mercredi 26 janvier 2022

Eguisheim.

Après un café Senseo mis à notre disposition par L. dans le AirB&B, nous partons toute la journée explorer la route des vins.
Nous commençons par Eguisheim,
récompensé du titre de plus beau village de France, nous en verrons d’ailleurs d’autres ainsi gratifié dans notre périple.
L’aménagement des ruelles de la vieille bourgade dépend entièrement d’anciens remparts et épouse leur forme en rond avec au centre la place du Château.
De belles maisons à colombages bien fleuries se serrent les unes contre les autres, ne laissant que peu de place à la voirie.
Ici encore, les enseignes attirent l’œil, que ce soit pour signaler des magasins de bretzels ou les nombreuses et coquettes caves viticoles.
Les deux  monuments historiques s’élèvent  au cœur de la cité :
- la chapelle de Léon IX commémore  le pape voyageur, natif d’Eguisheim vers 1002.  Construite en 1894 à côté du château, à l’emplacement de l’ancien donjon, elle adopte le style néo roman mais les couleurs récentes n’ont pas pris la patine du temps passé. 
A l'intérieur, sur la voûte, ont été peints par Martin des médaillons dans le style du 11ème siècle. Ils représentent sept scènes de la vie de Saint-Léon, alors que les vitraux de celle-ci datant de 1895, symbolisent les Saints d'Alsace dont un grand nombre sont issus de la famille des Comtes d'Eguisheim.
- Nous ne visiterons pas le château, surtout intéressant de l’extérieur selon le routard.
Par contre, nous accordons plus d’importance à l’Eglise des Vierges d’Eguisheim  appâtés par le prospectus de l’Office du tourisme.
A l’intérieur sur le côté droit en entrant, une magnifique et rare vierge ouvrante du 14° siècle  niche derrière une vitre de protection. Mise en valeur sous un tympan  et encadrée par des colonnettes, elle est posée à l’emplacement  du trumeau d’un portail. Elle  est affublée d’une porte au niveau de l’abdomen, qui une fois ouverte laisse apparaitre un ange tenant un cierge peint sur deux vantaux  et une gloire surmontée d’une hostie au centre. La vierge, se montre souriante mais assez inexpressive derrière une apparence et des traits naïfs. Dans le  tympan au-dessus d’elle, le Christ  Pantocrator règne entouré de Pierre muni de sa clé et de Paul.
Il domine une rangée de femmes, les vierges folles et les vierges sages. Les vierges folles  se situent  à droite de l’œuvre mais en fait  à gauche du Christ. Elles pointent leurs lampes vers le bas alors que Dieu, qui est la Lumière, siège en haut, et discutent  deux à deux dans une attitude dissipée. 
Tout autrement se comportent les vierges sages, à gauche (droite du Christ),  figées dans une attitude unique sans distinction aucune, bénies par un Christ abrité sous une tour. Heureusement pour nous, après l’office, nous avons pu bénéficier d’un peu d’éclairage et d’aide de la part d’une paroissienne, bien utiles pour la découverte de ces représentations inhabituelles ! Nous quittons l’église sans trop explorer le reste, en passe de fermeture. Nous ne verrons pas non plus les cours dîmières inaccessibles aujourd’hui.
A notre arrivée à Eguisheim vers 10h  nous avons été surpris du peu de touristes présents et bien que vers 11h, ils commencent à affluer, rien de comparable à Saint Paul de Vence ne s’est produit, contrairement aux informations délivrées par les guides ou les autochtones. 
Tant mieux pour nous !
Nous croisons encore moins de visiteurs à Rouffach certes moins léché que le village précédent. Les maisons protègent leurs pierres jaunes sous des crépis qui leur confèrent une apparence plus anodine.
Pourtant quelques bâtisses, souvent à redents, attestent d’un passé prospère et le petit fascicule de l’ODT nous permet de les repérer, d’en savoir un peu plus.
Au centre, de la place de la république se dresse l’église Notre Dame de l’Assomption, de style gothique et en grès jaune. Un concert pour piano se prépare, des notes s’échappent et transpercent les murs. Nous ne nous expliquons cependant pas bien la présence de 2 harmoniums installés, l’un devant l’ODT et l’autre en déco près de la cathédrale. Sous la protection de l’église, plusieurs édifices civils remontent à la Renaissance, placées à peu de distance les unes des autres.
Dans cet ensemble, se trouvent l’ancienne halle aux blés, reconvertie aujourd’hui en musée, l’ancien hôtel de ville remanié à différentes époques, l’ancienne maison de l’œuvre Notre Dame abritant l’atelier des tailleurs de pierres.
Plus vieille encore, la colonge ou exploitation agricole de l’abbaye d’Eschau montre une architecture très défensive, son seul décor provient de ses fenêtres gothiques préservées. Il subsiste aussi une tour des fortifications qui servit de prison et porte le nom de Tour des sorcières. En ce qui concerne l’habitat, des oriels garnissent des façades, une ancienne  synagogue du XIII°siècle fut désacralisée pour accueillir des logements.
Quant à la fontaine saint Urbain,  les statuettes qui la décorent  racontent  la vengeance des vignerons contre le saint :  après de mauvaises vendanges ils précipitèrent  son effigie dans le bassin.

