jeudi 27 juin 2019

Marcel Duchamp. Eric Mathieu.

L’historien de l’art devant les amis du musée de Grenoble s’est attaché à mieux nous faire connaître Marcel Duchamp (MD) l’artiste provocateur qui fut plus qu’un « génial bricoleur ». « L’homme le plus intelligent du siècle » comme le qualifiait Breton a été connu très tôt aux Etats-Unis d’Amérique dont il a pris la nationalité. « Five-way portrait of Marcel Duchamp », 1917.
Né en 1887 à « Blainville », dont il a peint un « paysage » à la façon de Monet, il ne persiste pas dans cette manière qui « attire l’œil » depuis près de 30 ans.
Il s’essaye au dessin d’humour : la « Femme Cocher » laisse tourner le compteur pendant qu’elle complète sa prestation à l’hôtel.
Influencé par Henri Poincaré, le physicien, mathématicien, philosophe, qui considère que l’objectivité est conditionnée par le regard, MD commentera peu ses tableaux préférant écouter l’interprétation des spectateurs mais affirmera toujours son appétit de nouveauté. Le portrait qu’il fit du « docteur Dumouchel »  a du Matisse en lui.
Son chétif ami se retrouve dans « Le paradis » face à la « Japonaise », modèle réputée, dans une synthèse de la modernité, quand les nabis portent la leçon de l’art déco et du symbolisme.
« Le Printemps » donné à sa chère sœur à l’occasion de son mariage, évoque Adam et Eve qui pécheraient en se mariant. Si le cercle et le triangle appellent des interprétations, il aimait démentir les dons d’ « alchimiste » qu’on lui prêtait.
Sa première représentation de machine fut un « moulin à café » pour la cuisine de son frère.
Sous l’autorité de la mère, « Sonate avec les trois sœurs », l’ordre cubiste règne. 
Le « Nu descendant un escalier n°2 » ne  convenant pas à ses confrères du groupe de Puteaux, auquel appartenait son frère Raymond Duchamp-Villon, sera exposé en 1913 à New York, plutôt qu’au Salon des indépendants. Ce tableau inspiré des travaux de Marey ressemblait trop, d’après les gardiens de l’esthétique cubiste, aux futuristes qui appréciaient comme lui les lignes des hélices du progrès, en ce début de XX° siècle.
Le joueur émérite d’échecs saisit la matière grise en peignant « Portrait de joueurs d'échecs » 
et le mouvement comme dans « Le Roi et la Reine entourés de Nus vites », mécanique qui ne doit rien à personne.
Il invente de nouvelles mesures : «  Les stoppages étalon », selon que la ficelle d’un mètre est tombée d’une hauteur d’un mètre, il fixe sa forme sur une nouvelle règle.
« Les neuf moules mâlics », en forme de coquillages, vidés de leur substance, proviennent d’un catalogue d’uniformes. 
Il a apprécié le philosophe anarchiste Max Stirner et la pièce expérimentale « Impressions d'Afrique » de Raymond Roussel vue avec ses amis Apollinaire et Picabia. Elle inspirera au bout de huit ans de maturation : « Le Grand Verre » nommé aussi  « La Mariée mise à nu par ses célibataires, même » où se retrouvent les moules mâlics et autre « Broyeuse de chocolat ».  Dans ces mécaniques évoquant l’amour, le hasard est déterminant. L’alchimie et le symbolisme ont beau être convoqués, le langage trouve ses limites. Art conceptuel.
Avec Marcel Duchamp, nous pouvons nous passer de l’émotion. L’idée est plus importante que le sujet. 
L’acte est radical avec la « Roue de bicyclette » sur un tabouret, art cinétique, 
et plus encore avec « le porte-bouteilles » qui devient sculpture lorsqu’il figure dans un lieu d’exposition et pourrait même se passer de signature comme celle de « Mr Mutt » fabricant de sanitaires pour la fameuse « Fontaine » qui n’avait pas été acceptée par le jury dont MD faisait lui même partie.
Stieglitz, le compagnon d’O’Keefe http://blog-de-guy.blogspot.com/2016/01/la-modernite-photographique-au-temps-de.html, photographie le « ready made » devant  « The warriors » un tableau habituel dans un musée. 
L’humour qui doit à Dada est très présent. Il a choisi la description d’«  A bruit secret » pour le collectionneur  Walter Arensberg qui a mis un objet inconnu dans la pelote. 
La pelle à neige c’est « En prévision du bras cassé »
et « Underwood »  évoque ses moments avec Betty Wood.
Les sucres de « Pourquoi ne pas éternuer Rrose Sélavy ? » sont en marbre, le mou est devenu dur, le léger lourd et l’os de seiche est en érection (Eros est la vie), Rrose Sélavy est aussi une des signatures de l’artiste qui aime se travestir. Body art.
« LHOOQ » détourne une carte postale de la Joconde qui peut ainsi séduire les femmes, après s’être « prostituée » avec tant d’hommes.
Il ne manque pas de rassembler des reproductions de ses propres œuvres dans « La Boîte-en-valise » et le plus étonnant pour moi c’est qu’après avoir chamboulé bien des définitions dans le domaine de l’art, il a continué à peindre en secret pendant 20 ans.
Révélée après sa mort en 1969, l’installation « Étant donnés : 1° la chute d'eau 2° le gaz d'éclairage… »  appelle le voyeurisme derrière ses portes en bois.
Elle avait demandé un patient travail dont un aspect rappelle Dürer  « Le dessinateur de la femme couchée »
Sur sa tombe à Rouen est inscrit : « D'ailleurs, c'est toujours les autres qui meurent. »

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