mercredi 16 février 2022

Le camp du Struthof.

Nous retrouvons la voiture, circulons à nouveau au beau milieu  des vignes  s’étendant à perte de vue. https://blog-de-guy.blogspot.com/2022/02/kaysersberg-ribeauville.html 
Puis nous quittons ce paysage travaillé par la main de l’homme pour un environnement plus montagneux en direction du seul camp de concentration sur le sol français : le NATZWEILER  STRUTHOF implanté en 1941. 
Du site pourtant si dramatique, le panorama est magnifique.
Un bâtiment d’accueil moderne avec billetterie, tranche avec le décor lugubre ressenti dès le portail d’entrée en rondins et  barbelé.
Nous arrivons juste à temps pour bénéficier d’une visite accompagnée. Le guide passionné s’éparpille et perd du temps en présentation du groupe, s’attarde trop sur les causes de la guerre.
Mais pédagogue, il sait intégrer les jeunes visiteurs en leur donnant à lire des témoignages à haute voix.
Pris de cours par le temps, nous nous esquiverons au bout de 2 heures et terminerons seuls le circuit.
Les conditions de vie au camp visaient à exterminer les mal aimés du régime nazi.
Les prisonniers devaient travailler dans une carrière de granit rose placée un peu plus haut dans la montagne soumise à  tous les vents.
Quant au camp, sa construction était volontairement conçue pour procurer le plus d’inconfort et de pénibilité possibles : le terrain en pente orienté plein nord supportait des baraquements en bois aujourd’hui disparus.
Ne restent que la cuisine, l’ancien bâtiment d’accueil des prisonniers servant pour les interrogatoires et les tortures, le four crématoire, avec les salles des douches et les salles équipées pour les expériences médicales, une prison comportant des cellules de 8 mètres carrés qui ont reçu jusqu’à vingt détenus.
Une table à bastonnade témoigne d’un des supplices pratiqué couramment, pendant lequel les punis étaient sommés de compter les coups administrés.
Pour des peines plus lourdes la potence toujours dressée maintenait la peur.
Notre guide raconte de sinistres anecdotes et habitudes du camp, en soulignant que les nazis s’arrangeaient toujours pour ne pas endosser la responsabilité des morts, ils préféraient se décharger sur les kapos.
Les sévices contre les plus faibles ne manquaient pas de cruauté, en commençant par les transports en camion proposés aux plus valides, les plus fragiles devaient aller à pied.
Autre exemple, les hommes chargés de porter 50 litres de soupe aux autres devaient emprunter un chemin tellement mauvais, gênés parfois par des coups bas des geôliers que la nourriture versait inévitablement, déclenchant la colère des affamés.
Le même chemin servait aux allemands pour les punitions, les détenus devaient transporter des lourdes charges rocheuses monter et descendre  en vitesse, sous des coups de bâtons et interdiction de s’écarter du chemin, sous peine d’être exécutés du haut des miradors.
Pour imposer encore  plus  leur autorité, les nazis divisaient pour mieux régner.
La population carcérale provenait d’un grand nombre de pays d’Europe: les nazis regroupèrent volontairement ceux qui étaient ennemis, comme serbes et croates par exemple.
Ils manifestaient une distinction entre les captifs d’occidents et les slaves, les plus détestés. Ils les montaient  les uns contre les autres, pour éviter toute rébellion et évasion, l’instinct de survie les poussait à toutes les bassesses. Menaces, chantages, mensonges des allemands venaient à bout de toute humanité : dénoncer son ami, son frère, pour échapper à de nouvelles souffrances, les déportés étaient réduits à l’état de bête. 
Aujourd’hui le musée incendié en 1965 a été reconstitué. 
Un Mémorial aux Héros et Martyrs de la Déportation érigé dans les années 50, inauguré par le général de Gaulle, domine ce lieu de souffrance  en souvenir de tous les disparus anonymes: « Phare de la Mémoire de 40 mètres de haut et visible depuis la vallée de la Bruche et les hauteurs du Donon, il représente une flamme et arbore la silhouette émaciée d'un déporté. »
Nous laissons cette page d’histoire tragique, caché dans son environnement bucolique.
Nous roulons vers BINDERNHEIM où nous avons rendez-vous avec Pélagie et Julien nos hôtes du AirB&B  Nous découvrons une belle maison très moderne, au milieu des fermes. Le revêtement au sol est en béton ciré. Les pièces et la salle de bain, design avec miroir antibuée et horloge intégrée numérique, s’éclairent automatiquement  ou à l’aide d’une télécommande. Pour eux, une pièce à vivre immense réunit une cuisine américaine et un salon, une grande baie vitrée s’ouvre sur l’extérieur. Pélagie, pragmatique, a tout préparé pour ses hôtes. Ainsi, et sur ses conseils, nous partons diner à Sundhouse  au Courrier chez Ginette d’une planchette de charcuteries arrosées d’une bière Pilser.

mardi 15 février 2022

Le petit Christian 2. Blutch.