mardi 25 janvier 2022

Le monde sans fin. Jancovici .Blain.


J’avais cru que les deux pères Noël qui ont déposé cette BD au pied de deux sapins différents avaient des allures de père vert ou de père fouettard : encore une leçon pour remettre « boomer » dans le droit chemin. 
Pas du tout : il s’agit sur 200 pages d’un exercice de vulgarisation à propos de l’énergie, parfaitement mené, abordant les aspects physiques, géographiques, économiques , historiques, politiques avec finesse et humour. 
J’avais commencé ma carrière militante au pied du surgénérateur de Bugey, il y a de quoi être tout retourné par ce plaidoyer favorable au nucléaire. 
Le constat sur l’état de la planète ne peut qu’être sévère, mais les solutions présentées tranchent avec les certitudes surplombantes des acharnés verts. 
« Choisir une énergie, c’est choisir un type de transformation avec des avantages et des contreparties »
« Le charbon n’a jamais été l’énergie du passé. L’utilisation par personne n’a jamais baissé depuis qu’on a commencé à se servir de ce combustible. »
« Les émissions de dioxyde de carbone dues au digital sont équivalentes à celle de toute la flotte mondiale de camions. »
« Le réchauffement climatique appelle le réchauffement climatique.»
Riches heures à passer dans ce volume à succès où l’on peut dépasser quelques impressions premières : ce n’est pas parce qu’il n’est plus dans nos caves que le charbon à disparu. 
Des explications originales sont avancées ainsi le printemps arabe est né de trois facteurs : 
«  La sécheresse désormais croissante du pourtour méditerranéen ne permettant pas à l’agriculture locale de nourrir une population grandissante… La crise des subprimes en 2008 a fait chuter le tourisme… les recettes de l’exportation en Tunisie et en Egypte ont dégringolé… Le prix des importations alimentaires a augmenté sous le double coup de la sécheresse en Russie, qui représente 20% du marché mondial des céréales, et de la hausse du prix du pétrole… » 
Au menu d’une alimentation à revoir entrent la mondialisation, le problème démographique et la décroissance. Le populaire ingénieur pédagogue est bien servi par le dessinateur se mettant en scène avec ses naïvetés, ses maladresses, il représente parfaitement le lecteur. 

lundi 24 janvier 2022

Little Palestine, journal d’un siège. Abdallah Al-Khatib.

Mes yeux n’allant peut être pas assez souvent au-delà de l’hexagone, je ne savais pas que le plus grand camp palestinien au monde se situait en Syrie, au sud de Damas et que Bachar El- Assad l’avait assiégé en 2012, occasionnant la mort de faim de 180 personnes sans compter ceux qui ont péri sous les bombardements des avions russes. 
Alors que je suis réticent envers l’utilisation des enfants pour faire valoir une cause, le cinéaste dont on n’oublie pas la présence derrière la caméra, filme honnêtement les petits garçons et les petites filles dont les rires s’inscrivent dans nos mémoires, quand réduits à ramasser de l’herbe dans un terrain vague, ils disent « manger comme les vaches ». 
Les plus vieux aux gueules ravagées rappellent les figures tragiques de Goya et les silhouettes faméliques qui déambulent dans la ville dévastée renvoient à des images d’autres camps qui valurent aux palestiniens de quitter leur terre en 1948. 
L'organisation État islamique a pris le contrôle de Yarmouk, en 2015. 
Dans la même veine que « Pour Sama » en encore plus noir.

dimanche 23 janvier 2022

J’ai des doutes. François Morel.

