En ces temps traumatisés côté humour, j’ai eu envie de
reprendre une rasade d’inconvenance d’un dessinateur perdu de vue. Mais dans
cet album de 2001, de l’auteur à « la ligne crade » j’ai surtout mesuré que j’avais du mal avec la
scatologie. A chaque page des merdes alternent avec des dégueulis de toutes les
couleurs, plus fréquents que la moindre parole provenant de personnages qui
n’ont rien d’humains. Ces provocations là ne sont que grossièreté et rebutent
le lecteur qui serait venu chercher une façon radicale d’évoquer le monde du travail. Un dessin par page,
comporte en dessous une cohorte de demandeurs d’emplois monstrueux qui se
trainent sur chaque page pour mener jusqu’à un gag ultime… excellent.
mardi 14 avril 2015
lundi 13 avril 2015
Le Challat de Tunis. Kaouther Ben Hania.
Nous ressortons de la projection, les jambes coupées,
accablés et en même temps admiratifs du courage des femmes. En 2003, à Tunis,
un homme a lacéré au couteau des femmes, par derrière. La réalisatrice revient
sur ce fait divers qui a pris la dimension d’une légende urbaine.
Nous naviguons entre réalité et fiction. Elle organise des
castings, va dans les cafés bavards avec
une caméra qui se met au diapason de la violence. Un odieux jeu vidéo a été
concocté à partir de ces actes pervers, il renforce les frustrations d’une
société perdant son âme sous les lames acharnées au malheur. La
commercialisation d’un « virginomètre » ne fait même pas rire :
c’est tragique. Un pêcheur trempe sa ligne dans un égout, il n’espère même pas
prendre quelque chose, il « tue le temps ». Oui.
dimanche 12 avril 2015
Histoire d’une vie. Aharon Appelfeld. Bernard Levy.
« Où commence ma
mémoire ? Parfois il me semble que ce n’est que vers quatre ans, lorsque nous
partîmes pour la première fois, ma mère, mon père et moi, en villégiature dans
les forêts sombres et humides des Carpates. D’autres fois il me semble qu’elle
a germé en moi avant cela, dans ma chambre, près de la double fenêtre ornée de
fleurs en papier. La neige tombe et des flocons doux, cotonneux, se déversent
du ciel. Le bruissement est imperceptible. De longues heures, je reste assis à
regarder ce prodige, jusqu’à ce que je me fonde dans la coulée blanche et
m’endorme. »
Au petit théâtre de la
MC2, l’acteur Thierry Bosc, seul en scène pendant une heure
et quart, nous fait partager le
passé douloureux d’un israélien devenu
écrivain, prix Médicis, mais surtout sa recherche des mots justes, préférant
les hésitations à la fluidité.
Du fond de la douleur reviennent de belles leçons, quand il
parle de son grand père :
« J'allais le
voir une fois par jour, il me caressait la tête et me montrait les lettres du
livre qu'il étudiait et il me racontait une petite histoire ou un dicton. Un
jour, il me raconta un proverbe que je ne compris pas; selon ses vœux je ne
l'interprétais pas correctement et il me dit: « Ce n'est pas important, l'essentiel
est d'aimer ce matin. »
Son aventure n’appartient qu’à lui : rescapé des camps,
orphelin, il survit dans les forêts d’Ukraine
avant de débarquer à 14 ans en Israël. Son écriture élémentaire peut
être partagée :
« Plus de
cinquante ans ont passé depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale. Le cœur a beaucoup oublié, principalement des lieux, des dates, des
noms de gens, et pourtant je ressens ces jours-là dans tout mon corps. Chaque
fois qu’il pleut, qu’il fait froid ou que souffle un vent violent, je suis de
nouveau dans le ghetto, dans le camp, ou dans les forêts qui m’ont abrité
longtemps. La mémoire, s’avère-t-il, a des racines profondément ancrées dans le
corps. Il suffit parfois de l’odeur de la paille pourrie ou du cri d’un oiseau
pour me transporter loin et à l’intérieur. »
Le grand corps de l’acteur s’inscrit dans un décor au
plafond bas dont les parois s’éclairent de silhouettes d’arbres, d’écritures,
sobres et belles, sur fond de musiques agréables et subtiles.