Le nom de l’auteur ne m’était pas tout à fait inconnu, alors que c’est une référence de la french BD à la riche carrière : dessins de toutes sortes, cinéma et musique.
Cette fois, j’ai plongé avec grand plaisir dans ce récit d’enfance, quand le petit garçon va passer en sixième et qu’il est amoureux de Cathie Borie. 
L’album date de 2008 et Christian prie devant un poster de Steeve Mc Queen pour avoir une bonne note en Allemand, Marlon Brando du « Dernier tango à Paris » vient lui fait passer « l’examen de l’amour ». 
Ces connotations peuvent paraître datées, mais les vieux crocodiles comme moi peuvent se régaler de tant d’innocence, de confiance dans la vie, de sentiments exacerbés. 
Les styles divers des traits mêlant les rêves les plus exagérés à la minable réalité rendent parfaitement cette période de la vie parfois enchantée ou pas.
- Et marche comme y faut ! Et tiens- toi droit !
- Raaah écrase !
- Quoi ? Qu’est-ce t’as dit ?!!!
- Riiien Rôôô »   

lundi 14 février 2022

Enquête sur une affaire d’état. Thierry de Peretti.

C’est du lourd! Autrement dit la drogue est un thème de société important, sans que l’état ne soit désigné en accusé automatique contrairement à ce que laisse entendre le titre. Des questions cruciales sont posées. 
Lourd, comme on le dit d’un dossier allant au-delà des anecdotes individuelles pour insister sur l’importance des trafics de drogues qui mobilisent, immobilisent, les énergies de la police, de la justice, des douanes.
Pendant 2 heures, ces affaires complexes sont finement traitées, quand les moyens légaux sont parfois contournés
Peretti évite les clichés, mais la première partie apparaît énigmatique à certains, surtout si « El Chapo » ne leur dit rien, le puzzle narratif peut  sembler long à se remettre en place.
Alors que pour ma part j’ai apprécié le rythme, le montage, les suggestions et non le boum boum tac tac des productions de ce genre.
Si j’ignorais que c’est « l’affaire François Thierry » qui a inspiré le scénario, adapté du livre « L’infiltré » d’Emmanuel Fansten (le journaliste) et d’Hubert Avoine (l’infiltré en question), un reportage récent dans « Le Monde » concernant le port du Havre, «  sous l’emprise croissante du trafic de cocaïne » rendait compte de l’étendue du problème.
Le réalisateur n’oppose pas d’une façon simpliste, un vertueux journaliste à un policier ripou, mais donne à voir le travail collectif de la rédaction du journal « Libération» qui aurait pu inspirer un titre plus original à ce film, c’est un de leur talent. 
Les acteurs Roschdy Zem, Pio Marmai, Vincent Lindon et même Valeria Bruni -Tedeschi excellent.

dimanche 13 février 2022

La guerre de Troie (en moins de deux). Compagnie Théâtre du Mantois.

Sept comédiens jouent Ulysse, Ménélas, Agamemnon, Andromaque, Achille, Pâris, Cassandre, Priam, Iphigénie, Ajax, Philoctète, Zeus, Aphrodite, Héra, Athéna, Télémaque, Pénélope,  Patrocle, Hector… à partir des textes d’Homère, Sophocle, Euripide, Hésiode, Virgile relus par Eudes Labrusse. La belle Hélène est une poupée. 
Palamède avait démasqué Ulysse qui feignait la folie pour ne pas partir en guerre mais celui-ci le fera lyncher sous un faux prétexte de trahison : ainsi finit l’inventeur du jeu de dames.
Les 24 tableaux et un épilogue sont menés tambour battant, au piano, avec pomme d’or, et cheval destroy construit avec des chaises.
L’humour et le rythme ne submergent pas le sens de ces histoires mythiques où les passions, les dilemmes, sont exacerbés dans une fresque trépidante qui, par les Dieux, nous parle depuis si longtemps de notre condition humaine frappée déjà d’épidémie, toujours en proie aux violences les plus absurdes.
A la Vence scène, la troupe a pris du plaisir, son jeu est pédagogique, sans prétention, inventif, accessible, donnant à rire et réfléchir aux collégiens comme aux retraités.

samedi 12 février 2022

Le mois le plus cruel. Louise Penny.

