samedi 7 décembre 2019

6 mois. N°18. Automne / Hiver 19/20.

Que montrer de notre monde?
Le titre en couverture donne le ton juste : « Avec nous le déluge » avant 300 pages de photographies où s’oublient les cadrages esthétiques et les couleurs chatoyantes.
L’heure est à la gravité, sans en rajouter dans le catastrophisme, tout en montrant des solutions, des adaptations.
Le tourisme qui persiste autour d’une Mer Morte rétrécissant sans cesse est absurde,
alors que La Louisiane disparaît sous les eaux.
En Ecosse, une communauté a rendu une île autosuffisante.
Aux Pays Bas, les cultures sous serres et sans terre sont-elles des réponses pertinentes pour nourrir le monde ?
La variété des photographes est riche:
quand l’un parvient à donner son point de vue depuis la Corée du Nord où les accompagnateurs sont plutôt dirigistes, et qu’un autre livre de forts portraits de travailleurs à proximité de chez lui, ou que des photos de famille d’un tonton fantaisiste nous accrochent.
Les scènes de contes composées par Daphne Rocou sont d’une grande poésie.
«  Le ciel est une métaphore du savoir. Connaître le nom des étoiles ne sert à rien, dans la vie… Et c’est cela qui est beau. »
Des reportages nous emmènent en Syrie à la suite d’un grand-père suédois parti rechercher ses petits enfants nés en zone Islamiste ou en Colombie avec des mamans des FARC qui ont déposé les armes. 
Pour mémoire, les chinois, pendant la Grande guerre  furent  qualifiés d’« éboueurs de guerre ».
La photobiographie est consacrée à Imran Khan joueur de cricket devenu premier ministre du Pakistan.
« Quand nous lisons une histoire, nous l’habitons. Les couvertures d’un livre sont comme un toit et quatre murs. Ce qui va suivre va se produire entre les quatre murs de l’histoire. »
John Berger.

vendredi 6 décembre 2019

Traître et retraite.