Au-delà des commémorations de la libération des camps, de la
condition juive, les débats actuels sur l’identité, la construction de la
mémoire, de soi même, ce qui s’appelle le vocabulaire d’une langue, la
barbarie, résonnent en profondeur.
samedi 11 avril 2015
XXI. Printemps 2015.
L'indispensable trimestriel, en vente en librairie, vanté depuis toujours sur ce blog
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/01/xxi-hiver-2015.html
, est original, varié, consistant.
Avant les reportages, au détour de rubriques brèves, mais
jamais anodines, sous un titre familier : « Les riches de plus en
plus riches » :
« Un français
qui gagne 2000 € par mois figure parmi les 1, 61% les plus riches de la
planète. »
Il y a de quoi relativiser ; l’aviez-vous vu comme
ça ?
Lorsqu'il est question dans la colonne d'à côté de l’équilibre planétaire, dont quatre
des neufs ressorts écologiques seraient affectés, vous pensez aller vous recoucher.
Heureusement, des portraits positifs viennent en
contrepoint :
- un réfugié du Sud soudan a trouvé sa voie aux Etats-Unis
grâce aux échecs,
- un postier tellement passionné est devenu un expert parmi
les égyptologues,
- une journaliste qui habitait Londres est revenue vivre à Alep…
Dans ce numéro 30, le dossier thématique concerne l’Inde en trois
articles roboratifs :
le destin de Narendra Modi, le premier ministre de
« la plus grande démocratie du monde »,
et de celle qui, nourrie par un tuyau, est en grève de la faim depuis 15 ans pour faire abroger la loi militaire qui s’applique toujours dans l’état du Manipur, loin d’être démocratique, comme dans d'autres régions du sous-continent où deux chanteurs remettent en cause le système des castes.
et de celle qui, nourrie par un tuyau, est en grève de la faim depuis 15 ans pour faire abroger la loi militaire qui s’applique toujours dans l’état du Manipur, loin d’être démocratique, comme dans d'autres régions du sous-continent où deux chanteurs remettent en cause le système des castes.
Gilberte Beaux, ancien bras droit de Tapie, vit en Argentine
dans un immense domaine agricole, semblable à une Iranienne qui sur une
superficie bien plus petite est aussi une exécutive woman des plus efficace. La
première milliardaire d’Afrique, fille du président angolais, achète des pans
entiers du Portugal, l’ancienne puissance colonisatrice.
Ces trois bonnes femmes dégagent une énergie impressionnante,
comme cette avocate turque qui a appris sur le tard son ascendance arménienne
et se bat pour la reconnaissance du génocide qui fit plus d’un million de morts.
La rencontre d’une photographe et d’une kamikaze à Kaboul est également poignante.
Le récit en photos concerne les ouvriers de Peugeot :
la classe ouvrière n’est plus ce qu’elle était.
Chicago, elle, dépasse sa légende, contractée en Chirak vu que le
nombre de meurtres était bien supérieur à celui des soldats tombés au
combat : un habitant se fait tirer dessus toutes les trois heures, des mômes
de 15 ans choisissent à l’avance leur
cercueil !
Bien plus fous que ces ados décrits dans une bande dessinée
par Pauline Aubry qui a connu aussi une adolescence qui se rassurait à
l’hôpital. Certains se scarifient pour oublier sous la souffrance physique,
leur souffrance psychique.
vendredi 10 avril 2015
Ainsi front front front.
En passant après tant d’autres, je ne titrerai pas:
« De quoi Marine est-il le nom ? » pour ne pas recopier
indéfiniment une formule qui fut féconde concernant quelque « Déprimante
majesté » sur le retour. Le tourment FN vient de plus loin et dépasse les
Le Pen et leur Pétain de querelle.
Les discussions concernant la montée ou la stagnation de
l’extrême droite par rapport aux inscrits, aux votants me semblent vaines.
C’est tellement navrant de voir que la moindre chèvre, pourvu qu’elle porte une
casaque « bleu marine » ait pu obtenir tant de voix, qu’il conviendrait
de causer de la chose.
La formule de Gramsci selon laquelle: « la victoire culturelle précède la victoire politique», mise à toutes les sauces, participe
d’un requiem plutôt que d’un sursaut, de puissantes mâchoires se sont approprié
la formule et dégustent la prophétie.
Les peurs sont agitées : petite
moustache et grandes barbes.
Le moindre mot ferait le jeu du FN: par
exemple reconnaître qu’à gauche nous n’avons su voir la montée de la
religiosité alors que ces furieux l’avaient pressenti, certes d’une façon
étroite et obsessionnelle, mais anticipant sur des mouvements inquiétants. De
surcroit ils ont préempté une laïcité abandonnée et surfé sur les errances de
l’Europe.
