Les visites guidées me deviennent indispensables : le
professeur Brunet qui s’adresse à d’autres professeurs, nous a apporté une fois encore
des éléments passionnants pour mieux voir, tout en se montrant d’une prudence
de Sioux quant aux commentaires univoques.
Ainsi pour l’artiste américaine, n’a-t-il fait qu’effleurer
l’interprétation freudienne de toutes ces coroles et pistils de fleurs, plis et
replis de pétales, respectueux en cela de la belle aux allures parfois
androgynes, lassée des exégèses de cette eau.
J'ai fait paraitre dernièrement sur ce blog un
compte rendu de la conférence de Sophie Bernard la conservatrice concernant
l’exposition O’K au musée de Grenoble qui dure jusqu’à début février 2016.
J’éviterai de me répéter dans l'article ci-dessous ou dans celui de la
prochaine parution au sujet de « La modernité photographique au temps de
Georgia O’Keeffe » par Hélène Horain.
C’est l’histoire d’une américaine, née à 15 km de chez Laura Ingalls Wilder auteure du roman
« La petite maison dans la prairie » qui étonna Stieglitz dont la
galerie newyorkaise, fenêtre sur l’Europe, pourra enfin exposer une forte
novatrice du « nouveau monde ».
L’exposition chronologique montre bien les évolutions de l’artiste
née en 1887 dans le Wisconsin, et morte en 1986 à Santa Fe :
dialectique abstrait / concret, des horizons infinis
aux recoins infimes, collines du Middle West et contre plongée aux pieds des
gratte ciels, lumières du Nouveau Mexique…
Il s’agit bien comme le
disent les affiches, de Georgia O’Keeffe
« et ses amis photographes » où sont évoquées les influences réciproques des créateurs d’un
art à ses débuts et des peintres :
cadre, zoom, lumière, rythmes, lignes…
Peut-on dire qu’elle fera « de belles photos
peintes »?
La photographie apporte à Georgia O’K un autre regard sur
ses productions et avec la multiplication des portraits par Stieglitz, elle
« adopte » son propre corps après avoir eu le sentiment de n’être
qu’un objet. Ses nus sont magnifiques et ses mains magnifiées, bien que jamais saisies
dans des moments de travail.
A l’époque des fleurs en volutes présentes dans les arts
décoratifs, ses toiles aux allures d’aquarelles s’éclairent de couleurs. Le
gris domine alors chez les cubistes parisiens.
Le ciel de Lake Georges ou du Nouveau Mexique, passage du
réel à l’abstraction, est aussi un terrain de rencontre avec la musique.
Les fleurs sophistiquées jouent des équilibres, semblent
pousser le cadre, se multiplient, des zones s’estompent, d’autres jaillissent.
La ville lumière est sombre, trépidante, elle est déserte
chez O’K.
Dans sa voiture transformée en atelier elle sillonne le désert,
rencontre des habitants dont les croix telles des poteaux indicateurs se
superposent au dessus de leurs croyances premières.
Les arbres des Amériques sont plus hauts que les édifices
construits par les hommes et toujours sources d’émerveillement.
Comme les os
détournés de leur pauvre destin devenus
des viseurs de lune, des cadres insolites rompant les hiérarchies souvent présentes
dans les sujets européens. A la façon des montagnards de par chez nous qui
reviennent de leurs courses avec des
cailloux, elle amasse pierres et os.
Elle viendra à Chartres et en admirera les vitraux.
Elle sait bien ce qu’est la lumière, l’exposition au musée
de Grenoble jusqu’à début février 2016, nous en redonne.
Les précisions qui nous ont été apportées sur les conditions
de préparation d’une telle exposition ne sont pas inutiles : il a fallu
quatre ans pour que celle-ci soit installée. La richesse des collections
grenobloises permet des échanges avec d’autres institutions dans le monde
entier comme en témoigne encore cette fois cette présentation exceptionnelle,
facile à regarder et qui peut nous emmener loin.