Comme d'autres, qui ne sont pas directement concernés par la réforme, je vais essayer de m'exprimer à propos des retraites, même si j'ai cessé d’enseigner à des élèves à 55 ans, histoire de partir avant qu’une mémoire de plus en plus laborieuse n’ait complètement esquinté l’estime du moâ. Je suis parti, « comme un prince », sans rire. La situation de ma prof de femme me permettant d’éviter, en quelque sorte, un tour de piste de trop. Ma mère, femme de paysan, n'avait pas 1000 € de retraite.
Après avoir précisé une situation personnelle privilégiée qui me permet de passer par-dessus une pudeur qui irait dans le sens de l’anonymat délétère régnant sur les réseaux, j’assume de ne pas me retrouver du côté des adversaires du changement.  En n'allant pas aux manifs, j'y perds quelques retrouvailles fraternelles, tout en restant fidèle, sur ce coup,  à un rocardisme fondateur.
Bien que je me sente tellement « ancien monde » et si peu « start-up nation », les haines et la mauvaise foi qui se déchainent en tant de lieux et autres ronds points me révulsent bien plus que quelques maladresses d’un président dont j’apprécie le courage et l’énergie. Et la démagogie, l'absence de propositions alternatives crédibles, m'achèvent.
De la génération « Charlie » insouciante avant d’être sidérée, nous n’avions aucun souci en début de carrière quant à la pension que nous toucherions, si bien que je comprends plus volontiers, en souriant, cet ami qui s’étonnait de recevoir de l’argent après qu’il eut cessé de travailler, que les débats présents sur la valeur du point.
De la même façon que tous les entrepreneurs n’ont pas la voracité d’un Carlos Ghosn, ceux qui contestent la réforme sont loin d’être tous des privilégiés. « En même temps » m'a suggéré la voix de mon maître. Mais pourquoi ceux qui voient des lobbies derrière chaque décision ne sont pas capables de déceler la virulence des corporatismes ? Pour la fin des régimes spéciaux, mais pas le mien.
Au-delà de l’amoncellement jour après jour des demandes de dépenses publiques supplémentaires, il est bien de la responsabilité des politiques -ceux qui sont responsables- d’anticiper les effets d’un vieillissement de la population qui s’annoncent aussi chauds bouillants que la débâcle planétaire.
« Effondrisme » est un mot nouveau qui apparait à côté de« colapsologie » et dans le vocabulaire médical qui s'étend, la «  procrastination » est devenu familière. Cette façon de fuir, réponse à l’angoisse du futur, nous éloigne un peu plus d’une projection sage, posée, envisageant le vieillissement et la mort. Le déni devient un axe de vies que nous avons brûlées par les deux bouts.
Les entreprises favorisent des départs à la retraite anticipée alors que les représentants patronaux souhaitent les retarder en paroles. Par ailleurs l’âge pivot proposé ne ferait, parait-il, que coïncider avec un état de fait.
Le passé est lourd, le futur chaud, le présent sec.
Le « burn-out » étant tellement familier, le suicide devient un mode d’expression. Nous sommes bien en France ? Nous sommes bien en France.
L’épuisement des ressources envisagé depuis 50 ans est encore nié à ce jour par d’éminents personnages, ce qui n’empêche pas l’avenir d’être menaçant. Et d’aucun de pousser Jupiter à jouer aussi à Poséidon en appelant à des pleins pouvoirs qu’ils contestent d’emblée.
Les conséquences des politiques à courte vue d’antan qui apparaissent crûment en ce moment,  entre autres dans le domaine de la santé, ne serviront pas de leçons : « Macron des ronds ! ».
Ce type de souhait faisant coïncider le pouvoir d’achat des profs et les taux de réussite des élèves rend les armes à ceux qui monétisent tout.
Les pages éducation de certains journaux pas toujours remises du passage de la doxa « le niveau monte » à celui du « dernier des derniers » en remettent une couche sur la fatalité sociale accablant une école qui accentuerait  même la distance : la poule et l’œuf passent au broyeur. Le catéchisme demeure qui met en cause… les évaluations et la sévérité des avis des vilains professeurs briseurs d’élèves alors que les taux de réussite au bac dignes des résultats électoraux du président du Kazakhstan, sont comme pour la gestion des personnels un effet du « pas de vague » attaché désormais à l’entreprise éducation dans toutes ses déclinistes déclinaisons.
