Au parc des ateliers, dont les surfaces d’exposition sont
diminuées car vouées à la transformation, nous avons commencé très fort avec
l’espagnol Chema Madoz poète d’un
quotidien enchanteur : élémentaire et essentiel. Une cuillère avec son
ombre en forme de fourchette, un collier de gouttes d’eau, un nuage en cage
très Magritte, nous ont ravis.
Quelques hollandais nous ont nettement moins convaincus avec
une qui se photographie chaque fois qu’elle pleure, où une autre qui saisit des
femmes en train de pisser, ou celui qui se débrouille pour être sur les photos
d’un journal régional.
Ce sera l’année des séries : celle des reflets d’arbres
sur le capot de voitures ou divers landaus, voitures sous housses, vélos,
motos, bouches d’égouts, voire crottes
de chien.
La collection Hunt de foules prises dans la première moitié
du siècle précédent est impressionnante de précision. Celle d’Artur Walther avec
le portraitiste des citoyens de la république de Weimar, August Sander, met en
évidence aussi quelques artistes africains et chinois et donne une idée de
recensement du monde.
Je ne suis pas allé voir les propositions de Christian
Lacroix ni celles de Martin Parr et parmi les noms que je connaissais :
David Bailey, Lucien Clergue ou Richard Avedon m’ont paru fades vis-à-vis du
Chinois Kechun Zhang dont le fleuve jaune aux couleurs pastels nous emmène loin,
ou lorsque des initiées pygmées nous transportent au pays des rêves. Des photos
découpées pour des pièces d’identité récupérées chez un photographe ougandais
sont plus puissantes que le sempiternel poseur Andy Warhol.
Mon chouchou Depardon ne m’a pas accroché. Il était pourtant
là avec des monuments aux morts de la « Grande guerre » que je
croyais plus stéréotypés et dont le défilement donne une idée de la France. Une salle voisine
présentait « La guerre des gosses »,
un point de vue original ne méritant pourtant pas les faveurs éditoriales qui
ont ignoré tant d’autres comme ce chinois mettant son corps en jeu ou le Camerounais
Samuel Fosso dans la peau de Mohamed Ali ou d’Angela Davis.
Par contre la mise en évidence de Vik Muniz est tout à fait justifiée : son travail considérable
à partir de photographies et de cartes postales déchirées recomposant des
scènes classiques d’anniversaire, de salle de classe, de mariage, de première
voiture, de plage… nous parlent.
Il pose de bonnes questions : « Avec le numérique et ses manipulations, la photo ne prouve plus
que l'événement s'est produit. Qu'il s'agisse de notre intimité ou de notre
expérience collective, où allons-nous préserver notre histoire ? »
Peu de traces des déchirements du monde à part la mise en
scène de violences africaines ( Kudzanai Chiurai) ou de paysages irradiés d’Azerbaïdjan. Mais
l’insipide, le désertique, à travers le kitch qui m’a paru bien ringard à Saint Trophime : des Sopalin agrandis
de Mazaccio
& Drowilal, voisinent
avec leurs photographies de tee shirt ou de tapisserie représentant des
animaux pour une exposition intitulée évidemment : « Wild
style » avec les commentaires
ajoutant une pelletée dans le vide :
« l’occasion
d’explorer de nouvelles modalités de monstration de nos images en essayant de
tirer l’accrochage traditionnel de photographies vers un dispositif
intertextuel plus vaste »
Euhhh... même sans le numérique, la photo n'a jamais prouvé que l'événement avait eu lieu. Il y a trente mille manières de... jouer avec notre vision du monde ? Je préfère cela aux cris de "manipulation".
RépondreSupprimerD'accord avec toi pour la vacuité de style de la fin. Les mots, c'est comme le fric : à un tel degré d'inflation, on peut se dire qu'ils... valent quelque chose, mais perso, je reste sur ma faim, là. Que dis-je ? Plutôt, ça me donne une indigestion.