Voilà encore un récit désenchanté au temps de la guerre
d’Espagne.
Son titre élève vers l’abstraction une trajectoire qui eut à
se heurter à tant de murs de pierres.
Ces 200 pages sont prenantes, chaleureuses, intéressantes.
On a beau savoir des choses sur cette période, le scénario
du petit fils au « chagrin réparateur », qui rend hommage à son grand
père est émouvant.
Les dessins riches allègent parfois des duretés de la vie en
jouant avec l’imagination, ils rendent le parcours fluide.
Eternel choc de l’idéal et de la réalité : sauf que les
baffes sont bien réelles, le poids des conformismes à la campagne, à fuir. Les
camarades tombent sous de vraies balles, les trahisons remettent la faim au
ventre, le froid de la neige mord les espadrilles.
Depuis la voiture en bois de l’enfance, à l’Hispano Suisa
qui traversa l’Ebre, avec des camions
qui transportèrent des denrées au noir, jusqu’à la chaise roulante d’un voisin
de maison de retraite, Antonio conduit.
Il se jette dans le vide depuis le quatrième étage au bout
d’une vie pleine.
Une fois encore je n’avais pas mesuré l’ampleur du silence s’imposant
avec ce poids au moment du retour, après la résistance en France, le combat
dans les rangs républicains, l’exil.
Alors le récit de cette épopée individuelle avec ses
contradictions, ses faiblesses et une soif de liberté revigorante, est une
belle illustration de la nécessité de remettre au jour des mémoires qui valent
pour tous.