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Ci-dessous le commentaire de Deborah qui n'avait pu être pris en compte par la machinerie compliquée de ce site:  
Je pense que le mouvement des gilets jaunes est très hétérogène, et qu'on y trouve de tout. Je pense aussi que le rond point permet à certains de trouver une chaleur.. fraternelle qui fait défaut par les temps qui courent ou les gens s'assemblent dans leurs camps.
Je ne vois pas beaucoup de chaleur fraternelle autour de moi.
Pour le climat, les revendications, et tout et tout, je me dis que... nous nous sentons grandement coupables.
Je me dis que le propre de l'Homme avec ou sans religion, est de se sentir coupable. Quand il ne voit rien pour le faire sentir coupable, il cherche activement autour de lui un truc pour se sentir coupable. Ayant trouvé quelque chose pour se sentir coupable, il perd sa vie dans de minutieuses et couteuses démarches pour... SE LAVER DE SA FAUTE, sous peine de voir arriver... la fin du monde ou... de sa vie. (Celui qui croit qu'il n'y a que des chrétiens et des juifs pour se laver de leurs fautes ; il est très naïf.) 
C'est ce qui me fait penser que le brassage de l'air autour du climat est un phénomène religieux. Ça peut paraître contradictoire, mais je n'aime pas tant la religion que ça. Surtout je n'aime pas la religion qui n'a pas un beau rituel habité, fastueux, et qui n'élève pas l'Homme, mais l'écrase, et l'abaisse en permanence.
Mais je me dis aussi que nos contemporains brassent de l'air autour de leur faute tout en restant curieusement impénitents par ailleurs, car ils savent bien qu'ils ont raison de se sentir coupables de tant d'hubris, et de vouloir rivaliser avec Dieu pour créer un monde totalement artificiel où ils seraient.. leur propre dieu. (Ils militent pour l'écologie en étant accro aux nouvelles technologies, par exemple.)
Comme ma belle mère qui rêve qu'on trouve une pilule pour la guérir de sa démence du jour au lendemain.
Nous voudrions une solution magique, CONFORTABLE ET FACILE pour nos existences, et pour la souffrance d'être des êtres conscients, et tous les problèmes que notre science collective a engendré en nous échappant (comme prévu, d'ailleurs...).
Nous voudrions en plus que nos politiques trouvent MAGIQUEMENT ET CONFORTABLEMENT des solutions à ce qui nous fait peur, et que ça ne nous coûte individuellement... rien.
Tu sais maintenant que j'appelle ça "inconséquence".
C'est une maladie, l'inconséquence, qui vient d'avoir été épouvantablement gâté dans sa vie comme notre génération (et les générations actuelles, dans l'ensemble) ont été gâtées. (Et même les pauvres sont/ont été gâtés. Si, si.)
Enfin, pour le vieillissement : ne serait-ce pas temps de nous dire que c'est une période.. rêvée ? pour REDUIRE NOS BESOINS et surtout nos exigences, y compris médicaux ? Qu'il nous incombe, comme il a incombé à nos prédécesseurs, à donner un sens à notre vieillissement, et chercher et trouver notre propre dignité la dedans, sans consommer à outrance ?
Si nous, les.. vieux, ne trouvons pas de valeur à ce qui est vieux, quel espoir y a t-il pour nous.. dans notre vieillesse ?
Après tout le grand moteur à la médicalisation/scientisation de notre naissance, notre mort, et notre vieillissement est bien notre peur que cela.. NOUS ECHAPPE.
Et bien, je ne vois pas en quoi ça pourrait.. NE PAS NOUS ECHAPPER. Et celui qui voudrait que cela ne lui échappe pas, celui qui voudrait tout planifier sur ces dossiers, il est coupable d'hubris. Et nous savons ce qui arrive à ceux qui sont coupable d'hubris, depuis que l'Homme est l'Homme (et il ne va pas cesser de l'être, en dépit de ce que les nouveaux prophètes essaient de nous.. prêcher).
L'orgueil devance la chute..