Les doutes sont féconds quand des textes de Raymond Devos traversant les époques sont repris avec élégance par le chanteur,
l'écrivain 
N’écoutant plus guère France Inter, je n’avais plus de nouvelles du chroniqueur ; à l’Hexagone de Meylan - pas à la MC2 - pendant une heure et demie, je le retrouve jouant parfaitement avec le public, toujours prêt à faire trop de grimaces et forcer sur les exclamations, mais on aime ça parce que la poésie, une grande variété de rires sont parfaitement dosées. 
L’absurde, le cocasse, la folie de Devos lui vont parfaitement jusqu’aux jeux de music-hall avec scie musicale, marionnette et  pianiste complice. 
Quelques séquences appellent plutôt la nostalgie quand il est question de "main de ma sœur dans la culotte d’un zouave" ou de belle-mère. 
Mais planter un clou peut prendre une dimension métaphysique souriante, et le fameux sketch du rond-point n’offrant que des sens interdits permet de mettre des mots sur nos désarrois.
Les mots en jeu sont bienfaisants : son chien parle, le car pour Caen part à et quart, la voisine du dessus enlève ses dessous, et pour éviter la hausse du prix de l’essence il vaut mieux n’en prendre que 15 €. Plus que jamais, il fait bon rire, sans le remord d’avoir kiffé à une vacherie, jamais méchant, sans être mièvre ; au rappel, le public conquis chante « Je hais les haies, je hais les murs qui sont en nous ». 
Nous restent en tête les premières notes du Clown de Giani Esposito qui ouvre et clôt le spectacle : 
« S'accompagnant d'un doigt
ou quelques doigts
le clown se meurt »

samedi 22 janvier 2022

Les temps ont changé. Arlette Camion.

« Epatant! » pour employer un mot légèrement désuet en accord avec ce recensement nullement triste des objets obsolètes.  
« Prendre les objets disparus et les interroger, les faire scintiller à la lumière du monde d’aujourd’hui. » 
La jovialité de l’auteur nous épargne toute nostalgie, bien que sa sidération devant le temps qui a galopé soit aussi la nôtre.
«  On ne voulait rien gagner, mais on s’évertuait à ne rien perdre […] depuis ma naissance, la population mondiale a plus que triplé, les peuples dits primitifs ont à présent la wifi, la sainte Eglise apostolique et romaine s’est brutalement effondrée, tout comme le saint espoir communiste, l’exotisme est devenu une denrée commerciale, et nos petits enfants nous apprennent comment faire marcher des machines qui sont indispensables à notre quotidien. »
Au chapitre « papier gras » l’humour trahit une colère : 
«  Il faut sortir de l’Europe pour trouver la vieille pollution, la pollution sympathique : en Algérie, où le lit des rivières à sec s’émaille de couleurs rose, blanches, bleues, noires de plastique balancé, c’est une pure merveille. » 
Avec ses airs de Philippe Delerm dans ses descriptions de la cabine téléphonique, du serre-tête ou du ris de veau financière, elle glisse quelques utiles réflexions sociologiques qui placent les objets dans leur évolution. La balance romaine permet d’évoquer les métamorphoses du commerce, l’horloge parlante notre rapport au temps, la boite à compas nos hésitations quant au progrès. La mappemonde, le globe, est devenue la planète, globalisée, et la lorgnette de théâtre, outil de la médisance, aurait à voir avec les réseaux sociaux…

vendredi 21 janvier 2022

Colibri c’est fini.

