Sous une reproduction de Guardi : « Ouverture
du grand canal » le conférencier invité par les amis du musée de
Grenoble situe l’époque mouvementée qui précéda l’avènement de Giambattista Tiepolo après les maîtres vénitiens du XVI° : Véronèse, Le Titien et Le
Tintoret. Alors qu' autour de la lagune une personne sur quatre était morte après plusieurs épidémies de
peste, un siècle de peinture de « La Sérénissime » avait disparu lors
de deux incendies dans le palais des doges. Les commanditaires habituels
investissaient dans leurs propriétés terrestres et les ateliers n’avaient pas
survécu à leurs créateurs. Mais Venise était
toujours une étape du « Grand tour ».
Les couleurs sont éclatantes, dans « La Flagellation du
Christ » par Palma le jeune, les silhouettes aux allures
maniéristes ont des corpulences proto baroques.
Léonardo Corona présente, pour un plafond, « sotto in su » (de bas en haut),
des épisodes de la vie de « Saint Nicolas », sauvant
des marins en péril ou faisant abattre des arbres vénérés par les païens.
« Charles VIII recevant la
couronne de Naples » peint cent ans après la bataille par Francesco
Bassano, tient un sceptre et non le glaive, en un raccourci narratif
qui ne manque pas d’expression. Les tendances ténébristes du peintre sont
accentuées par la sous-couche bitumée qui a assombri les pigments.
Le « David » de Domenico Fetti contient sa force et si son éclairage doit au
Caravage, Rubens a eu son influence aussi. Il était passé dans la cité des eaux et des
masques comme Van Dick, Poussin, Vélasquez….
De l’allemand Johann Liss, « Abel pleuré par ses
parents » figure avec son pendant :
« Abraham » prêt
à égorger son fils Isaac ; l’ange cette fois a évité le crime.
Chez Francesco Maffei, « Circé et Ulysse »
apparaissent dans une lumière poudrée toute vénitienne.
Et « La famille de Darius devant
Alexandre » de Gianantonio Pellegrini, avec ses personnages de
frise, n’est pas hiérarchisée.
« La Modestie
présentant la Peinture à l'Académie » a une gamme chromatique douce et vaporeuse.
Le pastel convient
bien aux portraits, celui du « Jeune
garçon de la famille Leblond », par Rosalba Carriera est remarquable.
Alors que la
lumière triomphe chez Ricci dans « La
répression de Cupidon »,
« La pie
savante » dans sa cour des
miracles sort des catégories établies
et autour de « La vierge à l’enfant » des
ordres différents occupés à des taches diverses vont se réunir pour trouver l’harmonie
musicale, le temps que l’angelot trouve le « la », bien que l’on passe,
dit-on pour le luth, la moitié du temps à l’accorder et
l’autre moitié à jouer faux.
Tous ces peintres
aperçus lors de cette conférence pour arriver aux Tiepolo.
Le père Giambattista Tiepolo fut le plus célèbre des peintres du XVIII° siècle, la lumière qui émane
de son « Immaculée
conception » peut porter aux extases mystiques
et les dimensions de
ses fresques impressionner dans une « Montée
au calvaire » où riches
sont les couleurs dans une composition foisonnante.
Cette liberté
s’exprimait pleinement dans le « Triomphe
de Zéphyr et Flore »
Le
nouveau monde », sujet
original, où des spectateurs de dos sont
absorbés par une lanterne magique leur faisant découvrir des paysages
lointains est du fils Giandomenico Tiepolo.Dans une de ses fresques de plafond « Polichinelle et la balançoire » porte la mélancolie du personnage.
« Chez Tiepolo la
couleur est comme déplacée, par rapport aux propositions de la nature, elle ne
dit plus le vert du feuillage, la teinte jaune des fruits, elle a des jaunes
acides, des roses, des mauves comme la terre n’en offre guère, et qui suggèrent
plutôt de luxueuses étoffes teintes, comme si le Ciel s’était revêtu des
parures de la Venise festive qui a commandé nombre de ces peintures »
Alain
Buisine