mercredi 1 juin 2011

Touristes en chine 2007. # J 18. Monastère et chevaux.

Miao = bonjour Mafa mi = s’il vous plait
Nous avons du temps ce matin, le rendez-vous étant fixé à 9h, mais problèmes d’eau : il y a de l’eau chaude mais pas de froide. Nous nous débrouillons avec l’eau minérale de la bonbonne de la chambre.
Monastère Songzanlinsi avec notre guide local anglophone, très doux, naturel et maîtrisant bien l’anglais. Le monastère est une réplique du Potala, en reconstruction pour les bâtiments, les accès ; le lac comblé par les gardes rouges est recreusé. Nous grimpons tranquillement le premier escalier. Sur le premier bâtiment une portière noire en poils de yack est couverte de dessins symboliques, svastika, biches, roue en blanc. Nos femmes n’ont pas le droit de visiter les cuisines. Dans le hall, quatre gardiens sont peints et un grand bouddha doré veille. Le deuxième bâtiment comporte de belles fresques anciennes, éclairées par des bougies au beurre de yack, une petite pagode est entourée de riz que l’on déverse sur son toit, 3 ou 4 moines récitent des prières. Des tissus de soie pendent au dessus des autels. A l’étage, c’est la salle des moulins à prières, sous une verrière qui donne des couleurs formidables orange, vert. Sur la terrasse nous admirons les toitures à la feuille d’or et deux statues de biche et la roue recouverte d’or également.Nous avons l’opportunité d’assister à une prière. Dans une salle sombre, moines et moinillons dissipés et pas très attentifs sont réunis. La musique nait de tambours à main aux vibrations prenantes, de trompes, de cymbales, des cloches, et de deux hautbois posés. Nous sommes autorisés à déambuler pendant les récitations et attirons l’attention des distraits. Dans le hall un singe et un éléphant en peinture blanchissent progressivement grâce à la méditation. Cette sorte de B.D. se lit de bas en haut, il y a aussi la roue de la vie sur un autre pan de mur. Il pleut, pleuvine, en alternance. Nous choisissons de déjeuner avant les prochaines visites. Nous nous écartons des rues commerçantes de la vieille ville. Beaucoup de maisons sont en reconstruction, avec des frises en bois sculptées à la main à partir de grosses poutres, les traditions semblent respectées. Des voiturettes poubelles s’annoncent par des chansons européennes (« Frères Jacques », « Happy birthday ») en sons électroniques au tempi parfois surprenants. Repas à l’entrée de la rue commerçante : brochettes et fried rice with yack and vegetable. Difficile de se faire entendre mais le langage avec les mains nous sauve.Le lac sacré : Il se trouve au loin après une grande prairie plate saturée d’eau. Pas d’accès à pied, mais possible à cheval. Jean est bien tenté, nous le suivons plus ou moins rassurés mais les Tibétains guident les chevaux des inexpérimentés. Nous nous retrouvons sur cette grande étendue avec en toile de fond la montagne, au milieu des troupeaux de bêtes noires de la famille du yack dont un spécimen attend pour la photo. Les touristes chinois auront le bon goût de ne se pointer qu’à notre retour. J.J. a piqué son petit galop et notre guide a caracolé lui aussi avec plaisir. Nous visitons un village avec une nuée d’enfants polissons et excités. Les photos vues sur le petit écran des appareils les ravissent. Mitch joue au manège en les faisant tourner à bout de bras. Une villageoise les calme. Le guide a acheté des bonbons pour les petits, les filles sont plus farouches. Les chemins sont boueux, nous voyons de grands séchoirs à fourrage pareils à des structures de panneaux publicitaires.
Repos à l’hôtel, courses pour des pommes, des litchis, des cacahuètes et des pâtes sèches comme des Bolinos et chocolat.
Notre guide passe nous prendre pour un spectacle de chants et danses tibétains. Nous sommes accueillis avec une écharpe blanche. Dans une maison traditionnelle, une grande salle a été préparée avec bancs et tables garnies de nourriture : orge grillé, fromage, pâte de lentilles, une bouteille d’alcool et des tasses de thé tibétain. Le spectacle autour d’un poêle est assourdissant et se rapproche d’un karaoké, les spectateurs sont invités à danser. Comme Yuizhou nous l’avait prédit, ce spectacle « n’est pas à notre goût ». Nous nous éclipsons. Notre petit guide nous conseille d’aller sur la place de la vieille ville. Effectivement, tous les soirs se déroulent des performances de danses où se mêlent hommes et femmes, jeunes et vieux en vêtement traditionnels ou modernes dans une ambiance conviviale avec beaucoup de grâce. Contrastes : même si les danses évoluent sur des musiques plus modernes proches de la techno ou percussives, elles conservent leur caractère authentique.

mardi 31 mai 2011

Le rêve de Jérémie. Riad Sattouf.