jeudi 5 décembre 2019

Malevitch, le Suprême. Eric Mathieu.

Le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a présenté l’artiste dont « Le carré noir sur fond blanc » a révolutionné la peinture : « on ne nait pas Malevitch on le devient ».
Il est né à Kiev en Ukraine de parents polonais, Malewicz, en 1879, un an après Trotski et Staline. Il vivra en Russie, et si tous se le disputent aujourd’hui, alors qu’il fut élu député au soviet, il fut ignoré de la Russie soviétique jusqu’en 1962 bien après sa mort en 1935. « Portrait de sa mère »
Sa mère l’encourage dans son choix à devenir peintre ; il aime l’« art français » : Millet qui a anobli les paysans et Courbet qui invitait à plus de réalisme ont parlé aux Russes. Repine peint « Tolstoï dans un champ de labour » son œuvre est considérée comme une « encyclopédie de la Russie d'après l'abolition du servage ».
Le peintre renommé tourne les talons à l’exposition du groupe du « Valet de Carreau » créé par Larionov un des pionniers de l’avant-garde avant qu’avec Natalia Gontcharova « La Ronde », ils ne fondent un autre groupe « Queue d'Âne » plutôt primitiviste, s’éloignant des influences européennes.
Kasimir Severinovitch Malevitch était arrivé à Moscou en 1904 où son emploi de fonctionnaire lui laisse des loisirs pour peindre « Paysage avec jaune maison ».
Il reviendra aux françaises façons en 1930 « Sur le boulevard » où il peint une bourgeoisie qui n’existe pas.
Son « Autoportrait » de 1907, plus sombre que les « Fauves » est marqué par l’expressionisme allemand s‘approchant d’un « cubo-futurisme ». Comment peindre l’intériorité ? Le vert et le rouge ont certes des connotations inquiétantes même s’il convient d’ éviter de tomber dans un mysticisme de la couleur.
Parmi les personnages de « Repos, Société en hauts-de-forme » , très art nouveau, l’un d’eux pisse dru.
En 1908  dans son nouvel « Autoportrait » engoncé dans son col, cerné, 
il se détache du tableau tel le « Christ Achéiropoïète ». L’artiste peut être créateur,  comme Dieu à partir de rien, se détachant de la nature et de toute entrave culturelle.
« Le bûcheron »  fait de bûches est une façon d’interpréter le cubisme à la Léger, tout en s’intéressant au futurisme : peindre le temps avant l’espace. Le fils d’ouvrier, profondément russe, enviait les paysans vivant au rythme des saisons.
Alors que Marcel Duchamp faisait descendre un homme d ‘un escalier, « Le rémouleur » vibre
« Le portrait d’Ivan Klioun » se construit sous notre œil « comme s’il était regardé à travers un bouchon de carafe », peut-on savoir ce qu’il pense ?
L’opéra «  La victoire sur le soleil » dont il a réalisé les costumes voit l’obscurité gagner sur le soleil menteur pour permettre à chacun de voir sa lumière intérieure.
Le « Quadrangle », ou le « Carré noir »  date de 1915,  il est peint par-dessus un tableau cubiste, et appuie sur la touche « reset » de l’histoire de l’art, revient au niveau zéro du langage, base de tout le reste, expulse toute émotion. 
Lors de sa première exposition «  0,10 » parmi 36 œuvres suprématistes, il est dans le « beau coin » celui qui recevait les icônes dans les maisons russes. Le Carré noir, s’accompagne de la croix noire et du cercle.
« Quand disparaîtra l’habitude de la conscience de voir dans les tableaux la représentation de petits coins de la nature, de madones ou de Vénus impudiques, alors seulement nous verrons l’œuvre picturale. Je me suis transfiguré en zéro des formes et je me suis repêché du trou d’eau des détritus de l’Art académique. » L’autodidacte  qui s’interrogeait à propos d’épluchures  représentées sur un tableau attirant d’avantage l’attention que lorsqu’elles sont sur une table, devient un théoricien. Il enseigne à Vitebsk où il prend la place de Chagall après avoir participé aux Ateliers libres de Pétrograd. Ses recherches formelles coïncident avec l’effervescence politique, il ouvre l’Ounovis, (Union pour l’affirmation du nouvel art) puis dirige la section technique plastique de l’Inkhouk,
mais reste un artiste. «  Réalisme Pictural d'un Joueur de Football. Masses de Couleur dans la 4ème Dimension ».
En 1918, il peint le premier monochrome blanc, le « Carré blanc sur fond blanc » : « une concession au classicisme ». Dans les années 20, alors que Staline revient 17 fois écouter Chostakovitch avant de l’interdire, il entre dans une période post suprématiste plus réaliste : « La Charge de la cavalerie rouge »
Le « Carré rouge » n’est pas vraiment carré et l’objet a disparu, ne restent que la couleur et la forme, une abstraction. 
Sa « Maison rouge » n’a pas de fenêtre.
Il est déguisé en prince des artistes très Renaissance pour son dernier « Autoportrait » qui se situe dans une veine « supranaturaliste ».
Comme la vierge des icônes désignant son fils, il  indique avec sa main la forme d’un carré que l’on retrouvera sur sa tombe en 1935. 

mercredi 4 décembre 2019

Lacs italiens 2019. # 2 B. Bergame ville haute (suite)