Emettre de tels propos me placerait dans la cohorte des lecteurs fourvoyés
de Julliard, Michéa, Bouvet, mal vus par quelques policiers de l’entre soi, qui
ont immolé depuis longtemps Finkielkraut pour sorcellerie. Qui peut suivre ces
maîtres penseurs à de telles hauteurs éthiques, sinon d’étiques troupes ?
Toute pensée est stérilisée, les doigts
deviennent gourds sur les claviers.
« La route des
enfers est facile à suivre ; on y va les yeux fermés. » Bion de Boristhène
Par quels retournements sommes nous
passés ? Le prolétariat était le salut de l’humanité, il est devenu son
effroi, objet de mépris des camarades intellectuels désormais établis du côté
de sciences po, plutôt qu’aux alentours des abattoirs Doux, des ateliers de la Peug’ ou des parkings à
routiers.
« Comme je
descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. »
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. »
« Intello » est depuis si longtemps
une insulte dans les salles de classe, avec la complicité de ceux qui font
profession en principe d’élever les jeunes et non de les flatter, qu’il faut à
quelque jeune audacieux, si peu moderne, ruser pour continuer à vouloir apprendre.
La chasse à l’intellectuel, tellement
intériorisée par les profs eux-mêmes qui ne veulent surtout pas passer pour des
donneurs de leçon, est devenue banale. De surcroit, les coups de carabine, ne portant
plus très loin, sont réservés aux voisins.
La réduction de toute parole à 140 signes,
l’effondrement de la lecture, l’effacement de l’histoire, la disparition de la
rédaction patiente, élaborée, personnelle, ont préparé le terrain : la
dèche ou Daech !
Front contre front, « de gauche »
contre le « national », rejouant 14. En reprenant l’intitulé, ils s’amusent,
mais les verbes hauts ne sont pas à la hauteur. Le « F… de gauche » a
joué au « ni ni » aussi, il n’y avait pas que Sarko dans cette hystérisation du débat, cette
simplification suicidaire. Ah ! Ils pourront pleurer sans vergogne sur
les décisions prises par la droite qui
ose maintenant se proclamer telle, revenant en pire.
Appointé fonctionnaire, ayant demandé à de
cohortes d’élèves jadis globalement appliqués d’apprendre leurs leçons, je sais
bien le rejet de toute une population à l’égard des profs, des médias, des
politiques, des dirigeants qui à défaut de diriger l’économie, se donnent
l’illusion de commander les consciences. Le regroupement des nostalgiques d’un
passé réinventé et des frustrés d’aujourd’hui qui demandent à l’état de leur
assurer l’avenir vers lequel ils n’ont même pas l’idée de tendre les bras, est funeste.
« Fileur
éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets ! » Rimbaud
Je regrette l'Europe aux anciens parapets ! » Rimbaud
La poésie comme un refuge pour éviter de tomber dans
« l’infobésité » suivant un mot qui m’a semblé heureux dans un spasme
récent de France Inter qui au moins pendant sa grève nous a dispensé de
Trapenard.
........
Hier, je n'ai pas publié, car un câble ayant été rompu suite à des
travaux dans le quartier, les ordinateurs n'étaient plus utilisables. L'incident passé, j'ai trouvé ce dessin sur la toile:
mercredi 8 avril 2015
Athènes, entre reconstruction et embellissement.
Daniel Soulié, devant les amis du musée, nous a entretenus
essentiellement d’une période qui s’étend du V°siècle avant notre ère jusqu’au
II° siècle, après avoir souligné d’emblée le peu de vestiges, hormis sur
l’Acropole, qui restent de la ville antique, recouverte, scellée, par la ville
moderne.
Le site de la cité était idéal, ceinturé par la mer, isolé
par les montagnes, agréable à vivre mais aride pour les envahisseurs.
Des nécropoles attestent d’une occupation durable dès le
néolithique.
La légende de la création d’Athènes prend naissance au pied
de l’Acropole, du temps où les dieux vivaient parmi les hommes, sauf Poséidon
et Athéna à qui sont demandés des cadeaux. Le dieu de la mer propose un étalon
sous le sabot duquel jaillit une source, Athéna offre un arbre qui fleurit
aussitôt : un olivier, préféré par les citoyens en devenir, au cheval.