Retour en avril au village de Three Pines pour l’inspecteur Gamache en 514 pages.
Une personne est morte, non plus au moment de Thanksgiving comme lors de la précédente livraison, mais à Pâques lors d’une séance d’exorcisme. 
« Tout grince quand on a peur » Erasme
La dimension fantastique plutôt métaphorique n’envahit pas toute l’enquête où la solution arrive sans que la multiplication des pistes participant au plaisir de la lecture ne brouille sa limpidité. 
« N’allez pas dans les bois au printemps. Il ne faut pas se trouver entre une mère et son petit »
Il s’agit d’une ourse, mais comme dans tout bon polar chaque phrase peut être un indice, et les occasions foisonnent : 
« Il faut que le papillon se débatte pour sortir du cocon. Cela développe ses ailes et ses muscles. C’est le combat qui le sauve. Sinon, il est paralysé. Si tu aides un paon de nuit, tu le tues »
Les réflexions psychologiques sont aussi riches que dans un manuel de développement personnel, mais avec plus de suspens, ainsi les nuances existant entre amour et attachement, pitié et compassion, indifférence et sérénité regroupées sous le terme de «  proche ennemi » peuvent être à prendre en compte au-delà de la résolution d’une énigme perturbée cette fois par des traitrises au sein de l’équipe d’enquêteurs. 
« Mais hélas ! qu'il est amer de ne voir le bonheur que par les yeux d'autrui ! »
 La nature est toujours aussi belle et la nourriture savoureuse. 
« Devant Beauvoir fut déposé un énorme steak grillé au feu de bois et recouvert d’oignons sautés avec, dans un autre plat, une montagne de frites. Beauvoir aurait pu mourir heureux sur- le-champ, mais il aurait manqué la crème brûlée au dessert. »

vendredi 11 février 2022

Le Postillon N° 63. décembre 2021 janvier 2022.

La première page de ce numéro du bimestriel m'a parue redondante puisqu'elle présente les trois tours de l'île verte derrière des dunes, afin d'exprimer les problèmes des soins médicaux dans la cuvette grenobloise sous le titre «  le désert médical avance ». Le dessin aux références datant des années 50 - j'ai les mêmes - amoindrit l’impact d'un reportage aux urgences de l’hôpital nord développé dans les pages suivantes.
Pour être un lecteur fidèle je n’en suis pas moins critique, voire en opposition radicale avec ces radicaux. 
Ainsi je vois dans l’ancien institut de géographie « une verrue », comme tout amoureux « d’une ville lisse et aseptisée ». Je n’escorte pas ses rédacteurs admiratifs du bar clandestin monté sur le toit quand ils trouvent qu’à Grenoble, « il manque de friches, de lieux d’aventure, d’endroits ou les ados peuvent aller vivre leur premier frisson en arpentant un lieu abandonné. » Ils consacrent dans la même veine d’autres pages à un habitant « emblématique » de Saint Martin le Vinoux, adepte des squats.
S’ils ont de la sympathie pour les râleuses dans les réunions de concertation lors de la rénovation du quartier des Essarts à Echirolles, ils réservent tout leur esprit critique à l’adjoint au personnel de la ville de Grenoble : Pierre Mériaux  avait eu la mauvaise idée de classer le bimestriel à ... l’extrême droite. Depuis ils ne s’en sont pas remis. Mon plaidoyer pour défendre l’élu écologiste ne prétendra pas à l’objectivité puisque je connais bien sa famille. Alors quand lui est reprochée sa raideur, je n’entends que sa droiture et lorsqu’il est question de mépris, je retrouve la même critique envers Emmanuel Macron lorsqu’il fait la preuve de ses compétences. Que le syndicaliste passé à un éminent poste de responsabilité ne se soit pas départi de sa rigueur, ni des ses capacités de travail est tout en son honneur. De même que de n’avoir pas cédé aux bibliothécaires n’apportant pas leur part dans la lutte contre la pandémie  lorsqu'elles refusaient  de vérifier les pass sanitaires, ne peut que forcer la sympathie, le courage est devenu si rare.  
Sinon les couplets anti technologies donnent dans la routine : folkloriques avec le regret des cabines téléphoniques, bien que plus pertinents avec le recours énamouré aux bornes de consultation devenu réponse obligée.

Leur ambition de produire un journalisme alternatif les amène à des acrobaties anecdotiques quand les journalistes anonymes suivent le cours du ruisseau le Verdaret enterré sous le parc Paul Mistral. 
La divulgation d’une querelle mettant en scène un chocolatier, un gérant de pressing et un policier en retraite à Voiron peut paraître également assez insignifiante.
Le juste hommage à Gaspard Forest le nettoyeur de rivières disparu brutalement s'avère bienvenu. 
Le test comparatif de cette fois consacré aux ruptures de barrages ne peut faire valoir leur verve coutumière dans cet exercice : « la surfabilité de la vague » ou « le potentiel blockbuster du scénario » font quelque peu plouf !  

jeudi 10 février 2022

Design et architecture. Laurent Abry.