J’apprécie les chroniques du dessinateur de Charlie hebdo quand il porte un regard sur les jeunes, acerbe mais sympathique, dénué de démagogie. Ici il passe du documentaire à la fiction pour narrer « les pauvres aventures de Jérémie ».
Le héros se met en ménage avec une ravissante et riche jeune femme amoureuse - on se demande pourquoi – de cet être immature ; il est affublé de surcroit d’un collègue qui s’applique à rater sa vie. Personnage assez fréquent dans les BD qui traitent de nos contemporains. Dans ces 48 pages, on peut réviser que FUCK signifierait « Fornication Under the Consentment of the King » (« fornication sous le consentement du Roi »), entendre en musique de fond Vincent Delerm, faire un tour, vite fait, chez les riches, dans le milieu de l’édition jeunesse ou dans une boite échangiste. Mais point d’émotion, tout est superficiel : pourquoi ces relations d’amitié, d’amour ? Il y a certes beaucoup de remords que les rêves n’arrivent pas à éponger, mais ce sont des cauchemars à gros nez.

lundi 30 mai 2011

I wish, I knew. Shang Hai Zhuan Qi

Une série d’interviews entrecoupées de plans mélancoliques à intentions poétiques de la ville colossale qu’est Shanghai. L’ambition du réalisateur de rendre justice à l’histoire n’est pas atteinte : les révolutions politiques, culturelles, l’exil de millions de personnes vers Hong Kong et Taïwan manquent pour moi, de souffle, d’émotion. Nous ne sommes pas bouleversés par ces bouleversements, même si la diversité des témoins ne contrarie pas une attention à leurs paroles dans la durée. Nous avons la possibilité d’entrevoir des façons originales d’envisager l’existence et le passé mais certaines approches nous paraissent encore étranges. Nous manquons de repères et des détails, des énumérations ne nous parlent pas, si l’on n’a pas une solide culture historique. A l’heure de caméras agitées, nous avons du mal à nous tenir tranquilles plus de deux heures.

dimanche 29 mai 2011

Causes perdues et musiques tropicales. Bernard lavilliers

- « Tu ne viendras plus tourner à la bastille
Le soir du grand soir avec ta famille
Coudes serrés pour bousculer le monde
Qu’est ce qui s’est passé
T’as perdu ta fronde »
- « Quand, quand la nuit tombe
Quand elle balance comme ça
Collée contre moi
Quand ses parfums sombres
Tournent autour de nous »
-« C'est le blues d'Angola
mineur et solitaire
qui nous vient de Luanda
c'est un chant de poussière. »

Le dernier Lavilliers c’est encore ça:
- de la politique avec de forts airs nostalgiques,
- les femmes qui chaloupent,
- les couteaux sous les tropiques pour de l’or et des diamants.
Notre Tintin de soixante ans a mis une veste sur ses épaules baraquées à l’occasion des victoires de la musique sur la télé à Pfimlin.
« Frapper à des portes en fer qui ne s’ouvrent pas
Parler à des gens trop fiers qui ne me voient pas
Plus rester, plus partir, plus rêver, en finir
Naufragé solitaire barbelés aux frontières »

"Causes perdues et musiques tropicales", c’est son 19e album, et je n’avais pas mis de mots sur ses années où il m’a accompagné, lui, pour qui j’ai collé des affiches quand il venait dans une petite salle de Grenoble seul avec sa guitare et un projecteur avant de passer par la Lorraine. Lui, qui m’a empêché d’arrêter mon sonotone à Braferbrel.
Avec son énergie, les parfums du monde qu’il ramenait, ses poses théâtrales quand il la ramenait.
Son dernier titre résume parfaitement son propos, même si je suis plus séduit par ses arrangements et le son de sa voix que renversé par ses paroles qui ont le charme des retrouvailles mais pas la verdeur de la nouveauté.

samedi 28 mai 2011

Le cercle des menteurs

Ce tome 2 des contes philosophiques du monde entier recueillis par Jean Claude Carrière contient 430 pages en format de poche qui se lisent très facilement.
Décrire tous les domaines de l’écrivain qui a été scénariste, dessinateur, parolier, metteur en scène, collaborateur des cinéastes les plus éminents tiendrait encore bien plus de pages. C’est un conteur, un passeur.
Pour faire partager à mon tour, mon plaisir de lire, j’extrais deux histoires de cet ouvrage, elles sont souvent anonymes, ici elles sont signées :
Samuel Beckett a écrit ce court dialogue :
Le client : Dieu a fait le monde en six jours, et vous, vous n'êtes pas foutu de me faire un pantalon en six mois.
Le tailleur : Mais, monsieur, regardez le monde, et regardez votre pantalon.

