Après la déflagration du 7 janvier nous en sommes à réviser
nos fondamentaux, comme on se tâte après une chute pour vérifier ce qui est
touché, ce qui est intact.
Nous avons laissé à d’autres ce que nous avions négligé :
alors que du temps « des punaises de sacristie » et « des
grenouilles de bénitiers », la laïcité était un marqueur de l’identité de
gauche, nous ne prononcions récemment son nom qu’accolé à quelques
adjectifs : « ouverte » ou « positive » comme pour
s’excuser d’être obtus ou négatifs.
Ces derniers temps, au sujet des religions, j’ai vu en Iran des
représentations anciennes du prophète, des foules infinies prosternées et je me
régale d’apprendre quelques éléments de la symbolique chrétienne qui a enrichi
l’histoire de la peinture pendant des siècles. Je prends aussi connaissance des
publications de quelques anciens élèves qui s’affirment désormais par leur
appartenance religieuse, et je ne
titille plus guère les cathos par charité en respectant leurs rites au moment
où les cérémonies funèbres me deviennent plus familières.
Le philosophe Henri Pena-Ruiz rappelle l’origine du mot
laïcité :
«A l’origine est un mot
grec, laos, qui désignait l’unité d’une population. A ne pas confondre avec
demos, c’est-à-dire la communauté des citoyens, et ethnos, l’unité d’une
population selon ses traits, qui a donné ethnologie. Athènes reposait sur une
quadruple exclusion : les femmes, les métèques, les jeunes gens et les
esclaves. La communauté des citoyens était très restreinte comparée à la
communauté du laos. Laos rappelle que le peuple est un, avant de se
différencier. Il n’est pas constitué de croyants, d’athées, d’agnostiques, le
peuple est indivisible.»
La force d’un peuple réveillé, démontrée dans les
manifestations du dimanche 11 janvier, ne se diluera pas derrière un mouvement
des camionneurs ou une partie de tennis. Et si les motifs des millions
d’individus mobilisés ce jour là étaient divers, c’est que justement était mise
en évidence la pratique d’une démocratie où la circulation de la parole entre
pairs est horizontale et non soumise à la verticalité d’une vérité divine
indiscutable.
Nous pratiquons de plus en plus la langue de nos
maîtres anglo-saxons qui cryptent nos images et ne savent traduire le mot
laïcité, mais nous n’allons pas forcément mettre des bulles dans notre pinard
républicain. Et même si je suis dauphinois (sous ensemble Terres froides) et
pas forcément assigné à l’univers de
Fafoi, je me permets de répercuter cette blague:
« C’est l’histoire
d’un juif qui rencontre un autre arabe... »
L’humour !Mais que fait l’école ? Il va
falloir former des référents sur le sujet car les enseignants ne sont pas
formés, avec des cellules d’aide psychologique pour les traumatisés de la
blague. C’est respecter l’autre que d’affirmer ses propres valeurs en
constatant combien de mots non dits, ont ajouté des rides au Front :
« Et quand on
sait ce qu'a pu vous coûter de silences aigres,
De renvois mal aiguillés
De demi-sourires séchés comme des larmes… »
De renvois mal aiguillés
De demi-sourires séchés comme des larmes… »
Ferré, nous sommes dans le fondamentaux.
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Le dessin de Wiaz vient de l'Obs, celui de Pessin de Slate:
L'auteur Sandrine Desse, dans son roman Charlie profané, livre une réflexion assez iintéressante à ce sujet:
RépondreSupprimer" Les religions m’indifférent profondément. Il n’existe pour moi que des humains dont le droit essentiel est de vivre en pensant ce qu’ils veulent sans avoir à risquer leur vie pour ça. Et c’est ce que la laïcité avait presque réussi à accomplir. Aidé de la science, l’homme avait tué le merveilleux et la sagesse qui seule peut permettre le véritable vivre ensemble était enfin à portée de main. Et aujourd’hui, ce sursaut de délire mystique remet en cause des siècles de combat silencieux et sans violence. Tous les discours que nous pourrions faire pour inciter l’homme à la raison seraient inutiles. L’être humain a besoin de merveilleux autant que de nourriture. C’est la seule chose que la laïcité n’a pas pu lui fournir. C’est notre seule faiblesse."