La ville qui va fédérer les habitants de l’Attique est
située à 6 km
de la mer, suivant des préceptes que les villes portuaires n’avaient pas
d’avenir, car trop exposées aux invasions.
Les mouillages étant peu nombreux sur les côtes grecques, Le
Pirée sur son cap offrait trois ports
naturels. Les deux cités furent reliées par une route protégée par une muraille
faisant partie d’un ensemble défensif de 32 km de long.
Au V° siècle, celui de Périclès, le phare culturel et
politique de l’Europe ne compte pas plus de 40 000 habitants, alors que
Milet l’orientale, en comptait trois fois plus et Alexandrie 500 000 au III° siècle.
Hadrien, l’empereur romain voyageur, est étonné que cette
ville si prestigieuse, ne comporte pas plus de monuments, il va en construire,
rattrapant les destructions de Sulla (Sylla) trois siècles auparavant.
Si le temple dédié à Héphaïstos dieu de la métallurgie est
bien conservé, c’est qu’il a servi d’église par la suite. Il est situé sur
l’Agora, où étaient édifiées des constructions communautaires, religieuses,
commémoratives dont le bouleutérion
où se réunissait l’assemblée des représentants des tribus, mais il n’en reste
rien et de la tholos ne subsiste que la trace circulaire. Cet espace était
interdit aux prostituées, aux bouchers, aux étrangers il était réservé aux
hommes « libres ».
Alors que je lis sur internet qu’il s’agissait d’un lieu de
marché, le conférencier nous a précisé que surtout ce n’était pas un lieu de
marché, bien que ses limites ne soient pas rigoureusement dessinées.
La voie de la procession des Panathénées traversait la
place. Bien des bâtiments furent détruits par les perses en 480 av. J.C., puis
restaurés, entre temps les matériaux avaient été réutilisés ailleurs surtout
que le marbre du mont Pentélique était réputé.
La stoa d'Attale roi de la cité de Pergame reconstruite par
l’école américaine d’archéologie dans les années 50 (1953) était un centre
commercial de plus de 100 m
de long, elle est un musée lapidaire.
Le Parthénon, monument emblématique avait été transformé en
église, puis en mosquée et en poudrière par les ottomans, qu’un tir vénitien fit
exploser en 1687.
L’Odéon pouvant accueillir 4000 spectateurs a conservé le
mur de scène qui était plutôt dans la manière romaine et le théâtre de Dionysos
recouvert par les limons qui ruisselaient de l’acropole, dégagé au XIX°,
pouvait en recevoir 15 000. Le stade panathénaïque fut rénové pour les 1er Jeux
olympiques de l’ère moderne, en 1886.
En matière d’urbanisme, des débats opposaient une conception
de la ville rectiligne prestigieuse, aux cités où l’ennemi se repère
difficilement dans des rues tortueuses.
Certains pensaient même que s’abriter
derrière des fortifications amollirait les guerriers.
Le Pirée fut reconstruit en 450 par Hippodamos de
Milet dans le genre newyorkais: rues parallèles et perpendiculaires.
Après un long
assoupissement de la métropole, au XIX° siècle, des architectes allemands venus
avec le roi Bavarois Othon 1er vont aménager Athènes.
Aujourd’hui, la
capitale accueille un tiers des grecs mais un tiers de la ville est construit
illégalement : très peu d’espace verts et une densité maximale.
mardi 7 avril 2015
L’entrevue. Manuele Fior.
Le psychologue Raniero est en train de se séparer de sa
femme, c’est alors qu’il fait la connaissance d’une patiente qui a des visions,
lui aussi a vu des formes dans le ciel.
Nous sommes en 2048, en Italie, et glissons subtilement de
la description d’un monde apaisé sur fond de toits romains à de la science
fiction sans tapage.
Les personnages n’ont pas des allures d’acteurs magnifiques,
ils sont fragiles, faillibles.
Le graphisme est réussi, alliant des cadrages dynamiques à
un traitement au fusain estompé qui rend bien compte de la finesse des
relations. C’est que la télépathie est devenue un mode semble-t-il courant pour
mieux voir le monde. Un groupe nommé « La nouvelle Convention » retrouve
des utopies de 80 ans d’âge : «
la non-exclusivité émotive et sexuelle », et les formes d’architecture
futuristes ressemblent à celles des
années soixante.
La nostalgie peut s’exporter dans le futur. Si une voiture verse
encore exceptionnellement dans le fossé, la plupart sont électriques et
téléguidées, mais les pastèques sont toujours bonnes à partager.
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