Le réel peut disparaître face à la fiction quand un non vacciné admis en réanimation ne veut pas reconnaître le diagnostic qui indique que lui aussi est atteint par la pandémie, puisque pour lui la Covid lui semblait une invention. Il a accepté d’être ventilé.
Cette histoire peut susciter l’incrédulité, mais nous sommes également dans un déni à l’égard de l’état de la planète ou dans l’acceptation des inégalités, voire vis-à-vis de notre inéluctable fin. Mais comment vivre, quand tant de choses nous dépassent ?
Nos directeurs de conscience se sont semble-t-il aperçus qu’à faire sonner du matin au soir les sirènes de l’apocalypse, nous ne pouvions plus les entendre. Reste à nous débrouiller avec nos faiblesses, nos lâchetés, nos aveuglements.
Pour éviter de se fustiger trop facilement, l’émergence d’effets pervers entrainés par des mesures de justice nous rend prudents face à des solutions miraculeuses, avec l’exemple de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux qui a participé à la fragilisation de l’institution. Me voilà absout vite fait de mes reniements et de mes essoufflements.
Nos impuissances s’égayaient avec quelques oiseaux minuscules aux couleurs chatoyantes prétendant éteindre l’incendie de leurs gouttelettes dérisoires, mais Pierre Rabhi le père de l’association Colibris est mort et Sandrine Rousseau squatte les plateaux. Le titre de cet article n’hésite pas sur le jeu de mots mais se garderait d’une quelconque prophétie.
Bien qu’ayant une aversion de toujours envers les gourous, la modestie de l’habitant du plateau ardéchois et ses engagements forçaient un respect que je n’accorde pas à tous les radicaux de salle des profs qui ne nettoient jamais leurs tasses.
La croissance démographique qui fut un vecteur de l’épuisement des ressources de la planète est en train de s’inverser, entrainant d’autres problèmes de main d’œuvre et de retraites.
Les débats qui animent petites et moyennes communes quant à la construction de nouveaux logements seront bientôt caducs et les tas de déchets moins hauts.Laissez venir à nous réfugiés climatiques et politiques ! Mais arrêtez de faire des mômes, et pour préserver la planète évitez les préservatifs en plastique, revenez à la vessie de mouton des origines dont Madame de Sévigné, disait: 
« c'est une cuirasse contre le plaisir, une toile d'araignée contre le danger ». 
Toutes ces forces vives en barque vers nos pays plus policés ne viennent pas forcément d’états policiers, privant ainsi bien des pays qui ne cessent d’émerger de leurs éléments les plus dynamiques. 
« Le monde, c'est un bateau norvégien rempli de réfugiés afghans en rade au large de l'Australie. » Marie Darrieussecq
J’ai passé une semaine avec Houellebecq où les barges coulent,
mais me reviennent depuis ses romans plus noirs, la mise en lumière d’une campagne où les suicides de paysans ne sont pas des simulacres.
Depuis nos territoires climatisés où le travail est essentiellement source de stress, où tout est tourné en dérision, le jeu et ses manettes tiennent la main du « je ». La prise du palais d’hiver se résoudrait aujourd’hui en un selfie maintenant que des avatars tiennent meeting. 
« Cage dorée ne nourrit point l’oiseau.» Proverbe italien.

jeudi 20 janvier 2022

Basquiat. Julian Schnabel. Jean Serroy.

Le dernier film de la série « Les peintres au cinéma » présenté devant les amis du musée de Grenoble, après Michel Ange et Caravaggio,
a été réalisé par un peintre contemporain du si jeune maître de la figuration libre.
Basquiat est mort en 1988 à 27 ans, le film après 6 ans de gestation date de 1996.
Le réalisateur dans un souci d’authenticité a choisi des acteurs proches du milieu des artistes émergents dans les années 80 : Bowie en Warhol, Dennis Hopper, Christopher Walken, Jeffrey Wright a la ressemblance troublante avec le grapheur et Keith Richards, Iggy Pop pour une bande-son forcément marquante avec l’inoubliable Tom Waits.
Il est surtout question des rencontres qui ont permis à celui qui dormait dans des cartons de devenir une star. Le mot semble le plus approprié pour désigner le créateur séduisant le marché de l’art.
« En 1980, Jean-Michel Basquiat survivait à peine en vendant ses dessins 50$ pièce. Aujourd’hui, certaines de ses peintures se vendent plus de 50 millions de dollars. »
Des aspects de sa biographie sont habilement traités comme le retour impossible vers une mère qui avait déterminé son destin
ou la rivalité/amitié entre Warhol, Basquiat et Schnabel oubliant Keat Harring dans son récit : qui était la création de l’autre ?
Jeffrey Deitch un marchand d’art avait pu dire de lui :  
« Toute la force de Basquiat réside dans sa capacité à opérer une fusion entre les images absorbées dans la rue, les journaux, à la télévision, et le spiritualisme de son héritage haïtien pour mettre ces deux éléments au service d’une compréhension merveilleusement intuitive du langage de la peinture moderne. »
Bien que la présence de critiques et de galeristes souligne les aspects financiers que les films américains ne négligent jamais, quand le talent se mesure en dollars, nous restons au bord de cet engouement soudain pour un peintre se réclamant d’un « art ignare » et de « la peinture moche ».
Serait-ce l’éternel remords d’avoir ignoré Van Gogh, la fascination pour l’underground, l’émergence enfin d’un noir qui se voulait créole, l’originalité de celui qui était toujours en recherche dans les styles, les techniques, les substances qui l’ont tué ?
Sa carrière fulgurante ne pouvait que solliciter le cinéma, bien que malgré tous ses atouts, l’émotion ne soit pas au rendez-vous, pas plus qu’un dévoilement des mystères de la créativité, alors que bien des aspects de sa biographie sont bien présents. 
 Le cinéaste qui a adapté «  Le scaphandre et le papillon », revenu récemment sur la vie de  Vincent Van Gogh « At Eternity's Gate » ( À la porte de l'éternité) est aussi un peintre côté adepte du collage, il était un personnage du film « The square »