jeudi 22 janvier 2015

Le Pérugin. Catherine de Buzon.

Le jour de la tuerie du journal Charlie Hebdo, une minute  de silence a été observée avant la conférence aux amis du musée consacrée à une figure de la Renaissance quand  l’Europe chrétienne revisitait la raison de la Grèce antique.
Le Pérugin né près de Pérouse a pris pour l’éternité, comme d’autres artistes, le nom de sa ville ; il s’appelait Pietro di Christoforo Vannucci.
A la manière des flamands, il inscrira souvent les paysages de sa paisible Ombrie natale dans ses tableaux en se souvenant des perspectives de l’orchestrateur de la lumière, Piero della Francesca. Elève de Verrocchio à Florence, il est en bonne compagnie avec Léonard de Vinci où l’étude de l’anatomie souligne l’harmonie du corps humain comme expression de la perfection divine.
Une exposition au musée Jacquemart André à Paris est consacrée au maître italien jusqu’au 19 janvier 2015.
« L’adoration des mages » dont les coloris soutenus deviendront plus subtils plus tard, contient déjà des éléments d’un système dans sa clarté d’énoncé, ses équilibres : la masse des  rochers vis-à-vis de celle de l’étable aux verticales vigoureuses. Les portraits serrés des mages ont des allures d’un gothique tardif, mais leurs mains sont si délicates.
Cette "diversitas" où sont régulièrement disposés les personnages autour d’un axe vertical constitue une marque de fabrique qui rend la lecture limpide sur fond de paysages diaphanes apparaissant dans une échancrure centrale.
« La grande Pietà » avec un Christ au corps de cendre appartenait à une bannière, un gonfalon. Ses couleurs ternies rendent plus émouvant encore cet édifice des corps de la mère et de son fils.
 « Les Miracles de Saint Bernardin » forment huit panneaux. La guérison d’une petite fille occupe seulement un quart de la scène à l’architecture imposante, aux personnages disposés rigoureusement, sans lourdeur.
Appelé  à Rome par le pape Sixte IV, père de la Sixtine, il retrouve Botticelli, Ghirlandaio, Rosselli, et Raphaël. Son projet d’une « assomption de la vierge » au dessus du maître autel sera recouvert par le «Jugement dernier » de Michel Ange.
Cependant il est présent dans  « Le Christ remet à Saint Pierre les clefs du Paradis », parmi un déploiement de personnages, sur le devant d’une esplanade resplendissante de lumière.
Dans « le triptyque de San Gimignano », le christ est serein sur la croix, Marie regarde vers le sol, Saint Jean vers le ciel. Saint Jérôme et Marie Madeleine sur les panneaux latéraux  participent à l’équilibre de la composition  dont le paysage  forme une vague où le lointain lumineux se raconte avec la même précision que les plantes les plus modestes.
« Francesco delle Opere » tient dans sa main un texte de Savonarole, le vigoureux notable nous regarde droit dans les yeux. C’est l’époque ou des tableaux de Botticelli ont été jetés au feu. L’habile Pérugin traverse sans encombre cette période et multiplie les tableaux religieux : annonciations paisibles, vierges à l’enfant, humaines et célestes, tendres Saint Sébastien, Nicomède au bord du tombeau du Christ, à l’effusion si forte et  tant d’« anges patineurs » qui rendent les œuvres si légères, aériennes. 
Quand Raphaël copie « le mariage de la vierge », le prêtre penche un peu la tête, alors que celui de son maître présidait sous une verticale immuable au centre du tableau.
Pour une commande d’Isabelle d’Este destinée à son studiolo de Mantoue où arts et des lettres devaient s’harmoniser, le roi de l’équilibre était tout désigné. Mais sa «  Lutte de l’amour et de la chasteté » fut jugée trop confuse. 
Le Pérugin assure la décoration du collégio del Cambio à Pérouse où il est revenu : sous les planètes et quelques de divinités, les vertus cardinales (prudence, tempérance, force, justice)  triomphent  à coté des  vertus théologales (foi, espérance, charité).
Son autoportrait figure en trompe l’œil avec cette mention :
« Pietro Perugino, peintre émérite. Si l'art de la peinture était égaré, il la retrouva. Si elle n'était pas encore inventée, il l'éleva jusqu'à ce point »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire