« L’amour est une
illusion ? Comme la musique, comme le cinéma, comme le roman. On n’en fait
pas toute une histoire que ce soient des fictions. L’amour est une fiction
vraie, qui se joue dans l’espace réel où évoluent nos corps. »
Et me voilà dans la position ridicule d’une lectrice
admirative de l’écrivain :
« Un roman
consacré à l’amour, enfin ! dit-elle, déjà enflammée. Vous allez nous
faire Belle du seigneur,
- Oh, pas du tout. Je
vais même faire exactement le contraire. »
Suit une brillante analyse très
critique du livre culte venant après des considérations fines et distanciées
sur la position de l’écrivain.
« Je suis le
narrateur, c’est moi qui raconte l’histoire, la seule qui vaille, l’histoire
d’amour. Lui, c’est Noé. Il est mon ami, je suis le sien, nous n’en avons pas
tant, nous sommes l’ami l’un de l’autre et nous n’avons pas besoin de plus. Je
raconte sa vie avec Felice, qui est son amie, son amante, sa femme. »
La riche écriture convient mieux aux chapitres où le
narrateur s’exprime en son nom plutôt que lorsqu’il laisse les mots au
dessinateur et à l’avocate, parfois trop exaltés, à mon goût.
« Tu es le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du
mal » peut paraître excessif, mais ne recherche-t-on pas dans les
livres à nous élever au-dessus de nos pâles perceptions, à pimenter nos
connaissances ? La langue poétique de l’auteur ne s’exerce pas seulement entre
des draps froissés à chercher trace d'excrétions corporelles.
« J’aime pour ça
la saveur atonale du chablis, ce goût qui manque toujours d’avoir lieu, qui
promet, effleure, et disparaît, soleil pâle d’une belle journée d’octobre, ciel
très bleu de porcelaine, feuilles métalliques prêtes à tomber, dernières
grappes flétries laissées par les vendangeurs, vin tranchant et poliment en
retrait qui laisse toute la place à la contemplation. »
Les 250 pages frémissantes se délectent d’une permanence
toujours menacée, avec des protagonistes pas toujours exemplaires.
Noé est enfermé dans ses dessins, occasion de belles pages sur cet art et il
n’aime pas les plages ensoleillées. Des passages drôles reposent
de l’idylle. L’évolution des personnages est intéressante et bien des points de
vue sont abordés, l’éditeur fait valoir le sien :
« L’amour qui
dure, c’est celui sur lequel il n’y a rien à dire, tu le sais, non ? Un
tunnel. Ce qui intéresse les gens c’est le début et la fin, là où ça bouge un
peu, parce que sinon, entre, il y a quoi ? Des pantoufles ? Des poils
dans la baignoire ? Un baba au rhum au dessert ? Rien de plus qu’une
lente dégradation, et l’échec prévu depuis toujours. »