Nous retournons à la cathédrale, rendue aux visiteurs attirés par sa splendeur. 
http://blog-de-guy.blogspot.com/2019/11/lacs-italiens-2019-2-bergame-ville-haute.html
Elle renferme :
- le tombeau de Donizetti, musicien du pays,
- beaucoup de décorations colorées avec des encadrements dorés ou en bas-reliefs,
- un Christ souffrant et décharné sur sa croix  coiffé d’un drôle de dais
-  2 orgues se faisant face encadrant le chœur comme à Vérone,
- un époustouflant confessionnal baroque en bois précieux : palissandre ?
le tout baigné dans une forte odeur d’encens.
C’est un intérieur assez original, témoignage  de la richesse de la ville du temps des Vénitiens.
Nous suivons les conseils d’un Italien encadrant le festival Landscape  et nous nous dirigeons vers le funiculaire, le 2ème, conduisant à San Vigilio. 
Nous maitrisons la machine automatique qui nous pourvoit en tickets et renseignons même d’autres personnes. Dès la gare d’arrivée nous bénéficions d’une très belle vue sur la citta alta. 
C’est un joli  petit quartier à l’image de la ville haute. Par un escalier, nous accédons en haut du château, royaume des amoureux et des fourmis volantes. La lumière est douce, la vue sans entrave sur les villages avoisinants.
 
Nous rentrons à pieds jusqu’à la maison aidés par le GPS,  en dédaignant les autres funiculaires, à travers des rues pavées de galets, heureusement bordées de plans lisses pour handicapés. C’est une descente plaisante vers la ville basse de 3,4 km soit trois quarts d’heure.
Arrêt dans le market indien en bas de chez nous, un lieu de RDV de blacks, qui ne peut nous fournir ni Spritz, produit inconnu, ni sauce tomate. Le patron appelle un Ivoirien à la rescousse comme traducteur, de plus en plus entreprenant et collant, suivi d’un Sénégalais. D. me sort d’affaire et discrètement nous rejoignons notre logis.
Ce soir : salades tomates/concombres, pâtes fraiches à l’huile d’olive/ail, après apéro bitter et biscuits indiens pimentés indiens.

mardi 3 décembre 2019

La revue dessinée # 26. Hiver 2019.

228 pages de BD concernant l’actualité avec des ho! et des bof !
Excellente idée que de choisir le traitement par Wikipédia de l’évènement « gilets jaunes ».
A travers le fonctionnement de la référence collaborative en matière d’information et les débats qui accompagnent une édition sur le web, sont mis en évidence la diversité des acteurs, la dynamique et les contradictions que le surgissement de ce mouvement a fait naître.
L’appréciation : «  tandis que des jets de pavés répondent aux tirs de flash-ball » aurait pu être complétée par « et vice-versa ».
Inattendu et nuancé, un reportage sur le rapport que les policiers et les gendarmes entretiennent avec leurs armes est intéressant.
 « Retour à Istambul » avec un hôte kurde est plus convenu : la répression est sans nuance, l’oppression s’aggrave.
L’apport des abeilles a déjà été documenté, porteraient-elles gilet jaune comme il est dit dans l’introduction ? Je croyais que c’était la guêpe dont la taille était en jaune et noir.
Un retour sur « # MeeToo » n’apprend pas grand-chose.
Le côté naïf du regard d’un novice dans le domaine sportif, cette fois-ci, la zumba, a déjà été exploité.
J’ai trouvé bien désinvolte le dessinateur, par ailleurs amusant, qui illustre la contestation de la formulation : «  association de malfaiteurs ».
A travers les changements de noms pour les villes se mesure le poids des habitudes : la dénomination « Grelibre » après la Révolution n’a pas duré pour effacer « noble » qui heurtait les oreilles et l’appellation Saint Petersburg après être passée par Petrograd, Léningrad, est revenue aux origines : c’est ce qu’on appelle aussi une révolution.
Dans une série concernant les lieux de pouvoir, « La maison de la chimie » occupe une position importante.
L’entrée dans le domaine de l’action sociale d’opérateurs privés à travers les CIS (Contrat à Impact Social) initié par un certain Benoit Hamon est instructive.  
Pour une fois, je connais un peu l’artiste, Björk,  présentée dans la série, « face B » : c’est qu’elle serait plutôt face A.
Mais les séquences retenues du film de Godard « La Chinoise » dispensent de regrets de ne l’avoir pas vu.
La description de la fuite en avant des stations de sport d’hiver montre bien la difficulté de combattre un réchauffement climatique tangible là haut pourtant depuis des années, quand tant d’emplois sont en jeu. Et la multiplication des canons à neige a beau être contre productive le profit immédiat commande. 