« La pyramide du Louvre »
de 1983 conçue par Ieoh Ming Pei introduit la conférence devant les amis du musée de Grenoble pour illustrer le dialogue des arts quand la lumière contemporaine met en valeur le patrimoine.
 Sa forme élémentaire évoque la toute
première pyramide édifiée par Imotep 2600 ans avant notre ère comme lorsque s’écoule le sable depuis une main, dans le désert à « Saqqara ».
Autre projet pharaonique, « Le château de Chambord » réalisé en un siècle parait, dans sa perfection, avoir poussé dans la journée.
Concernant la réalisation d’objets où l’utile rejoint l’agréable, l'« Opéra » illustre la notion de design
« un processus proche de l’architecture en raison de la forte implication de la fonction et de la technique dans la méthode de création ». Son architecte Garnier remporta le concours devant un certain Violet Le Duc.  
Eugénie, l’impératrice demanda :  
« - Qu’est-ce que ce style ? Ce n’est pas un style, ce n’est pas du grec, ni du Louis XVI.
- Non, ces styles ont fait leur temps. C’est du Napoléon III » 
aurait répondu son concepteur qui dessina jusqu’aux grilles d’aération. 
Le style est effectivement éclectique, s’inscrivant dans le courant historiciste.
Surmontant la salle qui peut accueillir 2000 personnes, la coupole décorée par Chagall supporte un lustre de 8 tonnes.
La loge numéro 5 était affectée au fantôme de l’Opéra.
Les grands volumes de l’intérieur se devinent à l’extérieur. Inauguré en 1885, Napoléon III ne peut franchir l’entrée qui lui était réservée.
L’Exposition Universelle de 1900, « bilan du siècle » ouvre sur l’avenir. « La Porte Binet »  surmontée par la statue de « la parisienne » devient un symbole de l’Art Nouveau, dit aussi Liberty, Tiffany ou Macintosh.
Il s’exprime à Nancy avec
Majorelle où dans sa maison il y a peu d’angles droits.
A Bruxelles subsistent 200 maisons de ce style dont « l’Hôtel Tassel » et sa rampe d’escalier en coup de fouet.
A Vienne, au
« Palais de la  Sécession » s'inscrit la devise : 
« A chaque époque son art, à chaque art sa liberté ».
De Saint-Pétersbourg, avec la « maison de la compagnie Singer » exprimant son universalisme,
à la
« Sagrada Familia » de Gaudi à Barcelone, les ambitions sont affirmées. 
Le monument emblématique de la ville catalane visité par 3,2 millions de personnes en 2012, commencé en 1882 après avoir été consacré en 2010 devrait être achevé en 2026.
Garnier n’avait pas voulu d’entrée pour le métropolitain de
Fulgence Bienvenüe dessinée par Hector Guimard  devant « son » opéra pour ne pas mélanger les styles. Pourtant malgré leur caractère indissociable de l’image de Paris, rares sont les édicules qui subsistent.
La maison de Charles Mackintosh et Margaret MacDonald  où l’art déco rejoint l’art nouveau a été reconstituée à Glasgow.
Frank Lloyd Wright  considéré comme le meilleur architecte américain a conçu «  La maison sur la cascade ».
Oscar
Niemeyer mort à 104 ans a construit Brasilia. 
« Le béton suggère des formes souples, des contrastes de formes, par une modulation continue de l’espace qui s’oppose à l’uniformisation des systèmes répétitifs du fonctionnalisme international »
On reconnaît facilement les bâtiments chiffonnés de Frank Gehry :  
« Hôtel Marqués de Riscal »
Les lampes qui éclairaient les pêches traditionnelles au cormoran inspirent les lumineuses « Akari » (lumière) d’ Isamu Noguchi.
Le haricot, « Cloud gate » de Anish Kapoor est bien l’œuvre d’un sculpteur étonnant.
Au jeu des échelles le « viaduc de Millau » de Forster  au bord du Causse approche le ciel.
Construite selon les plans de Thomas Heatherwick, « The vessel » s'élève sur 16 étages.
Santiago Calatrava choisit la forme d'un oiseau pour « La gare TGV » de l’aéroport Saint Exupéry.
Dans un format plus modeste, « Le cône en verre » d’Arnaud Lapierre remplaçant le sapin municipal à Bordeaux conclut l’exposé pour nous souhaiter de bonnes fêtes (de Noël avec foie gras). 
 A cette occasion on peut utiliser un des ustensiles conçus par l’architecte Arne Jacobsen, mais un Opinel branché ( en bois) pour trancher fait l’affaire.