Charles Péguy a raconté l'histoire d'un homme qui se rend à pied à Chartres, au Moyen Age, et qui rencontre sur son chemin un homme exerçant le plus dur des métiers : casseur de pierres.
- Je vis comme un chien, lui dit l'homme. Exposé à la pluie, au vent, à la grêle, au soleil, je fais un travail pénible, et pour quelques sous. Ma vie est nulle. Elle ne mérite pas le nom de vie.
Un peu plus loin, le même homme rencontre un autre casseur de pierres, qui a une attitude toute différente.
- C'est un travail dur, lui dit-il, c'est vrai, mais au moins c'est un travail. Il me permet de nourrir ma femme et mes enfants. Et puis je suis au grand air, je vois passer du monde, je ne me plains pas. Il y a des situations pires que la mienne.
Enfin, un peu plus loin, l’homme rencontra un troisième casseur de pierres qui lui dit en le regardant dans les yeux :
- Moi, je bâtis une cathédrale.

vendredi 27 mai 2011

Toute une histoire.

Avec l’affaire DSK un bouleversement vient d’avoir lieu. Ah bon !
Cette défaillance privée nous a privé d’une Eminence.
Le cours de notre histoire collective est tellement chamboulé par cette histoire particulière,que j'en retombe dans mes antiennes concernant l’enseignement de l’Histoire.
Pagnol a beau dire : « Telle est la vie des hommes. Quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants », en conclusion à des récits ensoleillés, il ne faut pas laisser le story telling aux seuls communicants.
Sans aller jusqu’à mettre la main dans toutes les culottes du passé, je me suis toujours élevé contre la tendance à évacuer de l’enseignement les anecdotes, les passions, les caractères de ceux qui ont eu des postes décisifs, voire les légendes qui constituent la chair palpitante du réel et des rêves.
Pas plus qu’ « on ne tombe amoureux d’une courbe de croissance », il n’y a pas que des statistiques, des colonnes de chiffres dans la vie et à vouloir faire jouer les chercheurs aux élèves avant l’heure sans les intéresser auparavant, nous avons produit des cohortes de blasés se détournant des romans qui nous unissent, des contradictions publiques, des engagements civiques.
Je venais de lire dans le mensuel « Memo » que les légionnaires romains n’étaient pas ces hommes bien rasés que j’avais révisés chez Astérix mais des féroces qui se servaient des têtes coupées des ennemis comme projectiles pour leurs catapultes. Et on ne m’avait rien dit.
……
La photographie au dessus est prise à Saint Denis : Louis XII, sur son tombeau, a tombé la cuirasse. Le dessin au dessous est du « Canard Enchainé » de la semaine.

jeudi 26 mai 2011

Le Vaudou à la fondation Cartier.

Les parois de verre de Jean Nouvel, isolant le lieu d’exposition du boulevard Raspail, rappellent, en plus intime, le musée des arts premiers du même architecte. La collection d’objets vaudous de Jacques Kerchache, un des initiateurs du musée du quai Branly, y est présentée jusqu’au 25 septembre.
Malgré une projection documentée et vivante sur certains rites, le mystère de ces croyances demeure entier, et nous en apprécions l’aspect plastique parfaitement mis en valeur, avec en arrière plan, une vue sur des herbes folles surprenantes en plein quatorzième arrondissement.
De grandes statues élancées destinées à la protection nous accueillent devant des cases stylisées et dans une salle en sous sol nous déambulons parmi quarante huit statuettes toutes différentes à la charge sacrément forte. La pénombre en ce lieu convient bien au mystère des statuettes faites pour sortir surtout la nuit dont un éclairage ciblé révèle toute la complexité.
La communication entre le monde visible et celui des esprits est opérée par des figurines recouvertes de terre, d’huile, de mixtures secrètes, entourées de cordes enserrant des os, des cheveux, des coins.
Les liens enserrant ces objets maléfiques ou de protection visent à emprisonner,
les taquets de bois à aller au cœur des problèmes,
quant aux cauris ils marquent le désir, l’attente.
La simplicité de la présentation nous invite à chercher à aller plus loin dans la connaissance de cette religion qui compte des millions d’adeptes regroupés en sociétés secrètes principalement sur la « Côte des esclaves » en Afrique de l’ouest (Bénin, Togo, Nigéria…) et aux Caraïbes.
Les chamans mystérieux d’un culte où Vaudou signifie « messager de l’invisible », avec des rites sacrificiels parfois inquiétants, ne cessent de nous interroger au-delà du temps consacré à la visite.