-ville :
d’un sentiment de l’honneur publiquement bafoué. »
Aujourd’hui les censeurs fusil au poing ne
s’interrogent pas :
« Attention ça
tire ! » (humour centre ville et orthographe discriminante)
Les autos censeurs mettent la gomme.
« Il faut subir
ces temps d’affliction, dire ce que nous sentons, et non tout ce qu’il y aurait
à dire » Shakespeare.
Certains voudraient que les pages restent blanches, les
bouches muettes ; les bras nous en tomberaient.
Bien qu’ayant fait quelques temps profession de prêcheur
dans le désert, je ne me résous pas au silence : la parole est la thérapie
la plus efficace pour les traumatisés de la perte de leur Grand Duduche, et
puis le débat est à la racine de la démocratie, non mais !
Dans la continuité d’une pédagogie qui essayait de favoriser
l’expression, je me désole de la lassitude de mes contemporains face aux
discussions dont les citoyens ont à s’emparer en ne se contentant pas de
copier/coller les analyses les plus pertinentes, les tweets les plus
percutants.
Pourtant Régis, Malek ou Djamel sont bien réconfortants, le
bouffon a pu se permettre de proclamer
que « sa mère est la France ».
Qui d’autre pouvait le dire sans s’attirer des
sarcasmes ? Et que l’on devait respecter les morts.
Une de mes copines dans son groupe d’alphabétisation a recueilli
les critiques de femmes choquées dans
leur croyance par les dessins et a dit qu’elle aussi pouvait être chiffonnée en
tant que femme par des visages masqués : c’est respecter les autres que ne
pas abdiquer de ses valeurs.
La mère de la première victime de Merah passe dans les
collèges pour défendre la
France et rejeter le terrorisme, elle est voilée. Depuis mon
clavier retraité, il est facile de camper sur des principes et je sais la vertu
de bien de jeunes collègues qui sont au front.
Ce n’est pas facile, donc intéressant, malgré des
échappatoires automatiques.
- Charlie ?
- Macron !
- Islam ?
- Marine !
Cependant opposer les paroles de Dieudonné aux dessins de
Charb ne relève pas toujours de la mauvaise foi.
Les contradictions sont terribles mais beaucoup moins que
leur résolution dans un cimetière.
Les repères sont brouillés : Bernard Maris appréciait Houellebecq
et Jeannette B …
Des gardiens de la paix, qui protégeaient des dessinateurs
anti-flics, l’ont payé de leur vie.
En tous cas, le débat sur la baisse des impôts s’est éloigné.
Les débats prennent de la profondeur, secouent le
politiquement correct, Raphaël Liogier dans Libé, encore :
« …des jeunes
frustrés, qui finissent par prendre au sérieux la mise en scène collective qui
leur assigne le rôle du jihadiste dont on a si peur. Ce rôle, monstrueux pour
«nous», devient désirable pour «eux», justement parce qu’il est monstrueux pour
nous. »
Pour toutes les vierges que ces jeunes hommes se refusent à
aborder, à aimer, ils en arrivent à ne les envisager que mortes, jusqu’à se
porter le coup fatal, sans oublier auparavant les fondamentaux : opprimer
les belles.
Je ne peux me résoudre à ne plus apprécier un humour qui
serait « centre ville » et abandonner ce qui s’appelle aussi « l’esprit »
qui constitue la douceur de vivre, la subtilité des relations.
Je me désolais depuis
un moment de la pollution des conversations politiques par l’ironie permanente,
la caricature omniprésente, pourtant les
« Guignols », « Charlie », « Le Canard »
sont plus que jamais indispensables.
S’ils devaient rogner
leurs ailes, ce serait beaucoup plus que
notre jeunesse potache qui aurait été assassinée le mercredi 7 janvier 2015, c’est l’âme d’une nation, son
intelligence qui disparaîtraient.
« Parler de
liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux autres ce
qu’ils n’ont pas envie d’entendre » George Orwell
.....................
Dans "Le Canard" de cette semaine
Grrr..
RépondreSupprimerEt voici pour Orwell : AVANT... la liberté de dire aux autres ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre, je mets... la possibilité de se dire, et entendre ce que SOI, on n'a pas envie d'entendre.
La capacité de SE mettre en question, avant de mettre l'autre en questions. Au moins, en même temps.
...
Cette semaine une collègue de travail nous a montré des photos de son dernier voyage dans des coins reculés d'Ethiopie, peut-être dans des endroits que vous avez déjà foulé de vos pieds.
Elle parlait de son désir de ramener... quelques photos, pas une tonne, des personnes vivant si loin de l'Occident, des vrais.. Autres, j'ai envie de dire.
Et elle exprimait son chagrin de constater combien le commerce de la photo avait déjà... corrompu les esprits dans ces ethnies lointaines.
L'Occident a commencé à grignoter ces esprits, et le tourisme, même sur place, réduit ces hommes et ces femmes au statut d'animaux de zoo, de "couleur locale". Pour des gens très bien intentionnés, très gentils, d'ailleurs..
Comment défendre NOS idéaux en ce moment, Guy ?
Pour la censure... elle a du bon, tout de même.
En introduisant... une contrainte, elle contraint à l'inventivité ; l'obstacle est le creuset de la création. Sinon on fait... n'importe quoi, pour n'importe qui, n'importe quand, n'importe où, et l'époque, à mes yeux, illustre bien les dangers de tant.. d'indifférence/indifférenciation.
...
Il me semble que bien des articles, des réflexions en ce moment remettent en question quelques certitudes, la bienveillance s’oublie, nous révisons aussi des fondamentaux qui semblaient tellement aller de soi qu’on les avait oubliés.
RépondreSupprimerPour apporter une contradiction comme tu le fais avec souvent beaucoup d’originalité, en ce qui concerne les photos des tribus en Ethiopie qui mettent en évidence notre position de touriste, leur demande d’argent peut se légitimer : ils vivent du tourisme comme nous le faisons en France, première destination touristique.
Ah bon ? Avant le tourisme, ils devaient bien vivre de quelque chose... d'Autre, non ? J'arrive à penser de plus en plus qu'il y a un Avant le tourisme, et un.. Après, et l'Après me semble de plus en plus... apocalyptique.
SupprimerPour la bienveillance, je me sens bien seule dans le désert à dire combien nous ne mesurons pas les effets incroyablement corrosifs et destructeurs de notre bienveillance, ce... "bien" que nous faisons surtout pour nous sentir... "bien bon" en invoquant l'Amour, bien entendu.
Un exemple : à Paris, ma belle mère de 88 ans, sans aucun problème de santé, avec ses deux jambes intactes, seule dans un grand appartement, mais bourgeoisement seule, si je puis dire, se fait nourrir par la charité de ses voisins.
C'est gentil, n'est-ce pas ?
En attendant, ça contribue à la rendre de plus en plus... dépendante, et elle ne veut plus faire des démarches, même les plus élémentaires, (cuisine minimum, et courses) pour elle toute seule. (Comme les moineaux en hiver, pourquoi aller chercher ta pitance, en faisant un effort, quand.. par bienveillance et bonnes intentions, on te met de la graine dans une assiette, et tu n'as qu'à picorer ??)
La bienveillance n'a pas que du bon...
Pourquoi on ne veut pas admettre ça ??