lundi 2 décembre 2019

Les misérables. Ladj Ly.

Je me joins à l’unanimité critique, qui pourtant me rendait méfiant, pour dire que j'ai vraiment apprécié ce film original.
Peu importe que des situations ne soient pas rigoureusement documentaires, le constat criant est vraiment éclairant sur des années d’évolution de la banlieue ; le film « La haine » a été tourné il y a déjà  24 ans.
La violence ne quitte pas l’écran depuis les premières images d’une liesse populaire explosive lors de la finale du mondial de 2018 jusqu’à l’apocalypse finale.
La hargne, la rage des plus jeunes, victimes et acteurs, est effrayante.
Les rapports des policiers entre eux sont durs, sous couvert d’humour viril, et bien entendu les mots qui s’échangent avec les jeunes sont agressifs ou ceux des adultes envers les enfants d’une brutalité qu’on ne sait plus voir. Quand un des flics revient chez lui et s’envoie une bière bien méritée, les querelles de ses filles pour être plus familières en arrivent à paraître insupportables.
L’intrigue palpitante permet une immersion passionnante dans un milieu dont on cause mais qui nous reste étranger.
Le titre était certes déjà pris, mais du haut de son Olympe, Hugo peut servir encore :
« Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes.
Il n'y a que de mauvais cultivateurs. »
Loin des simplifications qu’affectionnent tous les vautours qui survolent la question « banlieue », l’invitation à la réflexion n’est pas délivrée en des couleurs optimistes.
Que peuvent, les maires, les architectes, les profs, les policiers, les parents, la République, le cinéma ? 
   

dimanche 1 décembre 2019

Héritiers. Nasser Djemaï.

Nous avons retrouvé avec un plaisir augmenté de surprises, l’auteur bien de chez nous http://blog-de-guy.blogspot.com/2017/01/vertiges-nasser-djemai.html
Il avait apporté sur un plateau, « Les invisibles », il y a huit ans déjà, et aurait pu continuer dans cette veine « documentaire », mais bien que le décor soit différent, il continue à fouiller du côté de la transmission, de l’héritage, de l’exil ou de l’assignation à résidence, de nos aveuglements, avec une façon de faire qui concerne chacun.
Une famille dans une grande maison au bord d’un lac évoque Tchekhov dont les dilemmes traversent les siècles et supportent les évolutions, d’autant plus qu’un glissement poétique est apporté avec cette création et amène à douter de la réalité ; celle-ci en est augmentée.  
Ces demeures envahies de racines coûtent cher. Déchirer les factures, fuir dans le rêve ne peuvent constituer des réponses. Entre temps se jouent de douces démences qui comportent chacune une part de raison : celle de la vieille mère qui fait partie des murs n’est pas plus délirante que celle de son fils qui ne cesse de se jouer un film ou celle de sa fille qui ne peut que gérer le chaos.
Les acteurs sont excellents entre le fils exubérant, la fille de bonne volonté et son mari raisonnable, la tante des bois et la mère prête à embarquer. Le gardien a une belle voix même si son monologue trop surligné « poétique » est le seul bémol que j’apporterai dans cet excellent spectacle de près de deux heures.